Enlevé ! (traduction Varlet)/Chapitre IX

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Traduction par Théo Varlet.
Albin Michel (p. 428-434).

IX. L’homme à la ceinture pleine d’or

Le mauvais sort qui avait jusque-là poursuivi le Covenant ne fit que s’accentuer durant la semaine suivante. Un jour, il tenait sa route passablement ; le lendemain, il reperdait tout le chemin gagné. Finalement, nous fûmes drossés si loin dans le sud que l’on mit en panne et que l’on roula sur place toute la durée du neuvième jour, en vue du cap Wrath et de l’abrupte côte rocheuse qui le prolonge de part et d’autre. Les officiers tinrent conseil, et prirent une décision que je ne saisis pas bien, mais dont je vis le résultat : savoir que nous mîmes à profit ce vent contraire en nous dirigeant vers le sud.

L’après-midi du dixième jour, la houle tomba, et il survint un brouillard blanc, humide et opaque. On n’y voyait pas d’une extrémité du brick à l’autre. Chaque fois que je traversais le pont, cet après-midi-là, je voyais les hommes et les officiers accoudés au bastingage, guettant l’approche « des brisants », me dit-on ; et sans bien comprendre le mot, je flairais le danger, et j’étais ému.

Vers dix heures du soir, comme je servais le souper à M. Riach et au capitaine, le navire heurta contre quelque chose avec fracas, et des cris de détresse retentirent. Mes deux maîtres se levèrent d’un bond.

– Nous avons touché ! dit M. Riach.

– Non, monsieur, dit le capitaine. Nous venons simplement de couler un bateau.

Et ils s’élancèrent au-dehors.

Le capitaine avait dit vrai. Nous avions abordé dans le brouillard une barque, qui s’était ouverte en deux et avait sombré avec tout son monde, à l’exception d’un homme. Celui-ci (nous l’apprîmes par la suite) était à l’arrière comme passager, et les autres sur les bancs, à ramer. Lors de l’abordage, la poupe avait été lancée en l’air, et l’homme (il avait les mains libres, mais était empêtré d’un surtout de frise qui lui venait à mi-jambe) avait réussi s’agripper au beaupré du brick. Il fallait de la chance et beaucoup d’agilité pour se tirer d’un aussi mauvais pas. Et cependant, lorsque le capitaine l’introduisit dans la dunette, que je le vis pour la première fois, il semblait aussi frais et dispos que moi.

Il était de petite taille, mais bien bâti et vif comme une chèvre ; son visage exprimait la franchise, mais il était tout brûlé du soleil, et profondément grêlé de petite vérole ; ses yeux étaient singulièrement clairs et pleins d’une sorte de folie vacillante qui inspirait la sympathie et la crainte ; dès qu’il eut retiré son surtout, il déposa sur la table une paire de beaux pistolets à crosse d’argent, et je vis qu’il portait une longue épée au côté. Ses manières étaient d’ailleurs élégantes, et il complimenta fort joliment le capitaine. Bref, je pensai de cet homme, à première vue, que j’aimerais mieux l’avoir pour ami que pour ennemi. Le capitaine, de son côté, faisait ses remarques, mais il s’occupait davantage des habits que de la personne. Et en vérité, sous le surtout, il apparut d’une élégance bien raffinée pour la dunette d’un brick de commerce : chapeau à plume, gilet rouge, culotte de velours noir, habit bleu à boutons d’argent et fines dentelles d’argent ; tous vêtements de prix, quoiqu’un peu gâtés par le brouillard, et par le fait de coucher tout habillé.

– Je suis désolé, monsieur, pour votre barque, dit le capitaine.

– Il y a quelques braves gens partis au fond de l’eau, dit l’étranger, que j’aimerais mieux voir sur la terre ferme plutôt qu’une demi-douzaine de barques.

– De vos amis ? dit Hoseason.

– Des amis comme il n’y en a pas chez vous. Ils seraient morts pour moi comme des chiens.

– Tant pis, monsieur, dit le capitaine, toujours le regardant – il y a plus d’hommes sur la terre que de bateaux pour les y mettre.

– C’est ma foi vrai, s’écria l’autre, et vous me semblez un gentleman de profonde pénétration.

– J’ai été en France, dit le capitaine d’une telle façon qu’il voulait dire évidemment plus que sa phrase n’en avait l’air.

– Ma foi, monsieur, dit l’autre, il y a maints jolis garçons logés à la même enseigne.

– Sans doute, monsieur, dit le capitaine, et de jolis habits aussi.

– Oh ! dit l’étranger, est-ce par là que vient le vent ? Et il porta vivement la main à ses pistolets.

– Ne soyez pas si pressé, dit le capitaine. Ne faites pas un malheur avant d’en savoir la nécessité. Vous avez sur le dos un habit de soldat français et dans la bouche une langue écossaise, c’est certain ; mais il en va de même aujourd’hui pour quantité d’honnêtes gens, et qui n’en valent pas moins.

– Ouais ? dit le gentilhomme au bel habit. Seriez-vous du parti honnête ?

Il voulait dire : Êtes-vous jacobite, car de chaque côté, dans ce genre de dissensions civiles, on revendique pour soi le privilège de l’honnêteté.

– Ma foi, monsieur, répondit le capitaine, je suis un protestant bon teint, et j’en remercie Dieu. (C’était le premier mot quelconque de religion que je lui entendais prononcer, mais je sus plus tard qu’il était fort assidu à l’église, une fois à terre.) – Malgré cela, continua-t-il, je regrette de voir un de mes semblables mis le dos au mur.

– En vérité, demanda le jacobite. Eh bien, monsieur, pour être franc avec vous, je suis l’un de ces gentlemen qui eurent des ennuis vers l’an 45-46 ; et (toujours pour être franc avec vous) si je tombais entre les mains de ces messieurs de l’habit rouge, il est probable que cela irait mal pour moi. Maintenant, monsieur, j’allais en France ; il y avait un vaisseau français en train de croiser par ici afin de m’emmener ; mais nous l’avons perdu dans le brouillard… comme je souhaiterais de tout cœur que vous eussiez fait vous-même ! Et voici tout ce que je puis dire : Si vous voulez me mettre à terre là où je me rendais, j’ai sur moi le nécessaire pour vous récompenser largement de votre peine.

– En France ? dit le capitaine. Non, monsieur, cela je ne le puis. Mais là d’où vous venez… nous pourrions en causer.

Et alors, par malheur, il m’aperçut dans mon coin, et m’envoya à la cambuse chercher le souper du gentilhomme. Je ne perdis pas de temps, je vous assure. Quand je fus de retour dans la dunette, le gentilhomme avait retiré d’autour de sa taille une ceinture pleine d’espèces, et versé quelques guinées sur la table. Le capitaine regardait tour à tour les guinées, la ceinture, et le visage du gentilhomme ; il me parut fort intéressé.

– Moitié de cela, s’écria-t-il, et je suis votre homme !

L’autre rafla les guinées dans la ceinture, qu’il rajusta sous son gilet.

– Je vous ai expliqué, monsieur, dit-il, que pas un liard de cet or ne m’appartient. Il appartient à mon chef – (il porta la main à son chapeau) – mais tandis que je serais seulement un fidèle messager, d’en sacrifier une partie afin de sauver le reste, j’agirais comme un misérable si je rachetais ma carcasse trop cher. Trente guinées sur la côte, ou soixante, si vous me déposez dans le loch Lynnhe. Voyez si cela vous va ; sinon, tant pis pour vous.

– Très bien, dit Hoseason. Et si je vous livre aux soldats ?

– Vous feriez un marché de dupe, dit l’autre. Mon chef, laissez-moi vous le dire, monsieur, est confisqué, comme tout honnête homme en Écosse. Ses biens sont entre les mains de celui qu’on appelle le roi George, dont les fonctionnaires recueillent le produit, ou du moins essaient. Mais pour l’honneur de l’Écosse, les pauvres tenanciers n’oublient pas leur chef exilé ; et cet argent qu’ils lui envoient fait partie de ces mêmes revenus que convoite le roi George. Or, monsieur, vous me semblez comprendre les choses : mettez cet argent à la portée du gouvernement, et qu’est-ce qui vous en reviendra ?

– Bien peu, à coup sûr, dit Hoseason ; puis : – S’il le savait, ajouta-t-il froidement. Mais je suppose, le cas échéant, que je saurais tenir ma langue.

– Oui, mais je vous garde un tour ! s’écria le gentilhomme. Trahissez-moi, et je vous rends la pareille. Que l’on mette la main sur moi, et je révèle la somme.

– Allons, dit le capitaine, il faut ce qu’il faut. Soixante guinées, et tope. Voilà ma main.

– Et voici la mienne, dit l’autre.

Et là-dessus, le capitaine sortit (un peu précipitamment, à mon avis) et me laissa seul dans la dunette avec l’étranger.

À cette époque (peu après 45) un grand nombre de gentilshommes exilés revenaient, au péril de leur vie, soit pour voir leurs amis, soit pour trouver de l’argent, et quant aux chefs highlanders dont les biens avaient été confisqués, il était de notoriété que leurs tenanciers se privaient afin de leur envoyer de l’argent, et les membres de leur clan affrontaient les soldats pour le recevoir, et forçaient le blocus de notre flotte de guerre pour le porter à l’étranger. Tout cela, bien entendu, je le savais ; mais j’avais là sous les yeux un homme dont la vie était compromise pour tous ces motifs et d’autres encore, car c’était non seulement un rebelle et un messager clandestin, mais il avait pris du service chez le roi Louis de France. Et comme si tout cela ne suffisait pas, il avait autour de la taille une ceinture pleine de guinées d’or. Quelles que fussent mes opinions, je ne pouvais regarder un tel homme sans un vif intérêt.

– Ainsi, vous êtes jacobite ? dis-je, en posant un plat devant lui.

– Oui, dit-il en se mettant à manger. Et vous, à voir votre longue figure, seriez plutôt un whig[14].

– Entre les deux, répondis-je, de crainte de le désobliger ; car j’étais en réalité aussi bon whig que M. Campbell avait pu me faire.

– Alors, vous n’êtes rien du tout, dit-il. Mais à mon avis, monsieur Entre-les-deux, cette bouteille-ci est vide, et ce serait dur d’aller payer soixante guinées pour qu’on vous chicane encore une goutte à boire.

– Je vais demander la clef, dis-je. Et je sortis sur le pont.

Le brouillard était toujours aussi dense, mais la houle presque entièrement tombée. On avait mis le brick en panne, car on ne savait plus au juste où l’on se trouvait, et le vent (ou le peu qui en restait) ne pouvait nous servir pour notre route. Quelques matelots guettaient encore les brisants ; mais le capitaine et les deux officiers étaient dans la coursive, leurs têtes rapprochées. Je sentis (je ne sais pourquoi) qu’ils méditaient un mauvais coup ; et le premier mot que j’entendis, en m’approchant d’eux tout doucement, fit plus que me confirmer dans cette opinion.

Ce fut M. Riach qui s’écria, soudain comme frappé d’une idée :

– Ne pouvons-nous l’attirer hors de la dunette ?

– Il est mieux là, répliqua Hoseason ; il n’a pas de place pour se servir de son épée.

– Oui, c’est vrai, dit Riach ; mais ce sera difficile d’en venir à bout.

– Bah ! dit Hoseason. Il suffit de nous mettre un de chaque côté de lui, comme pour causer, et de lui immobiliser les bras ; ou, si vous le préférez, monsieur, nous pouvons nous élancer par les deux portes, et le terrasser avant qu’il ait le temps de dégainer.

À ces mots, je fus saisis à la fois de crainte et de fureur envers ces traîtres, avides et sanguinaires individus. Ma première idée fut de fuir ; ma seconde fut plus hardie.

– Capitaine, dis-je, le gentilhomme demande à boire, et sa bouteille est finie. Voulez-vous me donner la clef ?

Tous deux tressaillirent et se retournèrent.

– Ma foi, voici notre meilleure chance de mettre la main sur les armes à feu ! s’écria Riach. Puis, s’adressant à moi : – Écoutez bien, David, savez-vous où sont les pistolets ?

– Oui, oui, dit Hoseason ; David le sait ; David est un brave garçon. Voyez-vous, David mon ami, ce Highlander là-bas est un danger pour le brick outre qu’il est ennemi juré du roi George, que Dieu bénisse !

Je n’avais pas encore reçu autant de David depuis mon arrivée à bord ; mais je répondis : Oui, comme si ce qu’on me disait était tout naturel.

– L’ennui, reprit le capitaine, c’est que toutes nos armes à feu, grandes ou petites, se trouvent sous le nez de cet homme, dans la dunette ; la poudre également. Or, si moi, ou l’un des officiers, s’en allait pour les chercher, cela lui donnerait l’éveil. Tandis qu’un garçon comme vous, David, peut facilement escamoter une poire à poudre et un pistolet ou deux. Et si vous vous en tirez comme il faut, je ne l’oublierai pas, au moment où il sera bon pour vous d’avoir des amis, c’est-à-dire quand nous arriverons à la Caroline.

M. Riach lui glissa quelques mots à l’oreille.

– Très bien, monsieur, dit le capitaine ; puis à moi : – Et songez, David, que cet homme a une ceinture pleine d’or, et vous y mettrez les doigts, je vous en donne ma parole.

Je lui répondis que je ferais comme il le désirait, bien que j’eusse à peine la force de parler ; et alors il me donna la clef de l’armoire aux liqueurs, et je m’en retournai lentement vers la dunette. Qu’allais-je faire ? Ces gens étaient des misérables et des voleurs : ils m’avaient ravi à mon pays ; ils avaient tué le pauvre Ransome ; devais-je encore leur tenir la chandelle pour un autre assassinat ? Mais, d’autre part, j’avais devant les yeux la crainte de la mort ; car que pouvaient un enfant et un seul homme, fussent-ils braves comme des lions, contre tout l’équipage d’un navire ?

J’étais encore à retourner la chose dans mon esprit, sans me fixer à rien, lorsque j’entrai dans la dunette, et vis le jacobite qui mangeait sous la lampe. À cette vue, ma résolution fut aussitôt prise. Je n’en tire nul orgueil, car ce ne fut point de mon propre mouvement, mais par une sorte d’impulsion, que je marchai droit à la table, et posai la main sur l’épaule de l’homme.

– Tenez-vous à être tué ? lui demandai-je.

Il se leva d’un bond, et ses yeux me questionnèrent mieux que s’il avait parlé.

– Oh ! m’écriai-je, ce sont tous assassins ici ; le navire en est plein ! Ils ont déjà tué un mousse. C’est votre tour, à présent.

– Ouais, dit-il ; mais ils ne m’ont pas encore ; Puis, me regardant avec curiosité : – Vous me seconderiez ?

– C’est bien mon intention. Je ne suis pas un voleur, encore moins un assassin. Je vous seconderai.

– Très bien donc ; quel est votre nom ?

– David Balfour ; et puis, songeant qu’un homme aussi bien vêtu devait aimer les gens distingués, j’ajoutai pour la première fois : – de Shaws.

L’idée ne lui vint pas de mettre en doute ma parole, car un Highlander a l’habitude de voir des gens de la plus haute noblesse dans la plus grande pauvreté ; mais comme lui-même n’avait pas de particule, la puérile vanité qu’il portait en lui se révolta.

– Mon nom est Stewart, dit-il, en se redressant. C’est Alan Breck qu’on m’appelle. Un nom de roi me paraît bon assez, quoique je le porte tout simple, sans aucun nom de ferme à ajouter au bout.

Et, après m’avoir administré cette rebuffade, comme s’il s’agissait d’un sujet de la plus haute importance, il s’occupa d’inventorier nos moyens de défense.

La dunette était bâtie très solidement, pour résister aux coups de mer. De ses cinq ouvertures, le vasistas et les deux portes étaient assez larges pour laisser passer un homme. Les portes, d’ailleurs, pouvaient se clore hermétiquement ; elles étaient en cœur de chêne, à coulisses, et munies de crochets pour les tenir fermées ou bien ouvertes, selon le besoin. Celle qui était déjà fermée, je l’assujettis de cette manière, et j’allais faire glisser l’autre à sa place, lorsque Alan m’arrêta.

– David, dit-il – car je ne puis me rappeler le nom de votre terre, et je me permettrai donc de vous appeler David tout court – cette porte ouverte est la meilleure de nos défenses.

– Il vaudrait mieux la fermer, dis-je.

– Non pas, David, dit-il. Voyez-vous, je n’ai que deux yeux ; mais aussi longtemps que cette porte sera ouverte et que j’y aurai les yeux, la plupart de mes ennemis seront en face de moi, là même où je souhaite les trouver.

Puis il me donna un coutelas tiré du râtelier (où il y en avait quelques-uns, outre les armes à feu), le choisissant avec grand soin, tout en hochant la tête et disant qu’il n’avait jamais vu d’aussi pitoyables armes ; et ensuite il m’attabla devant une poire à poudre, un sachet de balles et tous les pistolets, qu’il me donna ordre de charger.

– Et ce sera là une meilleure besogne, permettez-moi de vous le dire, pour un gentilhomme de bonne naissance, que de frotter des assiettes et verser à boire à de vils goudronnés de marins.

Là-dessus, il se campa au milieu de la pièce, faisant face à la porte, et, tirant sa longue rapière, fit l’épreuve du champ disponible.

– Il faut que je m’en tienne aux coups de pointe, dit-il, en hochant la tête, et c’est très regrettable. Cela ne convient pas à mon genre, qui est surtout la garde haute. Et maintenant, chargez-nous ces pistolets, et faites attention à ce que je vais vous dire.

Je lui promis de ne pas perdre un mot. J’avais la gorge serrée, la bouche sèche, les yeux troubles ; la pensée de tous ces individus qui allaient bientôt fondre sur nous me faisait battre le cœur ; et la mer, que j’entendais clapoter alentour du brick, et où je songeais que mon cadavre serait jeté avant le matin, la mer m’obsédait étrangement.

– Tout d’abord, combien sont-ils contre nous ? demanda-t-il.

Je les comptai ; et j’étais si bouleversé que je dus recommencer deux fois.

– Quinze, dis-je.

Alan siffla.

– Tant pis, dit-il, nous n’y pouvons rien. Et maintenant, suivez-moi bien. C’est mon rôle dans la bataille. Vous n’avez rien à y voir. Et surtout rappelez-vous de ne pas tirer de ce côté à moins qu’ils ne m’aient renversé ; car j’aime mieux dix ennemis en face de moi qu’un ami comme vous tirant des coups de pistolet dans mon dos.

Je lui avouai qu’en effet je n’étais pas un fameux tireur.

– Et voilà une brave parole ! s’écria-t-il, admirant beaucoup mon ingénuité. Maints fiers gentilshommes n’oseraient en dire autant.

– Mais, monsieur, dis-je, il y a cette autre porte, derrière vous, qu’ils pourraient bien enfoncer.

– Oui, dit-il, et c’est là une part de votre besogne. Sitôt les pistolets chargés, vous allez monter sur ce lit contre la fenêtre ; et, s’ils s’attaquent à la porte, vous tirez dessus. Mais ce n’est pas tout. Faisons de vous un soldat, David. Qu’avez-vous encore à garder ?

– Le vasistas, dis-je. Mais en vérité, monsieur Stewart, il me faudrait avoir des yeux de tous les côtés pour surveiller porte et vasistas ; quand j’aurai le nez à l’une, je tournerai le dos à l’autre.

– Très juste, dit Alan. Mais n’avez-vous pas aussi des oreilles ?

– À coup sûr ! m’écriai-je. J’entendrai casser le carreau.

– Vous avez quelques rudiments de bon sens, dit Alan, avec un sourire amer.