Esprit des lois (1777)/L11/C2
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Diverses significations données au mot de liberté.
Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, & qui ait frappé les esprits de tant de manieres, que celui de liberté. Les uns l’ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avoient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d’élire celui à qui ils devoient obéir ; d’autres, pour le droit d’être armés, & de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilege de n’être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres lois[1]. Certain peuple a long-temps pris la liberté, pour l’usage de porter une longue barbe[2]. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, & en ont exlu les autres. Ceux qui avoient goûté du gouvernement républicain, l’ont mise dans ce gouvernement ; ceux qui avoient joui du gouvernement monarchique, l’ont placée dans la monarchie[3]. Enfin chacun a appellé liberté le gouvernement qui étoit conforme à ses coutumes, ou à ses inclinations : Et comme dans une république on n’a pas toujours devant les yeux, & d’une maniere si présente, les instrumens des maux dont on se plaint, & que même les lois paroissent y parler plus, & les exécuteurs de la loi y parler moins ; on la place ordinairement dans les républiques, & on l’a exclue des monarchies. Enfin, comme dans les démocraties le peuple paroît à peu près faire ce qu’il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernemens, & on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.
- ↑ « J’ai, dit Cicéron, copié l’édit de Scévola, qui permet aux Grecs de terminer entr’eux leurs différents selon leurs lois ; ce qui fait qu’ils se regardent comme des peuples libres ».
- ↑ Les Moscovites ne pouvoient souffrir que le czar Pierre la leur fît couper.
- ↑ Les Cappadociens refuserent l’état républicain, que leur offrirent les Romains.