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Esprit des lois (1777)/L12/C30

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CHAPITRE XXX.

Continuation du même sujet.


C’est la fureur despotique qui a établi que la disgrace du pere entraîneroit celle des enfans & des femmes. Ils sont déjà malheureux, sans être crmiminels : & d’ailleurs il faut que le prince laisse entre l’accusé & lui des supplians pour adoucir son courroux, ou pour éclairer la justice.

C’est une bonne coutume des Maldives[1], que lorsqu’un seigneur est disgracié, il va tous les jours faire sa cour au roi, jusqu’à ce qu’il rentre en grace ; sa présence désarme le courroux du prince.

Il y a des états despotiques[2] où l’on pense, que de parler à un prince pour un disgracié, c’est manquer au respect qui lui est dû. Ces princes semblent faire tous leurs efforts pour se priver de la vertu de clémence.

Arcadius & Honorius, dans la loi[3] dont j’ai tant parlé[4], déclarent qu’ils ne feront point de grace à ceux qui oseront les supplier pour les coupables[5]. Cette loi étoit bien mauvaise, puisqu’elle est mauvaise dans le despotisme même.

La coutume de Perse, qui permet à qui veut de sortir du royaume, est très-bonne : Et quoique l’usage contraire ait tiré son origine du despotisme, où l’on a regardé les sujets comme des[6] esclaves, & ceux qui sortent comme des esclaves fugitifs ; cependant la pratique de Perse est très-bonne pour le despotisme, où la crainte de la fuite ou de la retraite des redevables, arrête ou modere les persécutions des bachas & des exacteurs.


Fin du premier Volume.

  1. Voyez François Pirard.
  2. Comme aujourd’hui en Perse, au rapport de M. Chardin : cet usage est bien ancien. « On mit Cavade, dit Procope, dans le château de l’oubli ; il y a une loi qui défend de parler de ceux qui y sont enfermés, & même de prononcer leur nom ».
  3. La loi V. au code ad leg. Jul. maj.
  4. Au chapitre VIII de ce Livre.
  5. Fridéric copia cette loi dans les constitutions de Naples, liv. I.
  6. Dans les monarchies, il y a ordinairement une loi qui défend à ceux qui ont des emplois publics de sortir du royaume sans la permission du prince. Cette loi doit être encore établie dans les républiques. Mais dans celles qui ont des institutions singulieres, la défense doit être générale, pour qu’on n’y rapporte pas les mœurs étrangeres.