Esprit des lois (1777)/L24/C26

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CHAPITRE XXVI.

Continuation du même sujet.


M. Chardin[1] dit qu’il n’y a point de fleuve navigable en Perse, si ce n’est le fleuve Kur, qui est aux extrémités de l’empire. L’ancienne loi des Guebres qui défendoit de naviguer sur les fleuves, n’avoit donc aucun inconvénient dans leur pays : mais elle auroit ruiné le commerce dans un autre.

Les continuelles lotions sont très en usage dans les climats chauds. Cela fait que la loi Mahométane & la religion Indienne les ordonnent. C’est un acte très-méritoire aux Indes de prier[2] Dieu dans l’eau courante : mais comment exécuter ces choses dans d’autres climats ?

Lorsque la religion fondée sur le climat a trop choqué le climat d’un autre pays, elle n’a pu s’y établir ; & quand on l’y a introduite, elle en a été chassée. Il semble, humainement parlant, que ce soit le climat qui a prescrit des bornes à la religion Chrétienne & à la religion Mahométane.

Il suit de là, qu’il est presque toujours convenable qu’une religion ait des dogmes particuliers, & un culte général. Dans les lois qui concernent les pratiques de culte, il faut peu de détails ; par exemples, des mortifications, & non pas une certaine mortification. Le Christianisme est plein de bon sens : l’abstinence est de droit divin ; mais une abstinence particuliere est de droit de police, & on peut la changer.


  1. Voyage de Perse, tome II.
  2. Voyage de Bernier, tome II.