Esprit des lois (1777)/L25/C7

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CHAPITRE VII.

Du luxe de la superstition.


Ceux-la sont impies envers les dieux, dit Platon[1], qui nient leur existence ; ou qui l’accordent, mais soutiennent qu’ils ne se mêlent point des choses d’ici-bas ; ou enfin qui pensent qu’on les appaise aisément par des sacrifices : trois opinions également pernicieuses ». Platon dit là tout ce que la lumiere naturelle a jamais dit de plus sensé en matiere de religion.

La magnificence du culte extérieur a beaucoup de rapport à la constitution de l’état. Dans les bonnes républiques, on n’a pas seulement réprimé le luxe de la vanité, mais encore celui de la superstition : on a fait dans la religion des lois d’épargne. De ce nombre, sont plusieurs lois de Solon, plusieurs lois de Platon sur les funérailles, que Cicéron a adoptées ; enfin quelques lois de Numa[2] sur les sacrifices.

« Des oiseaux, dit Cicéron, & des peintures faites en un jour, sont des dons très-divins. Nous offrons des choses communes, disoit un Spartiate, afin que nous ayons tous les jours le moyen d’honorer les dieux ».

Le soin que les hommes doivent avoir de rendre un culte à la divinité, est bien différent de la magnificence de ce culte. Ne lui offrons point nos trésors, si nous ne voulons lui faire voir l’estime que nous faisons des choses qu’elle veut que nous méprisions.

« Que doivent penser les dieux des dons des impies, dit admirablement Platon, puisqu’un homme de bien rougiroit de recevoir des présens d’un malhonnête homme ? »

Il ne faut pas que la religion, sous prétexte de dons, exige des peuples ce que les nécessités de l’état leur ont laissé ; &, comme dit Platon[3], des hommes chastes & pieux doivent offrir des choses qui leur ressemblent.

Il ne faudroit pas non plus que la religion encourageât les dépenses des funérailles. Qu’y a-t-il de plus naturel, que d’ôter la différence des fortunes dans une chose & dans les momens qui égalisent toutes les fortunes ?


  1. Des lois, liv. X.
  2. Rogum vino ne respergito. Loi des douze tables.
  3. Des lois, liv. III.