Esprit des lois (1777)/L28/C32

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CHAPITRE XXXII.

Continuation du même sujet.


Lorsqu’on faussoit la cour de son seigneur, il venoit en personne devant le seigneur suzerain, pour défendre le jugement de sa cour. De même[1], dans le cas d’appel de défaute de droit, la partie ajournée devant le seigneur suzerain menoit son seigneur avec elle, afin que, si la défaute n’étoit pas prouvée, il pût ravoir sa cour.

Dans la suite, ce qui n’étoit que deux cas particuliers étant devenu général pour toutes les affaires, par l’introduction de toutes sortes d’appels, il parut extraordinaire que le seigneur fût obligé de passer sa vie dans d’autres tribunaux que les siens, & pour d’autres affaires que les siennes. Philippe de Valois[2] ordonna que les baillis seuls seroient ajournés. Et quand l’usage des appels devint encore plus fréquent, ce fut aux parties à défendre à l’appel ; le fait[3] du juge devint le fait de la partie.

J’ai dit[4] que, dans l’appel de défaute de droit, le seigneur ne perdoit que le droit de faire juger l’affaire en sa cour. Mais si le seigneur étoit attaqué lui-même comme partie[5], ce qui devint très-fréquent[6], il payoit au roi, ou au seigneur suzérain devant qui on avoit appellé, une amende de soixante livres. De-là vint cet usage, lorsque les appels furent universellement reçus, de faire payer l’amende au seigneur lorsqu’on réformoit la sentence de son juge : usage qui subsista long-temps, qui fut confirmé par l’ordonnance de Roussillon, & que son absurdité a fait périr.


  1. Défont. ch. xxi, art. 33.
  2. En 1332.
  3. Voyez quel étoit l’état des choses du temps de Poutillier, qui vivoit en l’an 1402. Somme rurale, liv. I, page 19 & 20.
  4. Ci-dessus, chap. xxx.
  5. Beaumanoir, ch. lxi, pag. 312 & 318.
  6. Ibid.