Essai de cosmologie/Partie II

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Abrégé
du
Syſtème du monde.


L
E Soleil eſt un Globe lumineux, gros environ un million de fois comme la Terre. La matière dont il eſt formé, n’eſt pas homogène, il y paroît ſouvent des inégalités ; & quoique pluſieurs de ces taches diſparoiſſent avant que d’avoir parcouru tout ſon disque le mouvement réglé de quelques unes, & le retour au même lieu du disque, après un certain tems, ont fait voir que le Soleil immobile, ou preſque immobile dans le lieu des Cieux, où il eſt placé, avoit un mouvement de revolution ſur ſon Axe, & que le tems de cette revolution étoit d’environ 25 jours.

Six Globes qu’il échauffe & qu’il éclaire ſe meuvent autour de lui. Leurs groſſeurs, leurs diſtances, & leurs revolutions ſont différentes : mais tous ſe meuvent dans le même ſens, à peu près dans le même plan, & par des routes preſque circulaires.

Le plus voiſin du Soleil, & le plus petit, eſt Mercure : ſa plus grande diſtance du Soleil n’eſt que de 5 137 diametres de la Terre, ſa plus petite de 3 377 : ſon diametre n’eſt qu’environ la 300me partie de celui du Soleil. On n’a point encore découvert s’il a quelque revolution ſur lui même ; mais il tourne autour du Soleil dans l’eſpace de 3 mois.

Vénus eſt la ſeconde Planete : ſa plus grande diſtance du Soleil eſt de 8 008 diametres de la Terre, ſa plus petite de 7 898 : ſon diametre eſt la 100me partie de celui du Soleil : elle tourne ſur elle même ; mais les Aſtronomes ne ſont pas encore d’accord ſur le tems de cette revolution. M. Caſſini par l’obſervation de quelques taches la faiſoit de 23 heures ; M. Bianchini par d’autres obſervations, la fait de 24 jours. Sa revolution autour du Soleil eſt de 8 mois.

Le troiſième Globe eſt la Terre que nous habitons ; qu’on ne peut ſe diſpenſer de ranger au nombre des Planetes. Sa plus grande diſtance du Soleil eſt de 11 187 de ſes diametres ; ſa plus petite de 10 813. Elle tourne ſur ſon Axe dans l’eſpace de 24 heures, & employe un an à faire ſa revolution autour du Soleil dans un orbe qu’on appelle l’Ecliptique. L’Axe de la Terre, l’Axe autour duquel Elle fait ſa revolution diurne, n’eſt pas perpendiculaire au plan de cet orbe : il fait avec lui un angle de 66½ dégrés. Pendant les revolutions de la Terre, autour du Soleil, cet Axe demeure presque parallèle à lui même. Cependant ce Paralléliſme n’eſt pas parfait ; L’Axe de la Terre coupant toûjours le plan de l’Ecliptique ſous le même angle, tourne ſur lui même d’un mouvement conique dont la Période eſt de 25 000 ans ; & que les obſervations d’Hipparque comparées aux nôtres nous ont fait connoître. On doute encore ſi l’angle ſous lequel l’Axe de la Terre coupe le plan de l’Ecliptique eſt toûjours le même : quelques obſervations ont fait penſer qu’il augmente, & qu’un jour les plans de l’Ecliptique & de l’Équateur viendroient à ſe confondre. Il faudra peut-être des milliers de ſiécles pour nous l’apprendre. Cette Planete qui eſt celle que nous connoiſſons le mieux, nous peut faire croire que toutes les autres, qui paroiſſent de la même nature qu’elle, ne ſont pas des Globes déſerts ſuſpendus dans les Cieux, mais qu’Elles ſont habitées comme elle par quelques Êtres vivants. Quelques Auteurs ont hazardé ſur ces habitans des conjectures qui ne ſauroient être ni prouvées, ni démenties : mais tout eſt dit ; du moins tout ce qui peut être dit avec probabilité, lorſqu’on a fait remarquer, que ces vaſtes corps des Planetes ayant déja tant de choſes communes avec la Terre, peuvent encore avoir de commun avec elle, d’être habitées. Quant à la nature de leurs habitans, il ſeroit bien témeraire d’entreprendre de la deviner. Si l’on obſerve déja de ſi grandes varietés entre ceux, qui peuplent les différens Climats de la Terre, que ne peut-on pas penſer de ceux qui habitent des Planetes ſi éloignées de la nôtre ; leurs varietés paſſent vraiſemblablement toute l’étendue de nôtre imagination.

La quatrième Planete eſt Mars. Sa plus grande diſtance du Soleil eſt de 18 315 diametres de la Terre ; ſa plus petite de 15 213 : ſon diametre eſt la 170me partie de celui du Soleil. Sa revolution ſur ſon Axe eſt de 25 heures ; & celle qu’il fait autour du Soleil s’achève dans 2 ans.

La cinquième Planete & la plus groſſe de toutes eſt Jupiter. Sa plus grande diſtance du Soleil eſt de 59 950 diametres de la Terre ; ſa plus petite de 54 450 : ſon diametre eſt la 9me partie de celui du Soleil. Il fait dans 10 heures ſa revolution ſur ſon Axe ; ſon cours autour du Soleil s’acheve dans 12 ans.

Enfin la ſixième Planete & plus éloignée du Soleil eſt Saturne. Sa plus grande diſtance du Soleil eſt de 110 935 diametres de la Terre ; ſa plus petite de 98 901 : ſon diametre eſt la 11me partie de celui du Soleil. On ignore ſ’il tourne ſur ſon Axe. Il employe 30 ans à faire ſa revolution dans ſon orbe.

Voilà quelles ſont les Planetes principales, c’eſt à dire, celles qui tournent immédiatement autour du Soleil ; ſoit que pendant ce tems-là, elles tournent ſur elles mêmes ou non.

On appelle ces Planetes principales par rapport aux autres appellées ſecondaires. Celles-ci font leurs revolutions, non immédiatement autour du Soleil, mais autour de quelque Planete du premier ordre, qui ſe mouvant autour du Soleil tranſporte avec elle autour de cet Aſtre celle qui lui ſert de ſatellite.

L’Aſtre qui éclaire nos nuits, la Lune eſt une de ces Planetes ſecondaires ; ſa diſtance de la Terre n’eſt que de trente diametres de la Terre ; ſon diametre n’eſt guères que la quatrième partie du diametre de la Terre ; Elle fait 12 revolutions autour de la Terre, pendant que la Terre en fait une autour du Soleil.

Les corps des Planetes ſecondaires, opaques comme ceux des Planetes du premier ordre, peuvent faire conjecturer qu’elles ſont habitées comme les autres.

Depuis l’invention des Téleſcopes on a découvert quatre ſatellites à Jupiter : quatre Lunes qui tournent autour de lui, pendant que lui même tourne autour du Soleil.

Enfin Saturne en a cinq. Mais on découvre encore autour de cette Planete une autre merveille, à laquelle nous ne connoiſſons point de pareille dans les Cieux : c’eſt un large Anneau dont elle eſt environnée.

Quoique les ſatellites paroiſſent deſtinés à la Planete autour de laquelle ils font leurs revolutions, ils peuvent pour les autres avoir de grandes utilités ; & l’on ne peut omettre ici celle que les habitans de la Terre retirent des ſatellites de Jupiter. C’eſt que ces Aſtres ayant un mouvement fort rapide, paſſent ſouvent derrière les corps de leur Planete principale, & tombent dans l’ombre de cette Planete ; qui ne recevant ſa lumière que du Soleil, a toûjours derrière elle un eſpace ténébreux, dans lequel le ſatellite, dès qu’il entre, s’eclipſe pour le Spectateur, & duquel reſortant, il paroît à nos yeux. Or ces Eclipſes & ces retours à la lumière étant des Phénomènes qui arrivent dans un inſtant ; ſi l’on obſerve dans différens lieux de la terre l’heure de l’immerſion ou de l’émerſion du ſatellite, la différence qu’on trouve entre ces heures, donne la différence des Méridiens des lieux où l’on aura fait les obſervations : choſe ſi importante pour le Géographe & pour le Navigateur.

Deux grands Fluides appartiennent à la Planete que nous habitons : l’un eſt la Mer qui en couvre environ la moitié, l’autre eſt l’air qui l’environne de toutes parts.

Le premier de ces fluides eſt ſans ceſſe agité d’un mouvement qui l’élève & l’abaiſſe deux fois chaque jour. Ce mouvement beaucoup plus grand dans certains tems que dans d’autres, variant auſſi ſelon les différentes régions de la Terre, a une telle correſpondance avec les poſitions de la Lune & du Soleil qu’on ne ſauroit y méconnoître l’effet de ces Aſtres, quoique l’effet de la Lune ſoit de beaucoup le plus ſenſible : à chaque paſſage de la Lune par le Méridien, l’on voit les Mers inonder les rivages qu’elles avoient abandonnés.

L’autre fluide eſt l’air ; il enveloppe de tous côtés la Terre, & s’étend à de grandes diſtances au deſſus. Soûmis comme la Mer aux aſpects de la Lune & du Soleil, des proprietés particulières ajoutent de nouveaux Phénomènes à ſes mouvemens. C’eſt l’aliment de tout ce qui reſpire. Malgré ſa légèreté les Phyſiciens ſont venus à bout de le peſer, & de déterminer le poids total de ſa maſſe par les expériences du Baromètre ; dans lequel une Colonne de Mercure d’environ 27 pouces de hauteur eſt ſoutenue par la Colonne d’air qui s’étend depuis la ſurface de la Terre jusqu’à l’extrémité de l’Atmoſphère.

Deux proprietés fort remarquables de l’air ſont ſa compreſſibilité & ſon reſſort ; c’eſt par celle-là que l’air tranſmet les Sons. Les Corps ſonores par leur mouvement excitent dans l’air des vibrations qui ſe communiquent juſqu’à nôtre oreille, & la vîteſſe avec laquelle les Sons ſe transmettent eſt de 170 toiſes par chaque ſeconde.

Lorſqu’on conſidère les autres Planetes, on ne peut pas douter qu’elles ne ſoient formées d’une matière ſemblable à celle de la Terre, quant à l’Opacité. Toutes ne nous paroiſſent que par la reflexion des rayons du Soleil qu’elles nous r’envoient : nous ne voyons jamais de la Lune nôtre Satellite que l’Hémiſphère qui en eſt éclairé : ſi, lorsqu’elle eſt placée entre le Soleil & la Terre, on y apperçoit quelque légère lueur, ce n’eſt encore que la lumière du Soleil qui eſt tombée ſur la Terre r’envoyée à la lune & reflêchie de la lune à nos yeux : enfin dès que la Lune entre dans l’ombre que forme la Terre vers la partie oppoſée au Soleil, le corps entier de la Lune ou les parties qui entrent dans l’ombre s’eclipſent, comme font les ſatellites de Jupiter & de Saturne dès qu’ils entrent dans l’ombre de ces Aſtres.

Quant aux Planetes principales, la Terre en étant une, la ſeule analogie conduiroit à croire que les autres ſont opaques comme elle ; mais il y a des preuves plus ſûres qui ne permettent pas d’en douter. Celle des Planetes dont la ſituation à l’égard du Soleil demande qu’elle nous préſente les mêmes Phaſes que la Lune, nous les préſente en effet : Vénus obſervée au Téleſcope nous montre tantôt un Diſque rond, & tantôt des Croiſſants, plus ou moins grands ſelon que l’Hémiſphère qui eſt tourné vers nous eſt plus ou moins éclairé du Soleil. Mars nous préſente auſſi différentes Phaſes, quoique ſon orbite étant extérieure à celle de la Terre, ſes Phaſes ſoient moins inégales que celles de Vénus.

Le paſſage de Vénus & de Mercure ſur le Soleil qui s’obſerve quelquefois, pendant lequel on les voit parcourir ſon diſque comme des taches obſcures, eſt une nouvelle preuve de leur Opacité. Jupiter & Saturne dont les Orbes renferment l’Orbe de la Terre, ne ſauroient être expoſés à ce Phénomène : mais les Eclipſes de leurs Satellites lorsqu’ils ſe trouvent dans leur ombre, prouvent aſſés que ce ſont des corps opaques.

Les Taches qu’on obſerve avec le Téleſcope ſur le disque des Planetes, & qui conſervent conſtamment leur figure & leur ſituation prouvent que les Planetes ſont des corps ſolides. La Lune la plus voiſine de nous, nous fait voir ſur ſa ſurface de grandes cavités, de hautes montagnes, qui jettent des ombres fort ſenſibles vers la partie oppoſée au Soleil : & la ſurface de cette Planete paroît aſſés ſemblable à celle de la Terre, ſi on l’obſervoit de la Lune ; avec cette différence que les montagnes de celle-ci ſont beaucoup plus élevées que toutes les nôtres.

Quant au Soleil ; on ne peut douter que la matière, dont il eſt formé, ne ſoit lumineuſe & brûlante. Il eſt la ſource de toute la lumière qui éclaire la Terre & les autres Planetes, & de tout le feu qui les échauffe ; ſes rayons étant condenſés au foyer d’un miroir brûlant, & ſi leur quantité & leur condenſation ſont aſſés grandes, ils ſont un feu plus puiſſant que tous les autres feux que nous pouvons produire avec les matières les plus combuſtibles. Une ſi grande activité ſuppoſe la fluidité, mais on voit encore que la matière qui compoſe le Soleil eſt fluide par les changemens continuels qu’on y obſerve. Les taches qui paroiſſent dans le disque du Soleil & qui diſparoiſſent enſuite ſont autant de corps qui nagent dans ce fluide ; qui en paroiſſent comme les Écumes, ou qui s’y conſument.

On a toûjours ſû que le Soleil étoit la cauſe de la lumière ; mais ce n’eſt que dans ces derniers tems qu’on a découvert que la lumière étoit la matière même du Soleil : ſource inépuiſable de cette matière précieuſe, depuis la multitude de ſiécles qu’elle coule, on ne s’apperçoit pas qu’elle ait ſouffert aucune diminution !

Quelle que ſoit ſon immenſité, quelle ſubtilité ne faut-il pas ſuppoſer dans les ruiſſeaux qui en ſortent ! Mais ſi leur ténuité paroît merveilleuſe, quelle nouvelle merveille n’eſt-ce point, lorſqu’on verra qu’un rayon lumineux, tout ſubtil qu’il eſt, tout pur qu’il paroît à nos yeux, eſt un mélange de différentes matières. Lorſqu’on ſaura qu’un mortel a ſû analyſer la lumière, découvrir le nombre & les doſes des ingrédiens qui la compoſent ? Chaque rayon de cette matière, qui paroît ſi ſimple, eſt un faiſceau de rayons rouges, orangés, jaunes, verds, bleus, indigots, & violets, que leur mélange confondoit à nos yeux[1].

Nous ne ſaurions déterminer avec préciſion, quelle eſt la fineſſe des rayons de la lumière, mais nous connoiſſons leur vîteſſe ; dans 7 ou 8 minutes ils arrivent à nous ; ils traverſent dans un tems ſi court tout l’eſpace qui ſépare le Soleil & la Terre ; c’eſt à dire, plus de trente millions de lieuës. Tout effrayantes pour l’imagination que ſont ces choſes, des expériences inconteſtables les ont fait connoître[2].

Revenons aux Planetes & examinons un peu plus en détail leurs mouvemens. Les routes qu’elles décrivent dans les Cieux ſont à peu près circulaires, mais ce ne ſont pas cependant abſolument des cercles, ce ſont des Ellipſes qui ont fort peu d’excentricité.

Nous avons auſſi conſideré les Planetes comme des Globes, & il eſt vrai qu’elles approchent fort de la figure ſphérique : ce ne ſont pourtant pas, du moins ce ne ſont pas toutes, des Globes parfaits.

Dans ces derniers tems on ſoupçonna que la Terre n’étoit pas parfaitement ſphérique. Quelques expériences firent à penſer Newton & à Huygens qu’elle devoit être plus élevée à l’Équateur qu’aux Poles ; & être un ſphéroïde applati. Des méſures actuelles de différens dégrés de la France ſembloient lui donner une figure toute oppoſée, celle d’un Sphéroïde allongé. Ces méſures priſes par de très habiles Obſervateurs ſembloient détruire la figure applatie, qui n’étoit prouvée que par des expériences indirectes & par des raiſonnemens.

Telle étoit l’incertitude : lorsque le plus grand Roi que la France ait eu, ordonna la plus magnifique entrepriſe qui ait jamais été formée pour les Sciences. C’étoit de méſurer vers l’Équateur & vers le Pole les deux dégrés du Méridien les plus éloignés qu’il fût poſſible. La Comparaiſon de ces dégrés devoit décider la queſtion, & déterminer la figure de la Terre. M.M. Godin, Bouguer, la Condamine partirent pour le Perou ; & je fus chargé de l’expédition du Pole avec M.M. Clairaut, Camus, le Monnier & Outhier. Nous méſurâmes dans les déſerts de la Lapponie, le dégré qui coupe le Cercle polaire, & nous trouvâmes la Terre applatie : ſon Axe eſt de 6 525 600 toiſes ; & le diamètre de ſon Équateur, eſt de 6 562 500.

La Planete de Jupiter dont la revolution autour de l’Axe eſt beaucoup plus rapide que celle de la Terre, a un applatiſſement beaucoup plus conſiderable, & fort ſenſible au Téleſcope.

Voilà quelle eſt l’œconomie la plus connue de nôtre ſyſtème ſolaire. On y obſerve quelquefois des Aſtres que la plûpart des Philoſophes de l’Antiquité ont pris pour des Metéores paſſagers ; mais qu’on ne peut ſe diſpenſer de regarder comme des Corps durables, & de la même Nature que les Planetes.

La différence la plus conſiderable qui paroît être entre les Planetes & ces nouveaux Aſtres, c’eſt que les orbes de celles-là ſont preſque tous dans le même plan, ou renfermés dans une Zone de peu de largeur, & ſont des Ellipſes fort approchantes du Cercle ; les Cométes au contraire ſe meuvent dans toutes les directions, & décrivent des Ellipſes fort allongées. Nous ne les voyons que quand elles paſſent dans ces régions du Ciel où ſe trouve la Terre, quand elles parcourent la partie de leur orbite la plus voiſine du Soleil : dans le reſte de leurs orbites elles diſparoiſſent à nos yeux.

Quoique leur éloignement nous empêche de ſuivre leurs Cours ; pluſieurs apparitions de ces Aſtres après des intervalles de tems égaux, ſemblent n’être que les retours d’une même Cométe. C’eſt ainſi qu’on croit que celle qui parut en 1682 étoit la même qui avoit été vue en 1607, en 1531, & en 1456. Sa revolution ſeroit d’environ 75 ans, & l’on pourroit attendre ſon retour vers l’année 1757. De même quatre apparitions de la Cométe qui fut remarquée à la mort de Jules Céſar, puis dans les années 531, 1106, & en dernier lieu en 1680, doivent faire penſer que c’eſt la même, dont la revolution eſt de 575 ans. La Poſtérité verra ſi la conjecture eſt vraie.

Celle-ci, en 1680 s’approcha tant du Soleil, que dans ſon Perihélie elle n’en étoit éloignée que de la ſixième partie de ſon diamètre. On peut juger par là à quelle chaleur cette Cométe fut expoſée : elle fut 28 000 fois plus grande que celle que la Terre éprouve en Été.

Quelques Philoſophes conſiderant les routes des Cométes, qui parcourent toutes les régions du Ciel : tantôt s’approchant du Soleil juſqu’à pouvoir y être englouties, tantôt s’en éloignant à des diſtances immenſes, ont attribué à ces Aſtres des uſages aſſés ſinguliers. Ils les regardent comme ſervant d’aliment au Soleil, lorsqu’elles y tombent, ou comme deſtinées à rapporter aux Planetes l’humidité, qu’elles perdent : en effet, on voit aſſés ſouvent les Cométes environnées d’épaiſſes Atmoſphères, ou de longues queuës qui ne paroiſſent formées que d’exhalaiſons & de vapeurs. Quelques Philoſophes au lieu de ces favorables influences, en ont fait appréhender de très funeſtes. Le Choc d’un de ces Aſtres qui rencontreroit quelque Planete ſans doute la détruiroit de fond en comble. Il eſt vrai que ce ſeroit un terrible hazard, ſi des corps qui le meuvent dans toutes ſortes de directions dans l’immenſité des Cieux, venoient rencontrer quelque Planete. Car malgré la groſſeur de ces corps, ce ne ſont que des Atomes dans l’eſpace où ils ſe meuvent : la choſe n’eſt pas impoſſible ; quoiqu’il fût ridicule de la craindre. La ſeule approche de corps auſſi brûlants que le ſont quelques Cométes, lorſqu’elles ont paſſé fort près du Soleil, la ſeule inondation de leurs Atmoſphère ou de leurs Queuës, cauſeroit de grands déſordres ſur la Planete qui s’y trouveroit expoſée.

On ne peut douter que la plûpart des Animaux ne périſſent, ſ’il arrivoit qu’ils fuſſent reduits à ſupporter des Chaleurs auſſi exceſſives, ou à nager dans des fluides ſi différens des leurs, ou à reſpirer des vapeurs auſſi étrangères. Il n’y auroit que les Animaux les plus robuſtes & peut-être les plus vils qui conſervaſſent la vie. Des eſpèces entières ſeroient détruites ; & l’on ne trouveroit plus entre celles qui reſteroient l’ordre & l’harmonie qui y avoit été d’abord.

Quand je reflêchis ſur les bornes étroites dans lesquelles ſont renfermées nos connoiſſances ; ſur le deſir extrème que nous avons de ſavoir, & ſur l’impuiſſance où nous ſommes de nous inſtruire ; je ſerois tenté de croire que cette disproportion qui ſe trouve aujourd’hui entre nos connoiſſances & nôtre curioſité, pourroit être la ſuite d’un pareil déſordre.

Auparavant, toutes les eſpèces formoient une ſuite d’Êtres qui n’étoient pour ainſi dire que des parties contiguës d’un même Tout. Chacune liée aux eſpèces voiſines dont elle ne differoit que par des nuances inſenſibles, formoit entr’elles une communication qui s’étendoit depuis la prémière juſqu’à la dernière. Mais cette chaîne une fois rompue, les eſpèces que nous ne pouvions connoître que par l’entremiſe de celles qui ont été détruites, ſont devenues incompréhenſibles pour nous : nous vivons peut-être parmi une infinité de ces Êtres dont nous ne pouvons découvrir, ni la Nature, ni même l’exiſtence.

Entre ceux que nous pouvons encore appercevoir, il ſe trouve des interruptions qui nous privent de la plûpart des ſecours que nous pourrions en retirer : car l’intervalle qui eſt entre nous & les derniers des Êtres, n’eſt pas pour nos connoiſſances, un obſtacle moins invincible que la diſtance qui nous ſépare des Êtres ſupérieurs. Chaque eſpèce, pour l’univerſalité des choſes, avoit des avantages qui lui étoient propres. Et comme de leur aſſemblage reſultoit la beauté de l’univers, de même de leur communication en reſultoit la Science.

Chaque eſpèce iſolée ne peut plus embellir, ni faire connoître les autres : la plûpart des Êtres ne nous paroiſſent que comme des Monſtres ; & nous ne trouvons qu’obſcurité dans nos connoiſſances. C’eſt ainſi que l’édifice le plus régulier, après que la foudre l’a frappé, n’offre plus à nos yeux que des ruines ; dans leſquelles on ne reconnoît ni la ſymmetrie que les parties avoient entr’elles, ni le deſſein de l’Architecte.

Si ces conjectures paroiſſent à quelques uns trop hardies ; qu’ils jettent la vuë ſur les marques inconteſtables des changemens arrivés à nôtre Planete ? Ces coquillages, ces poiſſons petrifiés, qu’on trouve dans les lieux les plus élevés, & les plus éloignés des rivages, ne font-ils pas voir que les eaux ont autrefois inondé ces lieux ? ces Terres fracaſſées, ces Lits de différentes ſortes de matières interrompus & ſans ordre, ne ſont-ils pas des preuves de quelque violente ſecouſſe que la Terre a éprouvée ?

Celui qui dans une belle nuit regarde le Ciel, ne peut ſans admiration contempler ce magnifique ſpectacle. Mais ſi ſes yeux ſont éblouis par mille Étoiles qu’il apperçoit, ſon Eſprit doit être plus étonné, lorsqu’il ſaura que toutes ces étoiles ſont autant de Soleils ſemblables au nôtre ; qui ont vraiſemblablement comme lui leurs Planetes & leurs Cométes : lorſque l’Aſtronomie lui apprendra que ces Soleils ſont placés à des diſtances ſi prodigieuſes de nous, que toute la diſtance de nôtre Soleil à la Terre, n’eſt qu’un point en comparaiſon : & que quant à leur nombre que nôtre vuë paroît réduire à environ 2000, on le trouve toûjours d’autant plus grand, qu’on ſe ſert de plus longs Téleſcopes : toûjours de nouvelles Étoiles au delà de celles qu’on appercevoit, point de fin, point de bornes dans les Cieux.

Toutes ces Étoiles paroiſſent tourner autour de la Terre en 24 heures : mais il eſt évident que la revolution de la Terre autour de ſon Axe doit cauſer cette apparence. Elles paroiſſent encore toutes faire autour des Poles de l’Ecliptique une revolution dans l’eſpace de 25 000 ans ; ce Phénomène eſt la ſuite du mouvement conique de l’Axe de la Terre. Quant au changement de ſituation de ces Étoiles qu’il ſemble qu’on dût attendre du mouvement de la Terre dans ſon orbe, toute la diſtance que la Terre parcourt depuis une Saiſon juſqu’à la Saiſon oppoſée, n’étant rien par rapport à ſa diſtance aux Étoiles, elle ne peut cauſer de différence ſenſible dans leur aſpect.

Ces Étoiles, qu’on appelle Fixes gardent entre elles conſtamment la même ſituation : pendant que les Planetes ou Étoiles Errantes changent continuellement la leur, dans cette Zone, où nous avons vû que tous leurs orbes étoient renfermés, & que les Cométes plus errantes encore parcourent indifféremment tous les lieux du Ciel.

Quelquefois on a vû tout à coup de nouvelles Étoiles paroître : on les a vuës durer quelque tems, puis peu à peu s’obſcurcir & ſ’éteindre. Quelques unes ont des Périodes connues de lumière & de ténèbres. La figure que peuvent avoir ces Étoiles & le mouvement des Planetes qui tournent peut-être autour, peuvent être les cauſes de ces Phénomènes.

Quelques Étoiles qu’on appelle Nébuleuſes, qu’on ne voit jamais que comme à travers d’Atmoſphères dont elles paroiſſent environnées, nous font voir encore qu’il y a parmi ces Aſtres beaucoup de diverſités.

Enfin des yeux attentifs, aidés du Téleſcope découvrent de nouveaux Phénomènes : ce ſont de grands Eſpaces plus clairs que le reſte du Ciel ; à travers leſquels l’Auteur de la Théologie Aſtronomique a crû voir l’Empirée : mais qui plus vraiſemblablement ne ſont que des eſpèces d’Aſtres moins lumineux & beaucoup plus grands que les autres, plus applatis peut-être, & auxquels différentes ſituations ſemblent donner des figures irrégulières[3].

Voilà quels ſont les principaux objets du Spectacle de la Nature. Si l’on entre dans un plus grand détail, combien de nouvelles merveilles ne découvre-t-on pas ? Quelle terreur n’inſpire pas le bruit du Tonnerre, & l’éclat de la foudre, que ceux même qui nioient la Divinité ont regardés comme ſi propres à la faire craindre ? Qui peut voir ſans admiration cet Arc merveilleux qui paroît à l’oppoſite du Soleil ; lorsque par un tems pluvieux les gouttes répandues dans l’air ſéparent à nos yeux les couleurs de la lumière ? ſi vous allés vers le Pole, quels nouveaux Spectacles ſe préparent ? Des feux de mille couleurs, agités de mille mouvemens, éclairent les nuits dans ces Climats, où l’Aſtre du jour ne paroît point pendant l’hyver. J’ai vû de ces nuits plus belles que les jours ; qui faiſoient oublier la douceur de l’Aurore, & l’éclat du midi.

Si des Cieux on deſcend ſur la Terre : ſi après avoir parcouru les plus grands objêts, l’on examine les plus petits, quels nouveaux prodiges ! quels nouveaux miracles ! Chaque Atome en offre autant que la Planete de Jupiter.


  1. Newton Opticks.
  2. Philos. Tranſact. No 406.
  3. Voyés le Diſcours ſur la Figure des Aſtres.