Essai philosophique sur les probabilités/1

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Cet Essai philosophique est le développement d’une leçon sur les probabilités, que je donnai en 1795, aux écoles normales où je fus appelé comme professeur de Mathématiques avec Lagrange, par un décret de la Convention nationale. J’ai publié depuis peu sur le même sujet, un ouvrage ayant pour titre : Théorie analytique des Probabilités. Je présente ici, sans le secours de l’Analyse, les principes et les résultats généraux de cette théorie, en les appliquant aux questions les plus importantes de la vie, qui ne sont en effet, pour la plupart, que des problèmes de probabilité. On peut même dire, à parler en rigueur, que presque toutes nos connaissances ne sont que probables ; et dans le petit nombre des choses que nous pouvons savoir avec certitude, dans les sciences mathématiques elles-mêmes, les principaux moyens de parvenir à la vérité, l’induction et l’analogie se fondent sur les probabilités ; en sorte que le système entier des connaissances humaines se rattache à la théorie exposée dans cet Essai. On y verra sans doute avec intérêt, qu’en ne considérant même dans les principes éternels de la raison, de la justice et de l’humanité, que les chances heureuses qui leur sont constamment attachées, il y a un grand avantage à suivre ces principes, et de graves inconvéniens à s’en écarter : leurs chances, comme celles qui sont favorables aux loteries, finissant toujours par prévaloir au milieu des oscillations du hasard. Je désire que les réflexions répandues dans cet Essai, puissent mériter l’attention des philosophes, et la diriger vers un objet si digne de les occuper.