Essai sur le médicament

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ÉCOLE DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE DE TOULOUSE


ESSAI


SUR LE


MÉDICAMENT


PAR


Henri PÉCHAYRAND
De Cazoulès (Dordogne).


Omnia scientiæ narrare paucis.



THÈSE POUR LE DIPLÔME DE MÉDECIN-VÉTÉRINAIRE


TOULOUSE
IMPRIMERIE CENTRALE. — É. VIGÉ
43, RUE DES BALANCES, 43
1876


JURY D’EXAMEN

MM. BOULEY, O. ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
ARLOING,
Mauri, Chefs de Service.
Bidaud,
Laulanié,
Laugeron,
Labat,




PROGRAMME D’EXAMEN

instruction ministérielle
du 12 octobre 1866.


THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie de Physiologie et d’Histologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie spéciale ;
2o Pathologie générale ;
3o Pathologie chirurgicale ;
4o Maréchalerie, Chirurgie ;
5o Thérapeutique, Posologie, Toxicologie, Médecine légale ;
6o Police sanitaire et Jurisprudence ;
7o Agriculture, Hygiène, Zootechnie.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses chimiques ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.

À MON PÈRE ET À MA MÈRE


En vous consacrant
la dédicace
de cet humble travail,
j’ai voulu rendre à votre amour
un hommage mérité.
Puisse-t-il
en être digne
et parler assez haut
pour vous exprimer
ma vive affection
et mon entière reconnaissance !


À TOUS CEUX QUE J’AIME


(Trahit sua quemque voluptas).
Virgile.

AVANT-PROPOS

L’art de guérir se résume en une double opération de l’esprit par laquelle on s’élève à la conception d’un état maladif et des moyens propres à y remédier. Aussi n’y a-t-il pas dans le langage médical de termes plus intimement unis, plus inséparables que les mots maladie et médicament.

Le médicament est, en effet, une branche du trépied de la médecine ; il forme, avec l’hygiène et la chirurgie, toute la caisse de secours où puise l’homme de l’art ; il est l’arme offensive ou défensive qu’il lance ou oppose aux maladies.

Sous ce nom général se groupent une infinité de substances ayant chacune leur manière propre d’influencer les actes organiques. Toutefois, au milieu de ces expressions diverses, des traits leur restent communs dans leur action, leurs effets, dans leur manière d’être au sein de l’économie : de là, la possibilité de donner un aperçu du médicament envisagé d’une façon générale. C’est la thérapeutique simplifiée, débarrassée des individualités, envisagée dans ses grands principes que nous avons cherché à réaliser. Notre but est-il atteint ? Nous l’espérons peu, parce que nous l’ambitionnons beaucoup. Mais s’il ne nous est pas donné la satisfaction d’être arrivé à bonne fin, il nous reste, du moins, celle de l’avoir poursuivie avec ardeur.

H. P.



ESSAI SUR LE MÉDICAMENT

Omnia scientiæ narrare paucis.


Définition. — Tous les auteurs de traités de Matière médicale ont essayé de définir le médicament. Mais difficile était la chose ; car la plupart se sont répétés d’une manière plus ou moins complète sans parvenir à envisager tous les côtés de la question. Toute définition, pour être juste, doit embrasser ce qu’elle vise ; sa qualité est d’être générale. Pour nous sera médicament tout agent qui, employé dans un but thérapeutique, sera apte à modifier les éléments anatomiques dans un sens favorable à la guérison. Il ne saurait faire partie de l’organisme.

Médicament et remède ne sont pas deux termes synonymes. Ce dernier à une signification vaste, très-étendue ; elle comprend tous les agents employés en vue de remédier à un état maladif, à quelque source qu’on les emprunte. Celui-là n’embrasse que les agents tirés de la Pharmacie. Cependant, l’hygiène est la source d’aliments qui, suivant les circonstances ou les modes d’emploi, peuvent devenir des médicaments : les émollients, par exemple, qui sont tantôt des médicaments alimentaires, tantôt des aliments médicamenteux.

L’aliment et le médicament ne sont pas des agents analogues ; leur nature chimique, leur action sur l’économie, leur destination, établissent entre eux une distinction marquée. Le caractère du premier est de faire partie constituante du sang après son absorption, de se séparer, sous l’influence du travail digestif, en deux parties : l’excrément qui est expulsé et le nutriment qui est absorbé et porté dans le sang. Il sort de l’organisme transformé, méconnaissable. Le médicament, au contraire, par sa nature le plus souvent éloignée de la composition des tissus, est impropre à faire partie du corps ; il n’est pas assimilable et, arrivé dans le sang, il le modifie sans l’enrichir pour s’éliminer ensuite avec ses caractères propres.

Quant au poison, il a la plus grande ressemblance de composition chimique avec le médicament, dont il ne diffère, d’ailleurs, que par son plus fort degré d’activité. Cela est si vrai, qu’en atténuant sa dose, on a un médicament, et qu’en forçant celle d’un médicament, on obtient un poison.

Cette distinction de l’aliment, du médicament et du poison n’a rien d’absolu. Un aliment pour une espèce devient un médicament pour une autre, comme aussi un bon aliment et un médicament inoffensifs pris en trop grande abondance sont parfois causes de désordres et de graves accidents. Cette diversité d’action tient à une foule de circonstances dont nous parlons plus loin.

Expérimentation. — La première administration de médicaments aux animaux n’a pas été faite par la main de l’homme. À l’état de nature, ces êtres se médicamentent eux-mêmes ; le chien prend du chiendent pour se purger et, d’après certains auteurs, ce serait là l’origine de la thérapeutique. L’homme a, en ce point, imité la brute : il a observé ce qui a lieu dans la nature, enregistré les ingestions accidentelles de substances qui ont produit des cures, et dans des cas semblables a mis en usage ce que lui avait enseigné l’observation des faits. Ainsi se sont établis les premiers fondements de la thérapeutique.

Longtemps on n’a jugé du mérite du médicament que par ce dont on était témoin. On n’en avait, pour ce motif, qu’une idée bien incomplète, souvent fausse. Pour être mieux renseigné à cet égard, on a eu recours à l’expérimentation, dont l’étude est analogue à celle de la physiologie. Comme dans celle-ci, on institue des expériences ; mais au lieu de considérer les phénomènes d’un organisme sain, on observe la marche des maladies et ce qu’elles éprouvent sous l’influence des agents thérapeutiques.

L’essai thérapeutique est un problème à deux solutions : établir l’utilité absolue d’un médicament en face d’une indication et se prononcer sur sa valeur relative quant aux autres, toutes fins difficiles à bien saisir ; car l’expérimentateur peut se méprendre sur l’origine des modifications survenues et attribuer à l’agent employé ce qui n’est que l’expression d’autres causes ayant agi à son insu. Mais, l’efficacité reconnue, s’ensuit-il que ces agents doivent être prônés sur tous les tons ? Nous ne le pensons pas, nous basant sur les nombreuses déceptions occasionnées par l’emploi de substances réputées héroïques. Nous rejetons d’autant plus cette manière de faire qu’elle peut conduire à une sorte d’inactivité, de sécurité trompeuse, source de graves accidents. Citons, à ce sujet, deux maladies si cruelles, la morve et la rage, auxquelles on a opposé tant de remèdes spécifiques et dont on n’a pu encore obtenir la guérison. Il reste encore à soumettre les médicaments à la sanction de la statistique, d’où ils sortiront d’autant plus méritants qu’on aura opéré plus souvent et dans les mêmes conditions pathologiques.

Le problème thérapeutique est assez facilement résolu quand l’économie n’est sous le coup d’aucune maladie ; mais autre chose est quand on le poursuit à travers des phénomènes morbides, à travers des troubles fonctionnels qui en masquent les manifestations. Ce n’est pas à dire que, sur une constitution saine, il soit toujours aisé de reconnaître leur action physiologique ; une foule de causes peuvent la modifier, la diminuer ou la rendre plus évidente.

Les animaux, suivant l’âge, le sexe, le tempérament, l’espèce, reçoivent chacun, dans leur individualité, une impression différente. La saison, le climat, la température, le régime, font varier, dans une certaine mesure, l’action physiologique médicamenteuse. Cette méthode expérimentale, quoiqu’imparfaite quant aux résultats pratiques, est néanmoins très-précieuse, en ce sens qu’elle fournit tous les matériaux qui servent à l’histoire des médicaments.

C’est surtout à la clinique qu’incombe le soin d’établir comment l’être vivant est impressionné par l’agent thérapeutique et de proclamer ses vertus. Ici se décèle le talent de l’homme observateur ; car il importe de séparer l’action du médicament de tout autre phénomène pouvant établir de la confusion, de saisir la nature et le degré suivant lequel celle-là est masquée, atténuée ou exagérée par l’expression morbide.

Enfin, la médecine des animaux puise de précieuses données dans celle de l’homme, sa sœur aînée, qui a fait subir aux substances des épreuves assez fréquentes pour pouvoir établir leur valeur dans une série de cas déterminés.

En résumé, l’expérimentation a été d’un grand secours pour arriver à la connaissance des propriétés d’un médicament ; mais la clinique nous a été surtout utile en les appliquant au traitement des maladies.

Association et Polypharmacie. — Dans l’étude clinique, il importe essentiellement que le médicament soit isolé. Mais est-ce un principe qui doive guider dans la pratique ? N’y-a-t-il pas avantage pour les malades à associer les substances ? Il est des auteurs qui se sont fermement élevés contre cette complexité des drogues et qui ont poussé leur manière de voir jusqu’à rejeter toute association. Ce n’était que justice de réformer ces préparations (thériaque) si compliquées dans lesquelles chaque partie constituante agissait sur un organe ou un appareil spécial et dont la résultante était le moyen curatif. Cependant, il est permis de se demander si le développement des effets de ces préparations n’est pas lié aux actions contraires des parties constituantes et aux neutralisations qui doivent s’en suivre au contact des tissus. S’il en était ainsi, l’association aurait sa raison d’être.

Nos guérisseurs des campagnes semblent avoir hérité des anciens médecins de l’homme de la monomanie des médicaments composés. Leur association est faite sans discernement. C’est une justice à leur rendre que, s’ils ne guérissent pas, ce n’est pas faute de substances. Presque tous ont des remèdes secrets, infaillibles contre toutes les maladies (ils sont modestes !) et dont la composition est aussi complexe que leur ignorance est profonde dans l’art de guérir. Et l’on se demande souvent : quo tempore vivimus ?

Si un esprit sain doit renoncer à la polypharmacie dogmatique, qui prétend poursuivre autant de fins thérapeutiques qu’elle associe de médicaments ensemble, il serait imprudent de rejeter un médicament composé alors que l’observation a démontré qu’il était efficace, tandis que ses éléments séparés ne produiraient aucune amélioration. Du reste, il est une foule d’agents végétaux que nous croyons simples et dont la chimie n’a pu encore isoler tous les éléments. Ce sont autant de médicaments composés (alcaloïdes) qu’on ne remplacerait qu’avec perte si l’on suivait les tendances des thérapeutistes radicaux.

Il est des cas où l’association devient une nécessité. On la pratique dans des buts différents ; tantôt c’est pour annuler des propriétés organoleptiques désagréables, pour faciliter ou empêcher l’absorption ; tantôt pour activer le jeu des organes éliminateurs dans le but de prévenir la saturation médicamenteuse ou pour mitiger l’action inutile que l’agent va déterminer sur la muqueuse stomacale. Citons des exemples remplissant ces diverses indications. L’incorporation de l’assa-fœtida au miel et à la réglisse masque sa saveur amère et son odeur repoussante ; par le mélange du lait avec les agents thérapeutiques (liqueur Van de Swieten) on facilite leur absorption ; leur addition avec des astringents ou des corps gras la retarde ; les diurétiques favorisent la sortie de médicaments divers en activant la sécrétion urinaire ; enfin, l’opium permet au sublimé d’être mieux supporté par l’estomac et l’intestin.

On constate parfois le bénéfice de ces associations sans trop pouvoir l’expliquer. Ainsi, le Dr  Eisenman a trouvé que l’iode et les iodures agissent plus doucement et plus efficacement, quand on donne en même temps un peu d’opium ; que le nitre, l’arsenic, le mercure sont dans le même cas. Il a formulé dès lors la loi suivante : « Tous les remèdes héroïques gagnent en vertu curative et perdent de leur propriété toxique lorsqu’on leur associe un peu d’opium. » C’est là une découverte dont notre médecine doit s’inspirer, elle qui vise à guérir promptement et à bon marché.

En résumé, il y a un juste milieu où il faut savoir se tenir : ne pas se laisser aller à la polypharmacie ni suivre le scepticisme dans le sens opposé (oligopharmacie).

La polypharmacie s’entend, en outre, des prescriptions coup sur coup, tendance non moins dangereuse consistant à donner successivement des médicaments différents. Une substance n’amène pas bientôt un changement manifeste, on s’adresse à une autre ; les médications se succèdent ainsi sans produire le résultat désiré, et la nature, affolée par mille tiraillements en sens divers, ne peut déployer ses ressources curatives, ni accomplir librement ses évolutions pathologiques.

Nous quittons ces considérations générales pour entrer dans la période active des médicaments, l’absorption.

Absorption. — L’absorption est ce phénomène intime de la vie que l’on est constamment obligé de mettre en jeu dans l’administration des médicaments. En dehors de l’absorption intra-veineuse, toute substance rencontre des obstacles plus ou moins grands à son arrivée dans le torrent circulatoire ; à l’extérieur, c’est la peau ; en dedans, la muqueuse. Ces deux membranes sont reliées, continues en tous points ; nuls agents matériels n’entrent dans l’intimité du corps ou s’en éloignent sans traverser leur trame. L’obstacle à leur absorption réside dans l’épiderme ou la couche épithéliale qui empêche leur contact avec les organes actifs de cet acte, les veines et les lymphatiques. Dans tous les cas, ils pénétrent tels qu’il sont, ou après avoir été modifiés par les liquides ou les mouvements des organes sur lesquels ils ont été appliqués. Le mécanisme par lequel ils cheminent est d’ordre physique, c’est l’imbibition ; elle n’est pas également facile sur toutes les surfaces à cause précisément de leur organisation. En effet, si la peau n’absorbe que lentement et d’une façon incomplète, et si la muqueuse respiratoire possède cette faculté au plus haut point, la raison en est dans la présence, sur celle-là, d’une couche inerte, cornée, privée de vie, et, sur celle-ci, d’un épithélium fin, délicat et riche en vaisseaux.

Les voies auxquelles on confie les médicaments sont multiples, mais toutes concourent à un même résultat final : l’apport des substances dans le torrent circulatoire.

Circulation et électivité. — Que deviennent les médicaments une fois introduits dans le sang ? Leur destinée est de suivre ce dernier dans ses révolutions jusqu’à leur destruction par le travail organique ou leur expulsion par un appareil glandulaire. Les veines et les lymphatiques sont les conduits d’arrivée des particules médicamenteuses dans le système artériel ; mais leur débouché peut en être retardé dans l’arbre veineux par deux obstacles. Ce sont deux organes, espèces de sentinelles placées sur leur trajet, qui les éliminent directement (le poumon par l’exhalation dont il est le siége) ou en ralentissent le cours (le foie en les rejettant dans l’intestin avec la bile). Les agents, échappés à leur action, arrivent au cœur, s’en éloignent avec le sang hématosé dont ils subissent les lois et se répandent dans tous les tissus.

Un fait remarquable dans la circulation des médicaments, c’est la tendance que possèdent certains d’entre eux à concentrer leur action sur un système, sur un appareil, sur un organe. Une même substance ne s’élimine pas indifféremment par toutes les glandes ; chacune à une affinité individuelle pour tel organe, qui s’exerce dès qu’elle entre en circulation ou, pour mieux dire, cet organe est plus impressionnable que tout autre à l’action de ce corps. Cette constance d’action sur tel ou tel appareil constitue l’électivité médicamenteuse.

L’agent thérapeutique n’a pas une force intelligente qui le dirige plutôt dans un sens que dans l’autre ; il ne se localise pas en un point ; toute la masse sanguine en renferme des molécules ; c’est une matière inerte qui chemine passivement dans le torrent circulatoire, et qui, dans les capillaires, se met en rapport avec les tissus. Les uns réagissent à son contact, ce sont ceux pour lesquels il a comme une sorte d’affinité élective, ceux qui ont tendance à se combiner avec lui ; d’autres, et ce sont les plus nombreux, ne donnent aucun signe manifeste de son passage.

Le fait de l’électivité se produit en des points divers de l’arbre circulatoire : au moment de l’absorption, pendant le parcours dans les vaisseaux, et au moment de l’élimination. La noix vomique introduite dans l’estomac rétablit à l’instant l’appétit et favorise la digestion. Le rétablissement des fonctions stomacales est un exemple d’électivité accomplie dans les capillaires ; mais là ne se borne pas son action, la noix vomique viendra encore l’influencer avec le fluide nutritif. Le même phénomène se passe pour le cœur : ses mouvements s’accélèrent ou se ralentissent au contact d’un sang médicamenté (café ou digitale) ; et, chose remarquable, l’électivité est souvent la condition essentielle du résultat de la médication, l’action curative des agents médicamenteux réside dans la voie d’élimination. Les sulfureux ont leur voie de sortie dans la muqueuse pulmonaire : leur efficacité dans les affections anciennes des organes respiratoires n’est pas douteuse. Les sudorifiques et les diurétiques ne doivent leurs effets curatifs, dans les maladies de peau et des reins, qu’à la direction qu’il prennent pour s’éliminer. En résumé, l’électivité réside dans l’organe modifié et non pas dans le médicament, et la condition du conflit de l’un et de l’autre est le transport circulatoire. Une fois qu’il s’est opéré, la vie de l’organe entre en jeu pour modifier le résultat de ce conflit et lui donner des formes et des mesures idiosyncrasiques ; mais le plus habituellement, les phénomènes qui se produisent à l’occasion d’un médicament ne sont que les efforts d’un organe pour s’en débarrasser. Ainsi s’explique la subtilité de la distinction du poison et du médicament ; le premier domine la vie et l’opprime, le second le stimule à déployer ses ressources. Question de dose et de mesure, et rien de plus.

Mutations. — Si les médicaments parvenus dans le cercle circulatoire restent toujours en état de solution, leur composition n’est pas à l’abri de changements ; il est, en effet, dans l’économie des sécrétions à propriétés chimiques actives avec lesquelles ils se mettent directement en contact. Que ces produits contiennent des principes acides, comme dans l’estomac ; qu’ils soient alcalins, comme dans l’intestin, on entrevoit déjà la possibilité des transformations qui auront lieu dans ces viscères, quand on portera dans leur intérieur des principes opposés à ceux qui y prennent naissance. Ce seront des saturations de bases, des déplacements d’acides faibles, des formations de sels doubles.

Tout comme l’aliment, le médicament organique subit une véritable digestion. Il perd ses éléments sucrés dans l’estomac et abandonne sa graisse et les matières résineuses dans l’intestin grêle, tandis que le ligneux forme résidu et entre dans la constitution des fèces. Si c’est une substance minérale, c’est une action de composition ou de décomposition d’abord et de recomposition ensuite.

Les autres voies d’administration n’offrent pas des conditions si propices à ces modifications possibles de la substance employée. En effet, si on fait absorber par la peau, le rectum, les séreuses, etc., on ne met plus, en face des médicaments, des principes actifs capables d’altérer fortement leur état chimique. Et encore, dans le cas des séreuses, y a-t-il un agent protecteur, un liquide albumineux sur le rôle duquel nous nous étendrons plus loin.

La combinaison de plusieurs agents dans l’économie est aussi une source de mutations médicamenteuses. L’antimoine, le cuivre, le mercure, le plomb, l’argent et leurs sels métalliques donnent, avec l’iodure de potassium et par double décomposition, un sel de potasse soluble et un iodure insoluble. Il y a là une incompatibilité qu’il faut savoir ne pas provoquer. Cette incompatibilité se produit encore quand de deux médicaments l’un entre et l’autre sort : on a vu chez l’homme des colorations particulières de la peau à la suite d’un traitement interne par les sels d’argent et de bains sulfureux donnés pendant cette médication.

Les modifications que les agents thérapeutiques sont susceptibles de subir dans la circulation ont leur explication dans la composition complexe de ce liquide. Le sang est un milieu qui nous cache bien des mystères. C’est, en effet, le lieu de réception des éléments divers que l’être vivant puise dans le monde extérieur ; l’élément essentiel à la vitalité, le nutriment comme le résidu des fonctions, prend place dans le système vasculaire. C’est donc avec des éléments de nature différente que les médicaments sont mélangés, et il n’est pas impossible qu’il se passe, dans sa masse, des phénomènes qui complètent l’action absorbante. Ces mutations, on les pressent, sans pouvoir affirmer qu’elles se réalisent.

Cependant, il est dans le sang un principe défavorable à leur production : l’albumine en dissolution dans le sérum. C’est un attribut de cette dernière de masquer les réactions, de rendre inertes les substances minérales auxquelles elle est associée (ce qui explique comment des substances arrivent inaltérées à l’émonctoire qui doit les éliminer), de dissoudre à forte dose et les substances qui la coagulent et celles qui la rendent insoluble, tout en annulant quelques-unes de leurs propriétés chimiques. Ce pouvoir de l’albumine, d’emprisonner les médicaments de façon à en dissimuler partiellement les propriétés, explique leur inertie aussi longtemps qu’ils restent dans le fluide sanguin, et le développement de leur activité au contact d’organes lubrifiés par des liquides exempts d’albumine ; il nous fait comprendre pourquoi ces mêmes agents, innocents pour la membrane interne des vaisseaux, recouvrent leurs propriétés irritantes dans les émonctoires qu’ils traversent. Il découle de ces observations que les médicaments n’agissent qu’au moment où, délivrés de l’albumine, ils s’unissent aux éléments anatomiques du système nerveux et des viscères ou se dissolvent dans une sécrétion dépourvue de principes protéiques, telles que l’urine, la sueur, le liquide céphalo-rachidien.

Si l’albumine est défavorable aux altérations chimiques, le sérum en est une source abondante en vertu même de sa nature. C’est un liquide alcalin, à base de soude, que les principes acides saturent. C’est, en effet, ce qui se passe quand des acides végétaux (acides acétique, tartrique, etc), échappés au travail de la nutrition, s’éliminent par les urines sous forme de carbonates. Il est encore, dans le sérum, un autre corps dont la constance témoigne du grand rôle qu’il joue dans l’économie, nous voulons parler du sodium que l’on trouve à l’état de chlorure. Ce rôle, quel est-il ? Nous entrons ici dans le domaine des inductions, dans le champ des probabilités. Des auteurs, se basant sur ce qui se passe dans l’expérimentation, ont vu avec raison dans ce sel un modificateur des substances minérales, même englobées dans l’albumine. Il forme avec les unes des sels doubles, rend les autres solubles. Pour Mialhe, ce serait lui qui occasionnerait la transformation du calomel en sublimé, quand ils se rencontrent dans l’estomac, action favorisée par les acides qui fixent le mercure libre. Ce sont là des conceptions et l’on peut dire à ce sujet adhuc sub judice lis est.

Des mutations sont encore possibles au moment de l’élimination. Arrivée dans le sang artériel, la molécule médicamenteuse se rend avec lui dans les capillaires, où elle se met au contact des éléments organiques et provoque en eux cette mise en activité qui doit l’éliminer ou qui la fixera dans l’organisme. Quand elle arrive dans un organe sécréteur, elle se combine un temps variable avec les éléments glandulaires, est reprise ensuite par l’absorption, accomplit un nouveau cercle et revient aux appareils d’élimination jusqu’à ce qu’elle ait disparu ou soit tellement diluée qu’elle ne puisse plus produire d’effets observables. Dans ce phénomène d’élimination ou de fixation intra-cellulaire, les médicaments éprouvent parfois des modifications chimiques. Ils se combinent avec tel ou tel élément de l’être vivant, dont ils font dès lors partie (fer, phosphate de chaux), ou ils subissent des décompositions partielles, s’il viennent à rencontrer une excrétion à réactions chimiques actives (urine). Telles sont les vicissitudes du médicament jusqu’à sa destruction, sa fixation ou son expulsion.

Élimination. — Il est peu d’agents médicamenteux destinés à faire partie du corps animal ; le plus grand nombre d’entre eux n’y font que passer pour provoquer un effet désiré et poursuivi. Leur puissance dépensée, ils se présentent aux voies de sortie, distribuées de façon à maintenir l’équilibre entre le sang et les matières qui y sont en suspension. Les glandes sont les points de repère où les agents thérapeutiques convergent pour abandonner le sujet, et dont la plus ou moins grande activité de fonctionnement permet l’administration de doses plus ou moins fortes ; leur inactivité entraîne des désordres graves, la saturation, même avec des doses minimes.

Au sujet de l’électivité, nous avons fait ressortir la tendance des substances à s’éliminer constamment par la même voie. Or, ces débouchés ne sont pas très-nombreux, et ils suffisent néanmoins à la dépuration : ce sont les sécrétions urinaire et lactée, la transpiration cutanée et l’exhalation pulmonaire. Le rein est la glande dont le rôle est le plus actif, celle qui amène au dehors le plus de substances (sels, acides, huiles essentielles, etc.). L’hydrogène sulfuré s’échappe surtout par le poumon ; la morphine s’en va par la sueur.

Ces connaissances seraient sans utilité pratique, si elles n’étaient complétées par la notion de l’impression que les médicaments laissent sur les organes qui les expulsent. Cette impression est dite action topique de retour. On la met souvent à profit dans le traitement des maladies des appareils d’excrétion. Les alcalins et les balsamiques doivent à cette circonstance leur influence salutaire dans les affections des voies génito-urinaires, ainsi que l’hydrogène sulfuré dans celles du poumon. Parfois, l’agent thérapeutique séjourne dans l’économie au lieu de s’écouler insensiblement, et il en résulte un accident : l’accumulation.

Accumulation. — La vie résulte d’un ensemble de fonctions dont l’intégrité constitue la santé. Qu’un trouble survienne dans l’une d’elles, l’équilibre des actes organiques cesse, et l’état morbide se déclare. Rien n’est plus nuisible à la vie que la présence des corps étrangers ; les médicaments lui sont antipathiques ; aussi leur sort est-il de s’éliminer. Dès que leur état ne leur permet plus de rien céder pour aider l’économie dans ses efforts curatifs, ils servent de matériaux à la combustion interstitielle et se présentent, sous forme de résidus gazeux aux voies d’élimination ; ceux que cette oxydation épargne sortent en nature, dilués dans les produits de sécrétion, où des réactifs appropriés les font aisément découvrir. Mais si, pour une cause quelconque, cette action de destruction ne s’accomplit que d’une façon incomplète ou s’il survient un arrêt des fonctions éliminatrices, les médicaments se mettent en réserve, s’augmentent tous les jours d’une nouvelle dose, et finissent par produire des faits graves. C’est là l’accumulation. Nous en avons un exemple dans l’action du lactate de peroxyde de fer sur le sang. Parvenu dans le torrent circulatoire, il se combine avec le sérum et forme un composé stable dans lequel les réactifs sont impuissants à le déceler ; mais si, pour une cause qui échappe à l’observation, la décomposition s’opère, sa présence donne lieu à des désordres si sa quantité est assez forte.

Nous ne sachons pas que dans notre médecine on ait jamais eu à regretter des accidents par accumulation ; mais il est bon de signaler leur possibilité et les circonstances qui président à leur développement, afin que les praticiens se mettent en garde contre leur manifestation.

On a, dans ce but, posé des indications qui, malheureusement, ne sont guère réalisables. Il s’agirait de déterminer, dans des circonstances données et avec des doses différentes, le temps nécessaire aux médicaments pour arriver aux lieux d’excrétion et celui durant lequel ils s’y manifestent. Ce procédé, qui n’est pas applicable à ceux qui se détruisent sans laisser de traces, mettrait à même de mesurer leur action, sa durée, sans fatiguer l’économie par des doses intempestives.

L’administration de doses nouvelles coïncidant avec l’abolition des fonctions spoliatrices, réalise toutes chances d’obtenir une accumulation, des accidents toujours graves. N’est-ce pas ce qui est arrivé dans la médecine de l’homme pour les sels de potasse qui sont réputés si inoffensifs ? Le sulfate de potasse, d’un emploi si fréquent dans les maladies réputées laiteuses, a occasionné parfois la mort de malades. Cette action funeste a été interprétée au moyen de l’accumulation causée par un trouble de la sécrétion urinaire. Celle-ci ne suffisant plus à soustraire du sang la potasse en excès, le sérum est altéré dans sa composition, et ce changement profond rend bien compte de ces accidents mortels. Cependant, nous sommes tentés de nous demander si, dans ce cas, la mort n’est pas le résultat d’une syncope, car il est établi d’une manière certaine que les sels de potassium tuent en arrêtant le cœur en état de diastole. Quo veritas ? À l’avenir de nous l’apprendre.

L’usage même d’un médicament est une cause d’accumulation. La strychnine est dans ce cas. Ce n’est pas à une susceptibilité plus grande de l’organisme pour cet agent, à l’éréthisme des organes, comme on l’a dit, mais à une élimination tardive et lente (elle ne débute qu’une quinzaine de jours après) qu’il faut attribuer cette surexcitation qu’engendre une quantité de médicaments même médiocre. Durant cette période de temps, la dose étant renouvelée chaque jour, les effets s’accumulent et l’intoxication ou des troubles moins graves s’en suivent. De ce fait découle cette conséquence pratique qu’il faut diminuer graduellement les doses de la strychnine et même les interrompre pendant quelques jours, si les effets ont été un peu forts avant de reprendre la série décroissante des doses médicamenteuses.

L’accumulation est encore occasionnée par le cantonnement de certaines substances dans des points restreints de la circulation. On n’en a d’exemples que dans le plomb et le mercure. Ces agents, restant emprisonnés dans le système hépatique ou s’en échappant pour tomber dans l’intestin, retournent dans le foie et s’y emmagasinent. Mais au moment où ils entrent dans la grande circulation, leur apparition est l’occasion de désordres qui représentent la résultante des effets restés latents.

Enfin, on a parlé d’une dernière cause d’accumulation consistant dans la disparition complète du travail d’absorption sous l’influence des perturbations morales et dans son activité, après son rétablissement, à s’emparer des doses qui étaient restées en dehors du sang. Si cela est possible, nous estimons que cela n’a que rarement lieu chez nos animaux.

L’accumulation reconnaît donc diverses causes dont on n’entrevoit pas toujours la mise en action, et c’est pour ce motif que nous insistons aussi longuement sur cette question trop délaissée par nos auteurs et à laquelle on pourrait peut-être rattacher des faits jusqu’ici inconnus dans leur cause. Nous serions heureux d’avoir fixé sur ce point l’attention du monde vétérinaire. Nous terminons en posant ce précepte qu’il faut toujours s’informer du fonctionnement des sécrétions et proportionner les doses à leur activité. On s’évitera peut-être ainsi des mécomptes dans la pratique, mécomptes dont on à une source non moins féconde dans l’intolérance dont nous allons nous occuper.

Tolérance et intolérance. — La tolérance d’un médicament est le développement complet de son action sans qu’il occasionne des désordres voilant la manifestation de ses phénomènes physiologiques. L’apparition de troubles constitue l’intolérance.

L’art de guérir a souvent à lutter contre l’intolérance, contre les révoltes de l’estomac et de l’intestin au contact des médicaments. C’est surtout le chien qui en offre des exemples aux vétérinaires. La facilité avec laquelle il se débarrasse du contenu de son estomac est peut-être la principale condition de sa fréquence. Les solipèdes et les ruminants, privés de la faculté de vomir, sont moins difficiles sous ce rapport : leur susceptibilité individuelle semble peu marquée et ne pas s’offenser au point de devenir l’origine d’une impression morbide fortuite et nuisible à l’action thérapeutique. Toutefois, on prévient l’intolérance par des artifices de dose, de forme, d’administration ; mais on recourt le plus souvent aux correctifs et aux succédanés ou substitutifs. Par l’emploi des correctifs, on se propose de pallier l’action d’un médicament dans certains de ses effets capables de provoquer l’intolérance et inutiles pour le but thérapeutique. Ces agents sont donc de vrais dulcifiants.

La tolérance est encore assurée par l’emploi de substances qui, sans avoir exactement les mêmes facultés, concourent néanmoins au même résultat. C’est une substitution d’équivalents médicamenteux que l’on fait, peut-on dire, bien qu’il n’y ait que similitude et non parenté entre deux agents thérapeutiques. Un exemple de cette fausse apparence d’équivalence nous est fourni par l’émétique et l’ipéca. Chacun est plus spécialement indiqué dans certaines maladies : l’ipéca agit en quelque sorte comme un spécifique dans la dyssenterie dans laquelle l’émétique est impuissant ; ce dernier est efficace dans le croup où l’ipéca n’a que faire.

L’intolérance tient souvent à un état idiosyncrasique, à une prédisposition, à une aptitude innée ou acquise : c’est l’intolérance dynamique. Ainsi, de faibles doses d’éther ou de chloroforme suffisent pour anesthéniser certains sujets, tandis que des individus s’y montrent réfractaires. Il y a aussi des variations dépendant de l’espèce. La même chose s’observe chez l’homme.

L’état morbide apporte des modifications dans les conditions individuelles de la tolérance et de l’intolérance. C’est ainsi que le tartre stibié qui, dans les conditions de santé, fait vomir à dose de quelques centigrammes, ne produit rien de semblable dans la pneumonie où on l’administre par grammes.

La période du rut elle-même n’est pas sans influence, car on remarque qu’à ce moment la tolérance est fortement accrue pour les stupéfiants.

Il est enfin une dernière sorte d’intolérance, due celle-ci à l’aversion des animaux pour les substances thérapeutiques : c’est l’intolérance gustative médicamenteuse. L’impression désagréable exercée sur le goût en est le point de départ. C’est le cas de suivre ici le principe sublatâ causâ, tollitur effectus. Atténuer les propriétés sapides, faire des remèdes flattant le sens de la gustation, telle est la conduite à suivre en pareille occurrence.

Un fait qui intéresse fortement les vétérinaires, c’est celui de l’assuétude ; il doit être pris en considération, si on ne veut rester en deçà de l’effet que l’on désire obtenir. Au début du traitement, les organes répondent promptement à l’appel d’un agent médicamenteux ; mais, après un certain temps de médication, leur excitabilité s’émousse, et de jour en jour fait place à l’insensibilité. On croirait volontiers au mutisme des organes, que le médicament ait perdu le pouvoir de les impressionner. C’est donc là l’opposé de l’éréthisme qui signifie éveil facile des organes par un médicament.

L’émétique est le meilleur exemple que l’on puisse citer de l’assuétude de l’économie aux effets des médicaments ; donné à doses progressivement croissantes il est toléré, et il faut en élever la dose à 1500 gr., chez le cheval pour qu’il y ait intoxication, tandis que 65 gr. le terrassent, s’ils sont ingérés d’emblée. Comme il est facile de le comprendre, on devra s’attacher à ne pas méconnaître cette assuétude et cela d’autant plus que l’on est toujours disposé à mettre l’inactivité de la médication sur le compte d’une altération des substances ou sur une erreur de dose ou d’administration. L’assuétude reconnue, on la combat en élevant les doses ou par l’usage des succédanés.

Synergies et antagonismes. — Tous les jours, l’homme qui connait l’art divin de guérir fait des ordonnances où sont associées diverses substances. Par cette réunion il ne se propose pas seulement d’en faciliter l’administration ou de les rendre agréables au goût, il cherche à accroître ou à diminuer leur puissance d’action sur l’organisme. Cette conduite repose sur le principe des synergies et des antagonismes médicamenteux. Deux agents sont synergiques l’un de l’autre, quand ils se corroborent dans leurs effets, quand ils réunissent leurs actions pour concourir au même but. Ils sont antagonistes, si l’un atténue ou neutralise les tendances de l’autre.

Trousseau ramène à cinq types les associations médicamenteuses suivant le but qu’on se propose :

Augmenter l’action d’un médicament : ce résultat est atteint par la combinaison de médicaments du même genre ou bien par l’association de préparations ayant toutes la même base ;

Diminuer son action irritante ou la détruire : cela s’obtient en augmentant ou en diminuant sa solubilité ;

Obtenir en même temps les effets de deux ou plusieurs médicaments : on réunit à cet égard des agents d’action physiologique différente, mais remplissant la même indication ; on combine des substances remplissant des indications différentes, mais concourant à un résultat curatif ;

Former par le mélange de plusieurs substances un remède nouveau dont l’effet ne pourrait être obtenu par chacune séparément : on mélange dans ce but des médicaments réagissant chimiquement les uns sur les autres ; on emploie aussi les mélanges médicamenteux ;

Donner au médicament une forme appropriée.

La science des synergies est encore bien incomplète ; son imperfection tient surtout aux difficultés d’expérimentation clinique. Leur connaissance ne s’acquiert, en effet, qu’à la condition d’avoir fait agir sur l’organisme les deux agents thérapeutiques séparément d’abord, mélangés ensuite, encore faut-il avoir soin d’opérer dans des circonstances similaires autant que possible dans les trois cas. La thérapeutique sera bien simplifiée du jour où on connaîtra parfaitement les synergies ; elle ne le sera pas moins par la découverte des antagonismes.

Et d’abord, qu’entend-on par médicaments antagonistes ? Ce sont des agents produisant des effets inverses sur le même élément anatomique. La strychnine et le curare ont longtemps été regardés comme antagonistes ; mais cette action inverse est plus apparente que réelle. Ainsi, une dose donnée de strychnine produira la série des phénomènes qui lui sont propres ; le curare aura une action opposée, car il paralyse, tandis que le principe de la noix vomique produit la tétanisation. Autre exemple : l’atropine dilate la pupille ; l’érésine (fève de calabar) et les alcaloïdes de l’opium, sauf la narcéine et la morphine, au contraire, la resserrent. Ces deux exemples feraient croire à un antagonisme, si on n’examinait les choses que superficiellement. Il n’en est rien cependant. La strychnine tétanise, mais le curare paralyse en détruisant les plaques motrices terminales des nerfs, de sorte qu’un animal empoisonné par le curare ne doit pas être traité par la strychnine. L’expérience a démontré que deux sujets empoisonnés, l’un par la strychnine, l’autre par le curare, mettent un certain temps à mourir, mais que ce temps est plus court, quand au sujet soumis l’action de la première substance on donne du curare comme antidote. Ces deux agents ne se neutralisent donc pas, car ils agissent sur des éléments différents.

Il n’en sera pas de même si l’on administre du chloroforme contre la strychnine. Ici, les deux substances agissent sur un même élément, la cellule nerveuse ; celui-là la stupéfie quand la dernière l’a surexcitée. On combattra donc l’empoisonnement par la noix vomique au moyen du chloroforme avec chance de succès tant que l’absorption n’aura pas eu lieu ou lorsqu’elle ne fera que débuter.

Action des médicaments. — Le médicament qui a parcouru l’économie donne naissance à des phénomènes qui constituent son action. Elle est tantôt sensible, apparente, et résulte de la réunion des symptômes qu’il provoque ; tantôt intime, profonde, échappant à toute observation.

Action sensible. — Les signes qui se manifestent à la suite d’une médication et que nous percevons à l’aide de nos sens, forment son action sensible ; elle est l’ensemble des divers phénomènes par lesquels l’agent signale son passage ou sa présence dans l’économie et que cette dernière utilise comme moyens curatifs. Le but thérapeutique est toujours un acte destructeur ou éliminateur, suivant l’impression exercée sur les organes. On peut donner une idée générale de la manière dont les substances médicamenteuses impressionnent l’économie. Chaque agent produit, en effet, une maladie propre, spécifique en quelque sorte, que la science médicale oppose à l’affection qu’elle cherche à vaincre et dont les éléments variables sont autant de points d’appui dont s’aide la nature pour obtenir la guérison. Nous sommes maîtres, point essentiel en médecine, de ces actes morbides ; nous en faisons l’intensité, nous la proportionnons aux degrés divers des maladies et les cessons à notre gré dès que l’indication s’en fait sentir. Pour bien rendre la manière générale dont les médicaments influent sur l’organisation, il est bon de l’examiner sur chacune des grandes fonctions vitales.

Circulation. — Les agents, les plus actifs on peut dire, apportent dans la circulation des modifications différentes par leur manière d’être. C’est tantôt une accélération, tantôt un ralentissement, et, quand les battements du cœur sont troublés, une régularisation de ses mouvements. Aux matières stimulantes est donnée la faculté d’accroître la rapidité et l’intensité des contractions cardiaques. Le caractère de cette action, c’est d’être prompte, presque instantanée. La cause de sa hâtive manifestation, après l’ingestion des alcooliques, a été rapportée à la rapidité de la circulation. Nous ne pensons pas ainsi par ce motif que l’absorption, plus ou moins contrariée par un état de l’estomac et son contenu, ou par un état général, n’est jamais assez active pour porter si vite le médicament au contact du cœur et y donner lieu à sa suractivité ; nous croyons que cette excitation rapide résulte d’un effet sympathique dont l’origine est à l’estomac et qui se réfléchit sur le cœur. Mais l’excitation serait bien vite épuisée et la circulation rentrerait insensiblement dans son rhythme normal, si le médicament ne venait lui-même, par sa présence dans le sang, continuer l’action primitive, de nature réflexe. Dans l’action des alcooliques sur le cœur, il y a donc une impression première, sympathique, et, finalement, une deuxième, ayant son origine dans le contact du sang médicamenté avec le muscle du cœur.

De même que nous précipitons volonté les mouvements du cœur, nous pouvons aussi les calmer, les modérer, les diminuer même. La digitale, la quinine, l’aconit, remplissent bien cette indication.

Enfin, il existe quelquefois des contractions anormales, des mouvements spasmodiques, des troubles irréguliers auxquels l’administration de certaines substances met souvent un terme (musc, valériane, camphre, bromure de potassium). Il est très-heureux pour le médecin de pouvoir ainsi influer, à son gré, sur le grand moteur de l’organisme, et le maintenir dans une salutaire limite de fonctionnement.

Respiration. — Cet acte essentiel de l’existence est aussi susceptible d’éprouver des changements sous l’influence des agents thérapeutiques. Leur point de départ réside dans les fonctions de l’innervation ou provient indirectement de la solidarité d’action du cœur, du poumon et des centres nerveux. Cette subordination des grands actes organiques est une condition défavorable pour l’appréciation des changements survenus à la suite d’un traitement ; une seconde difficulté tient à cette circonstance que la respiration est un acte demi volontaire, et, dans son appréciation, on peut attribuer à une substance ce qui est l’œuvre d’autres impressions étrangères. Nous avons été fréquemment à même de juger l’action de l’acide arsénieux dans cette affection, malheureusement trop fréquente, du cheval ; nous voulons parler de la pousse. L’animal, frappé de cette maladie, a le flanc altéré ; un temps d’arrêt ou soubresaut a lieu, le plus souvent, dans l’expiration. La solution arsenicale, long-temps continuée et combinée avec un régime approprié et le repos, calme le flanc et le régularise.

Tant que nous restons ainsi dans les phénomènes saillants, on voit la manière d’agir des médicaments ; mais quand on veut descendre dans ceux qui s’accomplissent dans le sein du tissu pulmonaire, quand on veut expliquer le procédé d’élimination des médicaments par la muqueuse, quand, enfin, on veut établir le moment de leur apparition dans l’air et celui où ils cessent de s’y déverser, alors notre impuissance égale nos justes prétentions, et nous sommes contraints de rester dans les limites d’une pratique objective, qui satisfait aux indications sans ce raffinement scientifique.

Calorification. — On sait, aujourd’hui, que la chaleur animale n’est autre chose que la résultante de la combustion, par l’oxygène, des produits hydrocarbonés et azotés des tissus. L’origine même de la chaleur fait entrevoir les modifications qu’elle subira suivant que le poumon introduira plus d’élément comburant et que le cœur, par une circulation plus rapide, élèvera davantage la proportion des résidus de la nutrition. L’état de la température dépend donc de ces deux grandes fonctions dont elle n’est que la conséquence. Par conséquent, chaque fois que l’introduction d’une substance médicamenteuse accélèrera ou ralentira les actes circulatoire et respiratoire, la température du sujet s’élèvera ou s’abaissera. Ce sera aussi la ramener à son rhythme que de calmer cet état d’excitation du cœur (palpitation) ou d’amender les états morbides des mouvements du flanc.

La chaleur se distribue parfois d’une façon inégale et se concentre plus particulièrement en certains points au détriment d’autres qui se refroidissent. Cet état vicieux de la calorification (bouffées de chaleur, froid aux pieds) peut devenir cause pathogénique, occasionner des congestions. Nous admettons cette répartition irrégulière de la chaleur, plutôt par analogie avec ce qui se passe chez l’homme, que par ce qu’on en sait dans notre médecine ; mais hâtons-nous de dire qu’elle nous paraît avoir peu d’efficacité dans le mouvement congestif, surtout si le sujet n’y est pas prédisposé.

Innervation. — Les médicaments influencent également les fonctions nerveuses ; chaque genre se spécialise dans son action, mais il est fort difficile, pour ne pas dire impossible, de déterminer les changements qu’ils provoquent dans les facultés morales. Nous savons bien que le café, les alcooliques à petite dose, agrandissent et fécondent notre pensée ; que le haschisch (chanvre indien) provoque en nous une sorte d’ivresse, d’extase voluptueuse, pendant laquelle s’exhalent des soupirs, et que suit un abattement plein de charmes ; ou bien des hallucinations avec cris, hurlements, laissant le souvenir des scènes les plus fantastiques. Mais comment agissent-ils sur le cerveau ? C’est là un sujet de philosophie et de médecine encore à résoudre.

Les effets éprouvés par la sensibilité générale et spéciale sont les seuls tangibles à nos sens. Les tétaniques augmentent la sensibilité générale et mettent l’animal dans un état tel que le moindre ébranlement de l’air, le plus doux attouchement, l’impressionnent douloureusement ; les stupéfiants l’émoussent alors même quelle est portée au point d’être douloureuse. Quant aux sensations spéciales, telles que celles qui portent les animaux à s’accoupler, elles sont exaltées ou affaiblies par des stimulants ou des sédatifs spéciaux, tels que anaphrodisiaques et aphrodisiaques.

La motilité est quelquefois altérée dans son principe et soustraite à la volonté. Tantôt c’est une névrose avec exagération de la contraction musculaire (danse de Saint-Guy) ; tantôt elle est affectée d’un engourdissement (immobilité). Les stupéfiants et les excitateurs nous fournissent les moyens de ramener, dans l’action musculaire, l’équilibre qui lui fait défaut.

Enfin, le système nerveux étant regardé comme résumant l’état des forces et la résistance organique, nous pourrons aussi agir sur elles, les élever ou les affaiblir (toniques, stimulants).

Nutrition. — La nutrition elle-même n’est pas à l’abri de l’action sensible des médicaments. Ces agents la favorisent soit en apportant des éléments de réparation plus riches (toniques), soit en rendant plus parfaites et plus actives les élaborations interstitielles d’où résulte le travail cellulaire propre à chaque organe (évacuants), soit en ralentissant le mouvement de destruction organique par leur propre destruction (anti-déperditeurs : café, coca).

Nous en finissons ici. On pourrait pousser à l’infini ces exemples sans démontrer davantage que les médicaments sont des modificateurs d’organes, de fonctions, et qu’ils n’agissent qu’en créant une physiologie particulière, laquelle contrarie la physiologie pathologique et lui fournit des occasions pour revenir aux modes normaux de la santé.

Action intime. — À côté de cette action physiologique, tangible à nos sens, il y a aussi l’action intime dont on a tant cherché à pénétrer le secret. Malgré cela, s’il est encore un point obscur et controversé dans la thérapeutique, c’est bien, certes, celui relatif à la façon dont se comportent les particules médicamenteuses au contact des éléments organiques. Il est, en effet, fort difficile de voir, de saisir ce qui se passe dans le sein des organes, sous ce voile que forme la matière même des tissus. Aussi faut-il se résigner pour longtemps, peut-être, à écouter les hypothèses qu’on a émises à ce sujet, et qui toutes reflètent la doctrine de leurs auteurs.

Les médecins, imbus du mécanicisme, expliquent cette action moléculaire par leurs propriétés mécaniques. Ils sont arrivés ainsi à dire que si un médicament active la circulation, c’est que, mêlé au sang, il rend plus facile l’écoulement et, par suite, la circulation de ce fluide ; s’il la ralentit, c’est qu’un phénomène opposé se produit. Et voilà, de par l’expérimentation, le nitrate de potasse un excitant circulatoire, l’alcool un sédatif de la circulation ; si l’acétate d’ammoniaque combat l’ivresse, c’est qu’il compense, par l’activité circulatoire qui est le résultat de son action, la torpeur produite par l’alcool. M. Poiseuille explique l’acte purgatif par un effet d’endosmose. D’après lui, le sulfate de soude devrait son action purgative à son pouvoir endosmotique considérable ; mais on sait positivement qu’il purge tout aussi bien introduit dans les veines qu’administré dans l’intestin. Et le sucre, dont le pouvoir endosmotique est si grand, devrait, d’après cette théorie, être un purgatif énergique. Or, il n’en est rien. Les partisans du mécanicisme ne voient dans les actes de la vie que des faits d’élasticité, de capillarité, d’endosmose, mais tout ne peut s’expliquer ainsi.

Les homœopathes, plus ingénieux et plus expéditifs, supposent aux médicaments des vertus inhérentes (vires) que l’économie seule a le secret de développer, de d’infuser, et dont elle s’aide pour récupérer la santé. C’est là une doctrine fantaisiste (pharmaco-dynamisme), entretenue par la passion du mystique et de l’extraordinaire, et qui commence, heureusement, à compter ses jours.

D’autres n’ont vu dans l’action intime des médicaments que des phénomènes d’ordre chimique. Le sang est oxydé ou désoxydé ; les acides végétaux ou leurs sels, introduits dans le sang, sont transformés en carbonates ; les matières organiques subissent comme une fermentation (amygdalite et émulsine donnant naissance à de l’acide cyanhydrique) ; les substances métalliques se combinent avec certains éléments du sang (lactate de peroxyde de fer) ou des tissus, et n’en changent les propriétés vivantes que parce qu’elles modifient leurs propriétés chimiques. Liebig considère les éléments des tissus, combinés avec certaines substances, comme des eschares moléculaires inaptes à la vie et devant s’en détacher.

Il existe encore une autre doctrine, celle des actions vitales, par laquelle on a cherché à rendre compte de l’action intime des agents médicamenteux. Leur présence au sein des tissus, leur contact avec les éléments, modifient, suivant ces doctrinaires, leur mouvement fonctionnel. Mais ces mots, catalyse, présence, n’expriment rien et ne donnent aucune idée du mécanisme de l’action médicamenteuse, et il est probable que c’est par un phénomène physico-chimique que les molécules organiques doivent leurs changements dans leur manière d’être.

Effets des médicaments. — On les a définis leur modus operandi. Leur manière d’opérer est variable : tantôt c’est en stimulant les fonctions, tantôt en provoquant des maladies artificielles, tantôt en neutralisant un principe morbide (antidote). Comme les actions, on les distingue en effets visibles et en effets intimes. Le groupement des effets constitue les méthodes en thérapeutique.

Effets visibles. — Barthez est le premier qui ait émis des principes généraux sur les différents modes suivant lesquels agissent les médicaments. Il forme trois groupes des méthodes thérapeutiques.

Les unes, naturelles, se proposent d’aider l’économie dans la lutte qu’elle a à soutenir contre la maladie, d’accroître, de corroborer sa force de résistance et de conservation, de favoriser les crises. Elles mettent surtout l’hygiène à contribution. Ces méthodes se bornent parfois à rester dans l’expectation ; on médicamente peu, mais on se tient prêt à agir ; l’hygiène fait les frais de la guérison. Par elles, on commande le repos, l’exercice, on règle le rhythme de l’activité des organes et on le rompt passagèrement à volonté.

Les autres, analytiques, consistent à décomposer les maladies en leurs éléments divers et à les attaquer séparément ; c’est un acheminement vers la médecine des symptômes. Cette voie n’est pas à suivre dans le traitement des maladies, quand on a pu s’élever à une conception d’ensemble de l’état morbide ; on n’y a que trop souvent secours, alors qu’on est présence de maladies nouvelles ou dont le diagnostic incertain ne laisse pour toutes ressources qu’à traiter les symptômes.

Les dernières sont les méthodes empiriques, que Barthez divise encore en trois catégories et dans lesquelles on s’attache à changer la forme entière d’une maladie par des remèdes que l’expérience a démontrés efficaces dans des cas semblables.

Il les distingue en vaguement perturbatrices, en imitatrices et en spécifiques. Dans le premier cas, le médecin recourt à des perturbations de l’état général ou local pour modifier l’état de la maladie ; dans le second, on crée par imitation des maladies pouvant exercer une action utile (une inflammation, une éruption) ; enfin, dans le dernier, on agit véritablement d’après l’empirisme ; on attaque certaines affections par des médicaments qui ont une vertu spécifique, décisive, mais inexplicable. Le mercure et la quinine sont les deux exemples les mieux connus : l’un guérit la syphilis et l’autre coupe la fièvre.

Effets intimes. — On connait seulement pour quelques agents la manière dont s’opèrent les effets profonds. Le purgatif et le diurétique font disparaître l’anasarque en soutirant le sérum au système général et en provoquant la résorption de celui qui est épanché dans le tissu conjonctif. C’est là un principe général qui régit les sécrétions. Si la noix vomique rétablit les estomacs paresseux, la stimulation du plan musculaire nous explique le mécanisme curatif. Mais comment agissent les spécifiques ? C’est ce qu’on ne sait pas dans l’état actuel de la science.

Résumé. — En terme général, le médicament est une matière inerte, incapable de faire partie de l’économie, que le médecin emploie dans un but curatif. La découverte en est due à l’observation, mais c’est à l’expérimentation et surtout à la clinique que nous devons la connaissance des propriétés des agents thérapeutiques et celle de leur valeur dans le traitement des maladies.

Le médicament à une action donnée ; on n’en saurait faciliter le développement en associant la substance avec une foule d’autres à destination spéciale. Isolé, il frappe plus sûrement son but. Pour l’atteindre, il suit les détours du corps, filtre à travers les éléments de la vie ; toutefois, il porte plutôt ses effets sur un organe que sur un autre ; cet organe est souvent une glande et c’est elle qui le porte au dehors de l’organisme. Le médicament s’écoule ainsi tel qu’il était au moment de son introduction, mais souvent aussi ce n’est qu’après avoir subi de profondes altérations dans sa nature chimique. L’albumine du sang est défavorable à ces changements ; quelquefois au lieu de s’éliminer, l’agent médicamenteux séjourne dans le corps, s’y accumule et produit des faits graves. On observe aussi le contraire : l’organisme ne peut supporter la présence des substances thérapeutiques et s’en débarrasse. Chose remarquable, elles sont parfois si bien supportées que leur action s’affaiblit et peut passer inaperçue.

Le médicament est un modificateur des fonctions de la vie ; on en augmente à volonté la puissance, et il est à regretter qu’on ne puisse aussi facilement l’affaiblir. Mais comment agit-il dans l’être vivant ? C’est en déterminant une maladie particulière, spécifique en quelque sorte, que le praticien oppose à l’affection préexistante. Cette action varie suivant le modus faciendi du médicament, suivant l’indication à remplir ; elle est favorable ou nuisible. Ce n’est pas impunément qu’on lance un agent thérapeutique dans l’économie, car, s’il traîne souvent la guérison à sa suite, il a aussi le funeste privilège de donner la mort. Tout le monde n’en peut faire un usage judicieux et raisonné : l’homme de l’art seul sait le manier et le façonner suivant la maladie.

H. Péchayrand.

Toulouse, le 22 juin 1876.