Essais et Notices, 1862/03

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ESSAIS ET NOTICES

UNE NOUVELLE DEFENSE DU SPIRITUALISME.


C’est un symptôme remarquable dans ce temps d’hégélianisme et de positivisme que le succès d’un livre où l’auteur s’applique à maintenir et à défendre la théodicée de Leibnitz, éclairée et fortifiée par l’application de la méthode psychologique. Les principes du spiritualisme n’ont donc pas, à ce qu’il semble, perdu toute influence, et la troisième édition de l’Essai de philosophie religieuse de M. Emile Saisset peut servir à le prouver[1]. Nous n’avons l’intention de revenir ici ni sur la partie historique, ni sur la partie dogmatique de cet ouvrage, qui ont été l’objet d’une appréciation développée dans la Revue[2] ; mais le livre s’est augmenté de toute une partie nouvelle dont il paraît utile de dire quelques mots, car elle est essentiellement critique, et par les réponses que l’auteur adresse à ses adversaires on juge de l’importance des systèmes contraires et de l’esprit qui anime à notre époque les diverses écoles philosophiques. Les éditions précédentes contenaient déjà trois morceaux d’un caractère critique et dialectique sous ces trois titres : Objections d’un pyrrhonien, Objections d’un panthéiste, Discussion d’une antinomie ; l’auteur y ajoute dans son appendice trois éclaircissemens nouveaux, qui traitent, le premier des preuves de l’existence de Dieu, le second de la définition du panthéisme, le troisième de l’infinité de la création. Sans nous préoccuper de la place et de l’origine de ces différens morceaux, nous en résumerons les principaux points, c’est-à-dire l’opinion de l’auteur sur l’existence de Dieu, sur la nature de Dieu, sur les rapports de Dieu et du monde.

Sur la question de l’existence de Dieu, M. Emile Saisset professe et expose la doctrine suivante, qui, sauf quelques nuances, est en général la doctrine de toute l’école spiritualiste. Cette doctrine, c’est que l’existence de Dieu est une vérité première, une vérité d’intuition, et que les preuves que l’on en donne ne sont que les diverses analyses du mouvement naturel de l’esprit qui, dans toutes les catégories de la pensée, nous porte du fini à l’infini. Il est remarquable que tandis que l’école spiritualiste arrivait à cette conclusion par la méthode psychologique, l’école allemande y arrivait de son côté par la méthode spéculative. « Ce qu’on appelle, a dit Hegel, la preuve de l’existence de Dieu n’est que l’analyse et la description d’un procédé de l’esprit qui est un principe pensant et qui pense les choses sensibles. L’élévation de l’esprit au-dessus des choses sensibles, ce mouvement qui lui fait franchir les limites du fini et le conduit dans la région de l’invisible et de l’infini, tout cela, c’est penser et ce n’est que penser. Lorsque ce passage du fini à l’infini n’a pas lieu, on peut dire qu’il n’y a pas de pensée. Ce passage n’a pas lieu chez les animaux, qui, étant bornés à la sensation et à la perception sensible, ne peuvent avoir de religion. »

Ce principe posé, M. Emile Saisset établit que les diverses preuves de l’existence de Dieu ont pour effet de rendre sensible à l’esprit ce mouvement qui s’accomplit en lui sans qu’il en ait conscience, et surtout de réduire à l’absurde ceux qui, admettant le premier de ces deux termes, le fini, n’en admettent pas le second, l’infini. Ainsi, comme preuves directes, les argumens sont peut-être insuffisans ; mais comme explications de la foi naturelle, comme réductions à l’absurde de la négation absolue, elles ont une haute autorité scientifique. C’est ce que démontre l’auteur sans employer un grand appareil métaphysique, mais avec beaucoup de solidité et de précision.

Je suis en général d’accord avec l’auteur de l’essai sur presque tous les points de cette analyse et de cette critique, et je goûte beaucoup la sagacité et la simplicité de ses vues ; je regrette seulement qu’il ait négligé quelques preuves qui, pour être d’un ordre moins métaphysique que les autres, offrent cependant quelque intérêt, par exemple la preuve du consentement universel, la preuve tirée du sentiment religieux (qui est la précédente sous une autre forme), et surtout l’argument moral, qui conclut à Dieu comme au souverain législateur et au souverain juge de l’ordre moral. Cet argument, que Kant considérait comme le seul légitime, n’est certainement pas à dédaigner, car l’ordre moral suppose sans doute un auteur tout aussi bien que l’ordre physique.

Après la question de l’existence de Dieu vient la question de la nature de Dieu. C’est ici que M. Emile Saisset rencontre l’adversaire le plus redoutable, auquel il a consacré les deux plus excellens morceaux de son livre : la réfutation du panthéisme (dans la quatrième méditation) et la définition du panthéisme dans l’appendice. Dans ce dernier morceau, il revient sur une définition du panthéisme qui lui avait été contestée ; il l’explique, l’éclaircit, la développe, la confirme par l’histoire. Cette définition est celle-ci : le panthéisme est la doctrine qui enseigne la coexistence éternelle et nécessaire du fini et de l’infini, la consubstantialité absolue de la nature et de Dieu considérés comme deux aspects différens et inséparables de l’existence universelle. De cette définition précise du panthéisme, l’auteur déduit la loi de son développement. Le panthéisme, en voulant concilier dans une unité absolue le fini et l’infini, n’échappe pas aux difficultés qui résultent de la rencontre de ces deux termes opposés, car il accorde trop tantôt à l’un, tantôt à l’autre. Est-il préoccupé de la grandeur de Dieu, il se perd dans l’infini, et le fini n’est plus pour lui qu’une illusion, une chute, lin néant : c’est le mysticisme. Est-il préoccupé de la détermination de Dieu, de la réalité, il le confond avec le fini même et tombe dans le naturalisme. Ainsi deux sortes de panthéismes : le panthéisme mystique, le panthéisme naturaliste ; l’un qui est en quelque sorte l’acosmisme, l’autre qui est tout près de l’athéisme. M. Emile Saisset démontre cette loi inévitable du panthéisme par de nombreux exemples empruntés à l’histoire de la philosophie, depuis les plus anciens philosophes indiens jusqu’à Schelling et Hegel. Cette analyse du panthéisme et de sa loi essentielle est certainement un des plus remarquables morceaux de métaphysique de notre temps. J’en dirai autant de la réfutation du panthéisme, qui est d’une dialectique souple et nerveuse, et où brillent toutes les qualités bien connues de l’auteur, la lumière et la précision, l’élévation et l’autorité.

Mais si M. Saisset rejette la solution des panthéistes, quelle est la sienne ? Sa solution, qui n’est autre que celle de l’humanité même traduite dans la langue de la métaphysique, c’est que Dieu est une raison éternelle, se pensant soi-même, distincte du monde, parfaite et complète en soi, et produisant l’univers non par une nécessité intrinsèque, mais par la libre volonté de manifester à L’infini sa perfection. En un mot, à la doctrine panthéiste du Dieu impersonnel il oppose la thèse, aujourd’hui hardie, de la personnalité divine. » Vous l’avouez, s’écrient aussitôt les partisans de la doctrine adverse, votre Dieu est une personne, c’est-à-dire un individu, un être particulier, déterminé, fini. Quelle chimère ! quelle superstition ! quel anthropomorphisme ! Voilà Dieu fait à l’image de l’homme ! C’est un homme parfait, si vous voulez, mais c’est un homme ! Il aime, il pense, il veut ! Que lui manque-t-il ? Un corps et des sens, et te voilà tout semblable à nous. Un infini personnel est une contradiction ! » Ce n’est pas ici le lieu de discuter comme elle le mérite une si grande question ; mais, je le demande, une telle objection est-elle sérieuse de la part de ceux qui, pour éviter un Dieu à l’image de l’homme, aiment mieux concevoir un Dieu qui soit l’homme lui-même ? Nous soutenons que la pensée de Dieu est infiniment supérieure à la pensée humaine, qu’elle est à la pensée humaine ce que l’absolu est au relatif, ce que l’être de Dieu est à l’être de l’homme. Vous au contraire, vous affirmez que la pensée de Dieu est la somme, la totalité des pensées humaines, qu’elle est ma pensée, votre pensée, etc. Eh bien ! de ces deux conceptions, c’est la première que vous taxez d’anthropomorphisme, et la seconde qui vous paraît tout à fait digne du Dieu absolu. Nous prêtons à Dieu une pensée infaillible, c’est superstition ; vous lui prêtez nos erreurs et les vôtres, c’est de la haute métaphysique. Eh quoi ! La pensée que j’exprime ici même est une pensée de Dieu. Et cependant cette pensée, elle est erronée suivant vous ; elle est pauvre et méprisable : il y a donc en ce moment même en Dieu une pensée qui se trompe sur la nature de Dieu ! Dieu se trompe sur lui-même : voilà qui ne vous étonne pas ; mais que quelqu’un ose dire qu’il y a un Dieu qui ne se trompe pas, un Dieu qui sait et qui connaît tout d’une manière immédiate, immuable et éternelle, qui pourrait, suivant vous, tolérer un pareil anthropomorphisme ? Encore une fois, je comprendrais qu’on nous dît : Votre idée de Dieu est trop élevée, elle est trop divine, elle dépasse le possible, c’est un idéal irréalisable ; même en religion, il faut être positif, on l’est partout aujourd’hui. — Mais non, on nous dit au contraire que nôtre idée est trop humaine, qu’elle fait Dieu à l’image de l’homme, et en même temps, par une contradiction qui confond et qui scandalise, on dit que Dieu est l’homme lui-même, non pas à la vérité l’homme tout seul, on lui accorde d’être en même temps l’huître et la pierre, car il est le tout. Ah ! sans doute, les dieux des païens avaient des vices, des passions fort peu louables, mais au moins leur Jupiter était plus grand qu’aucun monarque de la terre, leur Junon plus fière qu’aucune reine, leur Minerve plus sage qu’aucun philosophe, leur Vénus plus belle qu’aucune courtisane d’ici-bas. Eh bien ! ce Dieu nouveau n’est pas même l’égal des dieux des païens, car tout ce qui se pense de faux dans ce monde, c’est sa pensée ; ce qui règne de haines et de vengeances, c’est son cœur ; ce qui se commet de crimes, c’est sa volonté. Non-seulement il permet le mal, comme on le dit dans l’école, mais il le fait. Que dis-je ? il n’y a plus de mal : tout est bien, tout est juste, tout est logique, car tout est divin.

Sur le troisième point que nous avons indiqué, à savoir le rapport de Dieu et du monde, M. Emile Saisset soutient une doctrine hardie et délicate, qui a dû soulever et qui a soulevé en effet de sérieuses objections. Suivant lui, le monde, pour exprimer l’infinité absolue de Dieu, doit posséder lui-même une sorte d’infinité relative : cette infinité relative, c’est l’absence de limites dans le temps et dans l’espace ; mais en quoi cette infinité relative diffère-t-elle de l’infinité absolue, qui, selon l’auteur, n’appartient qu’à Dieu seul ? Le voici. Le monde, à la vérité, possède une étendue et une durée illimitées ; seulement cette étendue est divisible, cette durée est successive. Or ce qui constitue l’infinité absolue, ce n’est pas l’absence de limites, caractère qui n’est pas inconciliable avec l’idée de créature, c’est l’absence de division et l’absence de succession, c’est l’éternité et l’immensité. Ainsi la véritable infinité consiste à être en dehors de l’espace et du temps, formes de l’existence finie, et l’infinité relative, contingente, communiquée, consiste à s’étendre sans limites dans le temps et dans l’espace. Quant au temps et à l’espace considérés en eux-mêmes, ce sont de pures catégories, des conceptions idéales, comme les conceptions géométriques, auxquelles ne correspond aucun objet effectif et réel.

À cette doctrine, soutenue par M. Emile Saisset avec beaucoup de fermeté et de subtilité, un philosophe, un érudit, M. Henri Martin (de Rennes) a opposé des objections d’une certaine importance. La thèse de M. Saisset aurait deux vices principaux aussi graves l’un que l’autre : 1° elle incline au panthéisme, si elle n’y conduit pas nécessairement ; 2° elle est contradictoire en associant deux idées qui s’excluent, l’idée de chose créée et l’idée d’infini.

C’est une objection sérieuse contre toute, doctrine, mais particulièrement. grave pour M. Saisset, que l’imputation de panthéisme, car, le principal objet de son livre étant de combattre et de repousser cette doctrine. Il eût fait preuve de peu de conséquence philosophique en la reprenant pour son compte sous une autre forme, et cela à son insu ; mais ici son adversaire commence par lui faire une concession : ce n’est pas précisément la doctrine de l’infinité de la création qui peut être considérée comme panthéiste, c’est la manière dont on l’établit. « Notre thèse est innocente, dit M. Saisset ; ce sont nos argumens qui sont coupables. » Quels sont ces argumens ? Le principal ou plutôt le seul, c’est que la souveraine perfection de Dieu demande qu’il s’exprime par un monde illimité, puisqu’un monde borné dans l’espace et dans le temps offre évidemment une perfection moins grande, et par là même moins digne de Dieu. Or c’est là, dit-on, un argument fataliste, puisqu’il impose à Dieu la nécessité de créer un monde infini ; mais M. Saisset répond avec raison à cette première objection qu’il ne s’agit pas ici d’une nécessité absolue, mais d’une nécessité de convenance, que personne ne soutient qu’un monde fini implique contradiction, mais seulement qu’il est plus digne de Dieu de créer un monde infini ; que, si c’est un argument fataliste, il faut accuser de fatalisme tout l’optimisme de Leibnitz et toute doctrine qui ne reconnaît pas la liberté absolue d’indifférence, qui soutient que l’action de Dieu est subordonnée à sa sagesse et à sa raison ; ce qui est le théisme même. Or, si on va jusque-là, ce n’est plus l’infinité de la création qui est en jeu, c’est la création elle-même ; la question est donc déplacée, et l’objection ne porte plus contre la thèse particulière dont il s’agit, mais contre une autre beaucoup plus générale. On soutient en outre que c’est favoriser le panthéisme que de chercher dans l’essence de Dieu les raisons déterminantes de la création, c’est-à-dire de raisonner a priori sur la constitution de l’univers ; mais cette objection revient à la précédente : autre chose est déduire géométriquement le monde de Dieu, comme l’a fait Spinoza, autre chose tirer de la considération des perfections divines des présomptions sur les causes et les fins de la création. Quant à la seconde classe d’objections, où le contradicteur essaie de démontrer que l’idée de chose créée et l’idée d’infini sont contradictoires, elles sont empruntées soit aux mathématiques, soit aux parties les plus subtiles de la métaphysique. Nous ne suivrons pas la controverse sur ce terrain tout spécial. Ici encore d’ailleurs M. Saisset nous semble conserver l’avantage.

En résumé, la doctrine religieuse exposée par M. Saisset se réduit à trois propositions : 1° l’existence de Dieu est une vérité d’intuition, et les diverses démonstrations que l’on en donne ne sont que les analyses du mouvement naturel de l’esprit qui nous porte vers Dieu ; 2° Dieu se distingue du monde par la pensée et par la conscience de soi ; 3° le monde exprime l’infinité absolue de Dieu par son infinité relative, c’est-à-dire par l’extension illimitée dans le temps et dans l’espace. De ces trois propositions, nous admettons entièrement la seconde et sans aucune réserve, nous admettons également la première avec un peu plus de complaisance que M. Saisset pour les preuves classiques de l’existence de Dieu ; quant à la troisième, elle a nos préférences, mais non pas notre adhésion, les principes de Descartes nous défendant d’affirmer ce qui n’est pas entièrement évident. Cependant nous ne pouvons que louer M. Saisset de cette noble ambition métaphysique, qui ne recule pas devant les problèmes et ne se laisse pas enchaîner dans les liens d’une doctrine convenue. La philosophie n’a pas le bonheur des sciences positives et exactes, où l’on ne fait jamais un pas en avant sans avoir assuré le pas précédent. C’est en courant des risques et des hasards de toute nature que le métaphysicien peut hâter les progrès de la science. Le mérite de la théorie de M. Saisset sera de nous amener à réfléchir plus profondément sur les différences de l’infini et de l’absolu, et peut-être ces différences bien analysées amèneront-elles quelques conséquences notables.

Quoi qu’il en soit, des livres comme celui-ci, comme d’autres encore inspirés par des principes différens, prouvent que la métaphysique ne veut pas se résoudre à mourir, ainsi que le prédisent chaque jour les prophètes de l’avenir. À la fin même du XVIIIe siècle, quand toute philosophie était réduite à l’idéologie et à la physiologie, c’est alors précisément qu’en France et en Allemagne renaissent avec le plus de curiosité et le plus d’ardeur les recherches spéculatives : toutes les idées métaphysiques, taxées jusqu’alors d’abstractions et de fictions, occupent de nouveau et sollicitent l’esprit humain. Comment expliquera-t-on cette résurrection de la métaphysique, lorsque tout semblait avoir consommé sa ruine ? Ne serait-ce pas qu’elle est un des besoins inextinguibles de l’esprit et l’une des conditions les plus nécessaires de la civilisation ? Ne désespérons donc pas de l’avenir de la métaphysique, et, tout en la dégageant des vaines hypothèses et des abstractions verbales, prenons garde de la réduire à n’être plus que le mensonge d’elle-même et l’illusion d’une science. Heureusement il lui reste encore trop d’amis dévoués et passionnés pour qu’un tel mal soit à craindre.


PAUL JANET.


Les Chevaliers-Poètes de l’Allemagne (Minnesinger), par M. Octave d’Assailly[3]. - L’époque qui vit naître la chevalerie en Allemagne fut aussi celle du premier épanouissement de la poésie germanique. Le livre de M. d’Assailly est un ensemble d’études sur ce moment si curieux dans l’histoire du monde féodal où la vie intellectuelle y pénètre et commence à le transformer. Les poètes qu’il met en scène ne sont pas seulement intéressans par les œuvres qu’ils nous ont laissées, mais par cette forte empreinte des âges où ils ont vécu, et qui en fait autant de types historiques. Tel est par exemple le genre d’intérêt qui s’attache à Walther de la Wogelweide, ce prince des troubadours-chevaliers, dont la vie nous apparaît partagée entre trois influences suprêmes, l’amour, la passion politique et la piété. M. d’Assailly a bien fait ressortir les traits principaux de cette physionomie complexe ; on pourrait lui reprocher seulement d’avoir trop appuyé sur le côté extérieur et un peu négligé le côté intime, cette sensibilité si vive et si originale qui se révèle dans quelques chants d’amour du vieux poète où se montre à son aurore, et comme empreinte d’une fraîcheur matinale, l’inspiration naturaliste que réveilleront plus tard les Kerner et les Uhland. Les autres minnesinger dont s’est occupé M. d’Assailly ne sont pas des représentans moins curieux de la vie chevaleresque et poétique de l’Allemagne, mais ils ne la résument peut-être pas aussi complètement que Walther. Quoi qu’il en soit, on lira avec intérêt les pages consacrées à Godefroid de Strasbourg, l’aimable et tendre auteur de Tristan et Isolde, à Ulrich de Lichtenstein, ce rude amateur de tournois et de coups d’épée, à Wolfram d’Eschenbach, le grand poète épique si chaudement célébré par Frédéric Schlegel, au Tannhäuser et à Frauenlob, l’un le plus aventureux, l’autre le plus galant des minnesinger. Il est fâcheux que M. d’Assailly apporte dans ces curieuses restitutions un peu plus d’enthousiasme que de critique. Toutefois la sincérité du sentiment, une sorte d’abandon juvénile font accepter sans trop de peine ici quelques témérités d’idée et de langage. Son livre indique en somme un esprit familier avec quelques aspects peu connus de la poésie allemande, et qui, fortifié par de pareilles études sévèrement pour suivies, ne peut manquer de trouver bientôt sa voie.


V. DE MARS.


  1. Il vient de paraître en outre tout récemment a Londres une traduction anglaise de cet ouvrage par M. William Alexander, docteur de l’université d’Oxford.
  2. Voyez la livraison du 1er septembre 1861.
  3. 1 vol. in-8) chez Didier.