Essais et Notices, 1863/Les Archives saxonnes

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Essais et Notices, 1863
Revue des Deux Mondes2e période, tome 46 (p. 502-508).

LES ARCHIVES SAXONNES.


Deux publications récentes faites à Dresde offrent à qui en a pu profiter l’occasion de rendre hommage à l’hospitalité libérale avec laquelle l’important dépôt des archives de Saxe est ouvert aux étrangers[1]. Les frontières de la Saxe étaient jadis fort étendues, de sorte que son histoire générale implique celle de la Pologne d’un côté, de l’autre celle d’une grande partie de la Thuringe, c’est-à-dire d’un pays qui, depuis Luther et Mélanchthon jusqu’à Goethe et Schiller, est resté à la tête de la civilisation allemande. La position centrale de la Saxe l’a d’ailleurs mise en contact avec tout le reste de l’Allemagne et la plus grande partie de l’Europe ; Son gouvernement, dont les agens à l’extérieur étaient depuis longtemps nombreux et actifs, n’était resté étranger à aucune des grandes affaires qui avaient agité les derniers siècles. De plus, les usages constans d’un vieux despotisme administratif avaient accumulé entre les mains de l’état un nombre infini de documens et de correspondances, le gouvernement revendiquant, après la mort des princes de la famille régnante ou des fonctionnaires, tous les papiers qui se trouvaient en leur possession, souvent même les plus étrangers aux intérêts publics. C’est avec ces matériaux que fut formée à Dresde en 1834 l’Archive royale de Saxe, qui comprend plus de trois cent mille documens et une série considérable de correspondances.

M. de Weber, appelé depuis quatorze ans à la direction de ces archives, a commencé par y mettre en ordre les documens modernes ; de concert avec le gouvernement saxon, il en a facilité l’accès aux travailleurs allemands ou étrangers ; payant enfin d’exemple, après avoir convié les savans à ne pas négliger une source d’informations féconde ; il y a puisé lui-même et a livré au grand jour ce que d’autres à sa place auraient peut-être soigneusement caché. On ne saurait trop répéter qu’une publicité si libérale fait grand honneur à l’archiviste et à son gouvernement. Nous savons plus d’un état où il serait à désirer qu’on s’inspirât d’un tel exemple.

La première publication de M. de Weber, Aus vier Jahrhunderten, présente en quatre volumes un ensemble complet par lui-même. Dans ce vaste cadre de quatre cents ans, ou plutôt de trois cent cinquante environ, car l’ouvrage commence au XVIe siècle seulement pour s’étendre jusqu’à nos jours, s’offre à nous un curieux mélange de documens historiques n’ayant entre eux aucun lien, si ce n’est celui d’une habituelle relation avec l’histoire saxonne, mais fort instructifs pour qui veut pénétrer dans la vie des temps passés. Nulle part on ne trouvera des détails plus précis sur la condition des petites cours allemandes aux XVII et XVIIIe siècles, sur les superstitions et les passions populaires, et sur maints personnages excentriques, produits de ces passions eux-mêmes, ou qui les ont exploitées. Cet ouvrage devient plus particulièrement précieux pour nous quand il donne les lumières les plus inattendues sur les événemens ou les personnages qui nous touchent de plus près. Par exemple M. de Weber a rencontré dans les papiers d’un baron de Just, envoyé saxon en Angleterre au commencement de 1816, un écrit rapportant une conversation qui eut lieu entre Napoléon et M. Littleton, membre du parlement anglais, à bord du Northumberland, dans la journée du 7 août 1815. Las Cases et d’autres historiens disent quelques mots de cette conversation sans la rapporter ni sans doute la connaître en entier. M. de Weber s’est livré à une longue recherche bibliographique au sujet de cet écrit ; il est arrivé, grâce seulement aux célèbres Notes and Queries, à ce résultat que ladite conversation a tout au plus été publiée, peut-être par extraits, dans une brochure tirée a cinquante-deux exemplaires et introuvable aujourd’hui. Bien que la pièce retrouvée à Dresde soit, pour la plus grande partie, écrite en anglais, beaucoup de fragmens y ont été conservés en langue française, notamment les réponses de l’empereur, quand M. Littleton se croit sur de son souvenir. Et pourtant on a peine à croire que ce souvenir ait été fidèle quand on lit ces paroles irritées, quoique désormais impuissantes : « Vous agissez comme une petite puissance aristocratique et non comme un grand état libre. Je suis venu m’asseoir sur votre sol ; je voulais vivre en simple citoyen anglais. Peut-être ce que vous faites est-il prudent, mais ce n’est pas généreux. Si vous n’aviez d’autre dessein que d’agir suivant les règles de la prudence, pourquoi ne pas me tuer ? Vous avez souillé le pavillon et l’honneur national en m’emprisonnant comme vous le faites. Vous avez flétri votre pavillon ; la postérité vous jugera… J’avais mon grand système politique. Il était nécessaire d’établir un contre-poids à votre énorme puissance sur mer. Je voulais rajeunir l’Espagne, et faire pour elle beaucoup de ce que les cortès ont tenté depuis. Je ne dis pas que l’idée d’amener la perte de l’Angleterre ne m’ait pas, pendant vingt années de guerre, passé par la tête,… c’est-à-dire votre perte, non, mais votre abaissement ; je voulais vous forcer à être justes, ou plutôt moins injustes… Vous avez été à Pétersbourg, monsieur, et vous dites que vous avez entendu les Russes dire du bien de moi. Pourquoi me haïraient-ils ? Je leur ai fait la guerre, voilà tout… Je voulais rétablir la Pologne ; c’est une grande nation. Poniatowski en était le véritable roi. Avez-vous été à Moscou ?… Ce n’est pas moi qui ai brûlé Moscou… C’est une île de fer, cette Sainte-Hélène, et un climat malsain… » Puis il parlait des Bourbons, des difficultés que leur opposerait un pays auquel on les imposait par la force. Il s’étendait avec une complaisance évidente sur les ressources qui restaient, disait-il, à la France, sur les progrès de la chimie industrielle, qui lui permettait, en bien des cas, de se passer de l’étranger, sur la production indigène du sucre de betterave, sur l’industrie de l’indigo et sur une ancienne loi de Henri IV a ce sujet, qu’il avait lui-même renouvelée. L’Angleterre avait de célèbres chimistes, mais la science n’était pas descendue chez elle à des applications pratiques aussi généralement répandues qu’en France.

Nous ne pouvons nous proposer ici de rendre un compte exact de quatre volumes dont les matières sont si variées. Il nous suffira de nommer, parmi les noms célèbres auxquels se rattachent les principaux documens publiés, le maréchal de Saxe et son illustre descendance jusque dans notre temps, le mystérieux comte de Saint-Germain, la princesse Palatine, mère du régent, le comte de Konigsmark, don Carlos d’Autriche, Théodore de Neuhoff, roi de Corse, etc. Le peu de rapport de ces noms entre eux donne une juste idée de la manière dont l’ouvrage se présente, et cela nous amène à présenter à l’auteur deux objections : pourquoi d’abord s’est-il abstenu d’indiquer soigneusement pour chaque pièce employée par lui dans quelle correspondance et même dans quelle liasse elle se retrouverait aux archives de Dresde ? En second lieu, l’historien qui consulte l’ouvrage se prend à regretter que ces quatre volumes, déjà précieux assurément, n’offrent pas autant de ressources pour l’histoire politique et diplomatique que pour la peinture des mœurs et la curiosité.

M. de Weber, à la vérité, paraît avoir répondu à cette dernière objection par la publication nouvelle qu’il a récemment entreprise de concert avec le célèbre historien M. Wachsmuth. On sait avec quelle facilité se fondent en Allemagne des recueils érudits : un savant dont le nom inspire la confiance appelle à lui quelques hommes de mérite, et s’engage à donner tous les trois mois deux ou trois études d’histoire, de philologie ou de science ; un public suffisant ne manque jamais à ces sortes de recueils, dont un certain nombre sont parvenus à une véritable célébrité. C’est ainsi que M. de Weber vient de fonder un périodique intitulé : Archives pour l’histoire de Saxe, dans lequel il se propose d’abord de faire, connaître, avec le concours des hommes spéciaux, tout ce que le dépôt public de Dresde contient de négociations, de mémoires et de correspondances offrant un véritable intérêt politique, ensuite de centraliser tous les travaux inédits se rapportant, de loin ou de près, à une branche de l’histoire saxonne. M. de Weber lui-même a écrit dans les premières livraisons du recueil une biographie fort étendue de l’un des principaux hommes d’état saxons, du comte d’Einsiedel, qui, de 1794 à 1831, ne quitta pas les affaires publiques.

Pendant la plus grande partie de sa longue carrière, le comte d’Einsiedel fut le ministre dévoué de l’honnête Frédéric-Auguste, allié fidèle de Napoléon. En donnant, avec le secours des renseignemens jusqu’à ce jour inconnus que lui présentaient les archives royales, une biographie étendue de cet homme politique, M. de Weber a restitué une page importante, non pas seulement de l’histoire de son pays, mais de celle encore de l’Allemagne et de l’Europe pendant le premier tiers si agité du XIXe siècle. A côté des intéressans détails qu’il fait connaître sur l’infatigable travail intérieur par lequel le comte d’Einsiedel s’efforçait de diminuer ou de guérir en Saxe les malheurs inséparables de la guerre, l’auteur se trouve appelé à publier des pièces d’une incontestable et précieuse authenticité concernant les grands événemens de cette époque. Il faut compter dans ce nombre un utile récit des divers incidens de la grande journée du 18 octobre 1813 par un témoin qui y avait été fort mêlé. — Il était déjà midi, et la bataille de Leipzig était à peu près décidée, quand un aide de camp, M. de Nostitz, vint dire au roi que la cavalerie saxonne avait déjà passé à l’ennemi ; l’infanterie, commandée par le général Ryssel, menaçait d’en faire autant, si le roi lui-même ne se décidait à répudier immédiatement l’alliance de Napoléon. On attendait une réponse suprême. Frédéric-Auguste n’hésita pas, et un ordre royal fut immédiatement adressé au général Zeschau en ces termes : « Général, j’ai placé ma confiance dans mes troupes, et je suis moins disposé en ce moment que jamais à m’en dédire. Elles n’ont pas de meilleur moyen de me prouver leur fidélité qu’en accomplissant leur devoir. J’attends de vous que vous fassiez tous vos efforts pour les y retenir. » Une heure après, Zeschau, ayant ramené en arrière le petit nombre de Saxons restés fidèles, environ sept cents hommes, venait annoncer au roi la défection du reste de l’infanterie saxonne. — Le lendemain 19 octobre eut lieu la scène des adieux de Napoléon à la famille royale de Saxe, que M. Thiers a brièvement racontée. « Relevant fièrement son visage grave, mais non abattu, dit-il, l’empereur exprima l’espoir de redevenir bientôt formidable derrière le Rhin, et promit de ne pas stipuler de paix dans laquelle la Saxe serait sacrifiée… » Le témoin cité par M. de Weber confirme ces traits au milieu de son récit : « Le matin du 19 octobre, pendant que l’armée française défilait entre la ville et les faubourgs, le duc de Bassano vint, vers huit heures, trouver le comte d’Einsiedel pour lui faire part des vues de l’empereur sur la situation politique de Frédéric-Auguste, et pour lui laisser trois ordres chiffrés adressés aux commandans français à Dresde, Torgau et Wittenberg. À neuf heures environ, l’empereur lui-même arriva pour faire ses adieux à la famille royale. Son attitude extérieure était parfaitement calme, et pendant sa conversation avec le roi il par la fort peu des rapports avec les alliés ; il dit seulement que le roi serait requis et forcé de se tourner contre lui, que sa majesté aurait peut-être mieux fait de le suivre jusqu’à Weissenfels, pour engager de là ses négociations avec les puissances coalisées ; d’ailleurs il donna l’assurance à la reine qu’il reviendrait et qu’il la reverrait à Dresde, et il lui manifesta par les plus fortes expressions son étonnement de la défection de son frère, le roi de Bavière, défection qu’il venait d’apprendre, et qu’il méditait de punir quand le temps serait venu. À son départ, il passa, encore à cheval devant le front du bataillon de la garde qui se trouvait sur la place du marché, et déclara aux troupes qu’il leur confiait la garde du roi son allié. » Ainsi se termina un des actes de la grande tragédie de Leipzig.

On sait quelle cause d’incertitude et de trouble ce fut pour les négociateurs du congrès de Vienne que la question de savoir comment ils devraient disposer des états du roi de Saxe. La Russie voulait la Pologne, et la Prusse voulait Dresde ; mais l’Autriche n’entendait pas qu’on livrât à ces puissances les défilés, de la Bohême, dont le grand Frédéric et Napoléon avaient signalé la haute importance, et elle se montrait, ou peu s’en faut, prête à recommencer une guerre pour empêcher ce qu’elle appelait une double usurpation fort désastreuse. D’autre part, les états allemands de second ordre ne pouvaient de gaité de cœur abandonner la cause de la Saxe, avec laquelle se confondait la leur, et ils déclamaient avec vivacité contre ce qu’ils appelaient l’avidité de la Prusse, la tyrannie de la Russie, la faiblesse de l’Autriche. L’Angleterre, de son côté, ne devait pas être d’humeur à laisser la Russie et la Prusse se fortifier outre mesure, et Louis XVIII enfin souhaitait de faire quelque chose pour son cousin le roi de Saxe. L’écho de ces craintes, de ces désirs, nous est livré dans certaines lettres de Frédéric-Auguste, du prince Antoine, son frère, et de Louis XVIII lui-même, publiées pour la première fois. Les nombreux détails relatifs à la question saxonne pendant le congrès y sont clairement déduits, et c’est tout un grave épisode d’histoire diplomatique qu’on expose ainsi.

Une fois le sort nouveau de la Saxe fixé, le comte d’Einsiedel se livra aux soins de l’administration intérieure avec une attention dévouée, et il ne fut détourné de sa tâche patriotique que par un petit nombre d’affaires extérieures. On lira avec intérêt parmi ces dernières les difficultés que lui suscitèrent la présence à Dresde d’un jeune libéral français, devenu depuis un homme d’état et un philosophe illustre, son arrestation dans la matinée du 14 octobre 1824, son extradition demandée par la Prusse, et la petite émeute qui, dans les rues de Dresde, voulut s’opposer à la condescendance obligée du cabinet saxon en cette circonstance envers le gouvernement prussien.

À côté de ces pages d’histoire contemporaine, le recueil de M. de Weber contient des travaux fort variés : un travail de bibliographie raisonnée sur les écrivains de l’histoire nationale depuis le commencement du XVIe siècle, par M. Wachsmuth ; une étude profondément érudite sur les différentes branches de la nation des Suèves dans l’Allemagne centrale au commencement du moyen âge, par M. Fraustadt ; des études militaires et d’archéologie locale, et enfin une importante dissertation de M. Helbig concernant un des grands épisodes de l’histoire diplomatique au XVIIe siècle. On sait quel ascendant la paix de Westphalie avait assuré à la France dans toute l’Allemagne. Le droit de protection que la France avait conquis sur les différens princes germaniques s’était transformé bientôt en une domination véritable, supérieure à celle que l’empereur lui-même exerçait. M. Mignet a magistralement exposé ces triomphes de la diplomatie française au commencement du règne de Louis XIV, mais il n’a pas prétendu épuiser un si vaste sujet, et chacune des archives étrangères que le zèle historique de notre temps explore révèle quelque entreprise nouvelle d’une politique active et bien servie. M. Helbig a retracé, d’après les documens inédits conservés dans les archives de Dresde, l’histoire d’une de ces négociations nombreuses qui ont eu, après le traité de Munster, pour but constant et pour effet dégrouper autour de la France un nombre toujours plus considérable de petits souverains devenus dociles. Il s’agit cette fois de l’électeur de Saxe Jean-George II. M. Helbig raconte les circonstances curieuses du traité qui fut conclu avec lui en 1664. La politique-de Louis XTV avait sur cette alliance des vues fort étendues. On écrivait de Dresde que « la Saxe pourrait tenir en bride l’empire et la Suède, » et le cabinet de Versailles se préoccupait en effet sérieusement de créer au nord de l’Allemagne une puissance imposante, qui fût dévouée aux intérêts français. On sait comment la place fut bientôt prise par une monarchie dévouée à de tout autres intérêts. A partir de décembre 1666, un envoyé du gouvernement français, nommé Chasson, résida à Dresde, et veilla à ce que l’électeur ne s’éloignât pas de la ligne dans laquelle le retenait d’ailleurs le besoin d’abondans subsides. L’électeur et ses frères furent de constans appuis pour le vainqueur de la triple alliance et pour le négociateur de Nimègue. M. de Pomponne signa avec l’envoyé saxon Wolframsdorf à Saint-Germain, le 5 (15) novembre 1679, un traité dont les articles secrets stipulaient que l’électeur consacrerait tous ses efforts à faire décerner la couronne impériale à Louis XIV, « comme plus capable que tout autre, par ses grandes et héroïques vertus et par sa puissance, de soutenir la couronne impériale, de rétablir l’empire dans son ancienne splendeur, et de le défendre contre le voisinage du Turc. » Tous ces épisodes diplomatiques sont racontés par M. Helbig avec une précision qui apporte ça et là des rectifications et des additions aux textes déjà connus.

Les princes allemands n’étaient si soumis à l’ascendant politique de Louis XIV que parce que la civilisation élégante dont la France avait donné le signal les enveloppait de toutes parts. Ils cédaient à l’attrait d’un luxe qui les ruinait, et ils avaient après cela besoin de subsides. Ces envahissemens d’une culture étrangère déjà raffinée, et contrastant avec la simplicité germanique, donnaient lieu à une multitude de nuances dont nous sommes aujourd’hui fort curieux. M. Helbig a voulu sans doute ne faire acte que d’excellent érudit, écrivant dans un recueil qui puisait aux mêmes sources que le premier ouvrage de M. de Weber dont nous avons rendu compte, mais qui se proposait un autre but en s’enfermant plus exclusivement dans le pur domaine de l’histoire érudite. L’exposition savante qu’il a faite des négociations entre Louis XIV et l’électeur de Saxe pourra être ailleurs pour M. Helbig l’occasion d’un travail d’ensemble qui deviendra, avec un entier usage de tous les documens dont il dispose, une importante étude d’histoire diplomatique. M. Helbig a déjà prouvé qu’il joignait aux qualités du savant celles de l’historien : il est connu par un livre sur Gustave-Adolphe et les Électeurs de Saxe et de Brandebourg qui contient de nombreux documens inédits, et qui fait autorité. Il a récemment publié une étude spéciale des rapports diplomatiques entre le gouvernement de Louis XIV et la Pologne pendant les années 1692-1697 ; il a ensuite édité, en la commentant, une curieuse relation d’Isaïe Pufendorf, envoyé suédois à Vienne et frère du célèbre Samuel, sur l’empereur Léopold, sa cour et sa faible politique de 1671 à 1674. Les Suédois étaient alors, dans ces premières et brillantes années du règne de Louis XIV, nos fidèles alliés ; aussi Pufendorf expose-t-il dans cette relation les efforts qu’il a tentés à Vienne pour seconder les intentions politiques du grand roi : il s’agissait de forcer l’empereur à l’inaction pendant la guerre franco-hollandaise. Notre XVIIe siècle, toujours plus intéressant à mesure qu’on l’étudie et qu’on le connaît davantage, s’éclaire de lumières nouvelles grâce à tant de recherches. Involontairement, c’est cette grande époque, si féconde en grandes combinaisons politiques conçues sous l’ascendant de la France, que M. de Weber et ses collaborateurs rencontreront le plus souvent dans leurs recherches désintéressées. Nous avons donc plus d’une raison pour applaudir au succès de leurs efforts, et il y aurait lieu de souhaiter que, dans les autres parties de l’Allemagne, l’étude de l’histoire fût servie par un pareil zèle de la part des écrivains, par une pareille libéralité de la part des gouvernemens.


A. GEFFROY.
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  1. Aus vier Jahrhunderten (Documens sur quatre siècles), par M. Charles de Weber, directeur des archives de Dresde ; 4 vol, Leipzig 1857-63. — Archiv fur die Sächsische Geschichte (Archives de l’histoire de Saxe) ; Leipzig 1863.