Etudes sur la Renaissance - Les Livres de civilité

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Etudes sur la Renaissance - Les Livres de civilité
Revue des Deux Mondes3e période, tome 117 (p. 610-632).
ÉTUDES SUR LA RENAISSANCE

LES LIVRES DE CIVILITÉ.


I.

L’étude de la vie privée chez nos aïeux est une recherche entièrement moderne ; elle date à peine d’un siècle. Elle est contemporaine de la nouvelle école historique et la conséquence de son programme. Du jour où Augustin Thierry a poussé le cri d’alarme : « la croyance historique est toute à refaire, » une génération neuve, ardente, convaincue, s’est lancée à la découverte, rejetant les interprétations et les à-peu-près littéraires, et résolue à reprendre le passé dans ses fondemens, à fouiller le sol jusqu’au tuf, pour extraire enfin la vérité historique de ses élémens natifs, les documens originaux.

Et pendant que l’historien bouleversait les bibliothèques, les archives et les chartriers, l’amateur à son tour explorait les fermes, les châteaux, les sacristies, et faisait sortir de terre tous ces menus objets de la vie privée, meubles, armes, tapisseries, ustensiles de culte, de table ou de toilette, dédaignés par les chercheurs d’autrefois, et qui allaient devenir le commentaire saisissant et tangible des documens écrits.

La récolte fut abondante, les révélations soudaines, lumineuses. Quel charme d’entrer pour la première fois dans l’histoire vraie, authentique, prise sur le fait, de surprendre nos ancêtres dans leur intimité, de s’asseoir pour ainsi dire à leur loyer ! Quelle mine féconde, non-seulement pour l’historien et l’amateur, mais encore pour l’artiste, pour l’industriel en quête de modèles et de procédés nouveaux, pour le romancier, le poète, le peintre, le décorateur, pour tous les amoureux de la couleur locale !

Le premier pas était fait, mais il fallait se garder d’aller trop vite et ne pas conclure avant l’heure. Car enfin les fouilles ne faisaient que commencer, et le sol, à peine effleuré, recelait des trésors inconnus, destinés à expliquer, à commenter les premières découvertes. Les nouveaux matériaux n’étaient pas encore dégrossis ; on devait d’abord les trier, les comparer, les classer, tâche délicate et de longue haleine, que la jeune critique, malgré son zèle et ses bonnes intentions, n’était pas encore de taille à entreprendre.

Le romantisme faillit tout gâter. Naturellement, ses écrivains, ses peintres et ses poètes s’étaient jetés à corps perdu dans les voies nouvelles, entraînant à leur suite le public fanatisé par l’incontestable supériorité des chefs de file. Or, ceux-ci, qui faisaient œuvre d’artistes et non d’archéologues, avaient comme de raison choisi, dans leurs siècles de prédilection, les types et les scènes à leur convenance. Mais le public ne l’entendait pas ainsi : ébloui devant ces tableaux de la vie passée qu’on lui présentait pour la première fois, il s’empressa de les prendre au mot, de les généraliser ; il imagina, pour son usage, un moyen âge et une renaissance de convention, faits de sensiblerie ou de truculence, peuplés de troubadours, de fidèles chevaliers, d’empoisonneurs, de bourreaux, de châtelaines gémissantes et d’affreux malandrins.

Cette conception singulière pouvait avoir des conséquences fâcheuses. Heureusement, le mal se réduisit à quelques erreurs sans grande importance. Elles n’en ont pas moins couru le monde, grâce à la naïveté de certains amateurs, et à l’ignorance du commerce toujours empressé de donner des noms sonores et des attributions illustres aux objets qu’il possède. Naguère encore, Jean Goujon avait sculpté toutes les armoires de noyer ; Cellini avait fabriqué tous les bijoux d’or émaillé, Berruguete toutes les boiseries venant d’Espagne, et Jamnitzer tous les vidrecomes. Dans ma jeunesse, au musée de Cluny, on montrait aux visiteuses, en clignant de l’œil, — le lit même de François Ier, un lit qui datait de Charles IX. Une épinette de la fin du XVIe siècle passait pour le piano d’Henri II ; une épée à deux mains devenait un glaive de justice ; une chaire à grand dossier, un siège épiscopal ; un dressoir, une crédence pour faire l’essai et se garantir du poison. Le plus mince château montrait ses oubliettes qui n’étaient le plus souvent que d’anciennes fosses d’aisances ; et l’Allemagne fabriquait des instrumens de torture que la province, cette bonne province, achetait invariablement de confiance et les larmes aux yeux.

Nous n’en sommes plus là, Dieu merci. Depuis une vingtaine d’années surtout, l’éducation historique a fait des pas de géant : archivistes, bibliothécaires, conservateurs, écrivains, amateurs de livres, d’objets d’art, d’estampes, de monnaies, d’autographes, érudits et chercheurs de toute sorte, voire même les gens du monde, — tant la recherche du document authentique est entrée dans les mœurs, — chacun s’est mis en campagne. Les anciennes fouilles continuées et complétées, des fouilles nouvelles entreprises et menées jusqu’au bout avec suite et méthode, ont mis à jour des monceaux imprévus de documens. Une critique implacable et singulièrement subtile, mûrie par une longue expérience des textes et la pratique journalière des monumens, a tout contrôlé, analysé, comparé, mis en ordre.

Le travail est en bonne voie, et nous pouvons enfin jeter un premier coup d’œil chez nos aïeux. Déjà nous connaissons à peu près leurs maisons, leur costume, leurs meubles, leur art et leur industrie ; faisons un pas de plus en étudiant les Livres de civilité du XVIe siècle, c’est un bien petit chapitre de la grande histoire ; mais il a son intérêt et nous ménage des surprises.


II.

Les Livres de civilité enseignent comment on doit se tenir à la maison, à table, dans la rue, dans le monde. Réunis à d’autres recueils du même genre, Colloques et Dialogues pédagogiques, ils forment le code complet du savoir-vivre à l’usage du jeune homme et de l’homme fait.

Ils datent réellement de la renaissance. Jusque-là, les règles de la bonne tenue sont encore informes et se réduisent aux contenances de table. On les trouve mêlées aux préceptes de morale et sous la forme d’aphorismes ; elles ne sont pas encore codifiées. À partir du XVIe siècle, la doctrine a pris corps et le Livre de civilité continue sans interruption sous le même titre ou à peu près, pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle, pour finir au commencement du XIXe

Au point de vue historique et documentaire, nos petits manuels ont cet avantage qu’ils nous apprennent l’ensemble des mœurs de la société contemporaine. Avantage précieux, soit dit en passant, aujourd’hui que la folie du document infinitésimal envahit toute la littérature. À force d’étudier au microscope l’humanité présente et l’humanité passée, on risque de n’en voir que les microbes et les vibrions ; le moindre détail, le fait divers le plus imperceptible, grossissent outre mesure et prennent les proportions d’un état de mœurs général et permanent.

Avec nos manuels, l’écueil n’est pas à craindre. Ils ne racontent pas d’anecdotes ; les usages qu’ils relatent sont pratiqués universellement et, comme ils prennent soin de nous dire le bien et le mal, ce qu’il faut faire et ne pas faire, on peut être sûr que le tableau est aussi complet que fidèle.

La Civilitas morum puerilium d’Érasme est le prototype du genre. Imprimée à Bâle en 1530, elle est dédiée à Henri de Bourgogne, fils d’Adolphe, prince de Vere. Le livre est bref et substantiel, écrit simplement, sans pédantisme et de bonne humeur, dans ce latin souple, concis, pittoresque, qu’Érasme manie avec une aisance très personnelle. Il comprend sept chapitres : de la Décence et de l’indécence du maintien, du Vêtement, de la Tenue à l’église, des Repas, des Rencontres, du Jeu et du Coucher.

Par son nom, ses relations dans le monde, ses antécédens, — il avait publié de nombreux livres de pédagogie, — par son tempérament même, Érasme était mieux que personne en situation de traiter la matière. C’était un délicat et un raffiné, souffreteux à l’excès et tellement impressionnable que « jusqu’à l’âge de trente ans, il lui suffisait d’entrer dans une chambre inhabitée depuis quelques mois, pour avoir immédiatement la fièvre. » Ses voyages en Angleterre, en Allemagne, en France et en Italie l’avaient mêlé à une société encore incertaine, à peine affranchie de l’indépendance un peu rude et sans gêne du moyen âge ; pour faire son éducation et lui apprendre la politesse, il fallait autre chose que les notions sommaires qui couraient les écoles. Érasme le comprit : à l’âge de soixante-trois ans, retiré à Bâle, il recueillit le peu que l’on avait dit avant lui sur la matière, ce qu’il en avait dit lui-même, le compléta par ses observations personnelles et composa son traité de la civilité.

Le livre arrivait à son heure et devint populaire du jour au lendemain. Traduit en anglais par Robert Whytington (1532), en français par Pierre Saliat (1537), il fut remanié et vulgarisé en France par Mathurin Cordier, sous le titre de Miroir de la jeunesse pour la former à bonnes mœurs et civilité de vie (Poitiers, 1559). Aujourd’hui le Miroir de Mathurin Cordier est introuvable : les écoliers, cet âge sans pitié pour les archéologues, l’ont usé et lacéré jusqu’à la dernière feuille. On ne le trouve ni à la Bibliothèque nationale, ni à l’Arsenal, ni à Sainte-Geneviève, ni à la Mazarine si riche en livres de ce genre, ni même à Poitiers, où il a été imprimé pour la première fois.

La même année, paraissait la Civile honesteté pour les enfans avec la manière d’aprendre à bien lire, prononcer et escrire, par G. de Calviac (Paris, 1559), qui serait, d’après Lacroix du Maine, la reproduction du livre de Mathurin Cordier. Ce livre rarissime[1] est imprimé avec les nouveaux caractères typographiques, imitant l’écriture cursive, inventés par Robert Granjon. Ces lettres françoises de main comme on les appelait à l’origine, ont pris le nom de caractères de civilité depuis qu’elles ont servi à l’impression de presque tous les recueils de ce genre.

La Civilité puérile distribuée par petits chapitres et sommaires, à laquelle avons adjoustè la discipline et institution des enfans, traduitz par Jehan Louveau (Anvers, 1559), comme la Civilité puérile de Jean de Tournes (1569), et toutes les autres Civilités du XVIe siècle, sont encore des traductions ou des paraphrases d’Érasme ; le plan, les divisions et les principes sont les mêmes à peu de choses près.

Quelle tenue on doit avoir dans le monde, quelles expressions, quels gestes il convient de corriger, comment on doit marcher, regarder, tousser, bâiller, s’asseoir, tenir la tête, le corps, les mains, les jambes, tous ces préceptes n’ont pas vieilli depuis la renaissance, et notre jeunesse ferait sagement de les méditer ; elle n’y perdrait rien. Dans ce temps-là comme aujourd’hui, les gens à la mode adoptaient certaines attitudes, certains gestes particuliers qui constituaient le suprême bon ton, par exemple : « avancer les lèvres de temps à autre pour faire entendre une sorte de sifflement, habitude familière aux princes qui se promènent dans la foule ; » — « jeter son manteau d’un seul côté ou le faire tomber en arrière jusque sur les reins ; » — « se dandiner en marchant, claudication ridicule, dit Érasme, qu’il faut laisser aux soldats suisses, bien qu’elle soit du goût de certains courtisans ; » — « se tenir debout, ou s’asseoir, une main appuyée sur l’autre[2], ce qui passe pour une posture élégante et qui sent son homme de guerre. » — « Chez les Italiens, dit encore Érasme, pour faire honneur à quelqu’un, on pose un pied sur l’autre et l’on se tient à peu près sur une jambe, comme les cigognes[3]. » Ailleurs, il nous apprend que « jadis on trouvait gracieux de tenir les yeux demi-clos et de tendre les lèvres comme pour un baiser ; les anciennes peintures en font foi[4]. » Signalons ce détail en passant : il explique un trait de physionomie assez fréquent chez les primitifs, aussi bien dans leurs bustes que dans leurs portraits ; le buste de femme du Louvre (École napolitaine du XVe siècle) en offre un exemple bien caractérisé.

L’art de saluer est un point capital, — car on était alors fort chatouilleux sur l’étiquette, — et les Civilités ne manquent pas de l’enseigner minutieusement. Voyons d’abord ce que dit Érasme : « Pour ce qui est de saluer, quelques-uns fléchissent en même temps les deux genoux, les uns en maintenant le corps droit, les autres en le courbant un peu. Ceux qui trouvent ce salut féminin se tiennent droits et ploient d’abord le genou droit, puis le genou gauche, façon de saluer très appréciée en Angleterre chez les jeunes gens. Les Français ploient seulement le genou droit en faisant avec grâce un demi-tour de corps. » Voici maintenant la version de Calviac : « Il y a plusieurs façons de faire la révérence, selon les pays où on se trouve et les coustumes d’iceux, mais les Françoys ployent seulement le genouil droit, se tenant autrement plustost droictz que inclinés, avec un doux contournement et mouvement du corps, et ostans. le bonet de la main droyte, le tenant ouvert parle dedans, l’abaissent au mesme côté droyt ; » ou bien encore : « Ayant fléchi le genouil et osté le bonet de la main droyte, on le tiendra bas en la gauche, et la main droyte au bas de l’estomac avec les gans ou autrement ; car de tenir le bonet ou chapeau et chose semblable sous l’aisselle, en saluant autruy, est chose rustique. »

Indépendamment du salut classique et cérémonieux, de la révérence proprement dite, il y a le salut de rencontre, dans la rue, en visite, etc. S’il s’agit d’un homme, on l’embrasse par accolade : « S’il est plus grand (d’un rang plus élevé) que soy, on l’embrassera (l’accolera) dessoubs les bras ; et d’autant plus grand il sera, d’autant plus bas on l’embrassera, jusques aux cuisses mesmes. S’il est son pareil ou moindre, on l’embrassera d’un bras dessus l’une espaule d’iceluy, et l’autre dessoubs l’autre aisselle. » — « Le temps passé, dit Henri Estienne, on eust trouvé estrange et de mauvaise grâce, de faire des révérences les uns aux autres, approchantes d’une adoration ; maintenant cela est ordinaire et trouvé de bonne grâce, voire jusqu’à baiser la cuisse et le genou, tellement que je croy qu’à la fin il ne faudra plus aller jusqu’à Rome pour baiser la pantoufle ou le soulier, mais que cela se pourra faire sans bouger de France. » (Dialogue du nouveau françoys-italianisé.)

S’agit-il d’une femme, on l’embrasse non pas sur la joue, mais sur la bouche : « S’il advient que l’on fasse recueil à quelqu’un sien parent ou parente qu’on n’aura veu de longtemps, si c’est une femme et qu’il faille qu’on la baise, on la doit baiser sur la bouche. » (Calviac.) Cette façon de saluer les femmes était un usage de politesse générale, aussi bien dans le monde que chez le paysan. Un voyageur suisse (1552-1559) par le d’un bal à Montpellier où se trouvait une demoiselle fort jolie, « mais qui avait seulement le nez un peu trop long, et son danseur avait peine à l’embrasser sur les lèvres, comme c’est l’usage[5]. » Claude Gauchet, à son tour, décrit ainsi un épisode de la Feste de village[6] :


Michault prend Marion, la tire de la dance.
Et après avoir faict la basse révérence,
Il la baise à la bouche, et, cliquetant des dois,
Monstre qu’à bien dancer il ne craint villageois.


Avec nos idées modernes, la coutume semble passablement singulière ; mais ce qui surprendra davantage, c’est qu’elle ait persisté jusqu’au commencement de ce siècle. En 1823, le Coryphée des salons, manuel de « la bonne compagnie, » dit en propres termes : « En Allemagne, l’usage est d’embrasser les dames sur la bouche. »

Pour compléter cet aperçu des différentes manières de saluer, je choisis dans Noël du Fail un de ces petits tableaux de genre où il excelle, et qu’on pourrait intituler la Visite chez l’avocat[7] :

« Lors entrans en l’estude, trouvèrent ce vénérable (l’avocat), assis en une chaire de bois, emmaillotté et fagotté dans une grosse robe fourrée, deux bonnets en un chappeau, avec ses lunettes entravées sur le nez, faisant semblant minuter quelque chose de haut appareil. Et, en sursaut, et comme ne sachant qu’il y fut survenu aucun, se détourna vers eux, les saluant d’un petit clin de teste seulement, comme font les nonnains en leurs révérences claustrales. Eutrapel, au contraire, luy fit deux terribles et profondes révérences à deux estages… ayant cependant la teste découverte, et faisant bien le marmiteux (misérable). L’advocat, au contraire, les jambes croisées l’une sur l’autre, et se renversant sur sa chaire, advançoit à demi le bras, signifiant qu’il eût à se couvrir. »


III.

Quelles étaient les habitudes de propreté au XVIe siècle ? Sujet délicat et difficile à traiter sans effaroucher le lecteur ; mais, du moment qu’on entre dans la vie privée d’autrefois, la question s’impose, c’est une des moins connues, et, coûte que coûte, il faut l’aborder. L’occasion est bonne, nous avons sous la main les livres de civilité ; essayons donc de nous renseigner le plus discrètement possible. Aussi bien le lecteur est prévenu : s’il a quelque inquiétude, libre à lui de tourner la page.

Nos aïeux de la renaissance passent pour des gens fort malpropres ; c’est une opinion toute faite et j’imagine que le XVIIe siècle en est la cause ; sa malpropreté étant bien avérée, on conclut, sans autre examen, que celle du XVIe siècle son voisin n’est pas douteuse. On cite au besoin quelques historiettes cueillies çà et là, les « discours libres et gaillards » du vieux temps qui disent les choses sans périphrases ; on rappelle certains passages de Rabelais ou de Brantôme, et voilà tout un siècle bel et bien condamné. Si vous le permettez, nous n’irons pas aussi vite en besogne.

Mais d’abord il faut bien s’entendre ; les civilités puériles sont des manuels destinés à l’enfance ; civilitas morum puerilium, dit expressément Érasme qui dédie son livre à Henri de Bourgogne, « entant de grande espérance, » pour en offrir un exemplaire « à tous ses petits camarades. » Une des traductions françaises les plus répandues est celle de Claude Hardy, « Parisien éagé de neuf ans. » Les civilités puériles sont donc les catéchismes du savoir-vivre, que l’enfant doit apprendre par cœur à l’école. Dès lors, tout en donnant des règles de conduite qui serviront plus tard au jeune homme et à l’homme fait, le moraliste est bien obligé de compter avec certaines fautes spéciales aux enfans. S’éplucher la tête pour jeter la vermine sur son voisin, cracher au nez d’un camarade, défaire ses chausses en public, se moucher avec son bonnet ou avec sa manche, sont des gamineries fort dégoûtantes, mais personne ne saurait en accuser la société tout entière.

Commençons par le chapitre de la toilette. Érasme prescrit, « dès le matin et avant toute chose, de se laver à grande eau le visage, les mains et la bouche. » Il est vrai qu’il ajoute : « Le faire souvent est déraisonnable, » recommandation singulière dans la bouche d’un délicat comme Érasme ; mais quoi, il s’agit d’un enfant, et combien en connaissons-nous qui, livrés à eux-mêmes, n’accompliraient même pas l’ablution matinale exigée par le maître ! Mathurin Cordier, dans ses Colloques (1564), fait dire à peu près la même chose à son élève : « Je lave mes mains, mon visage, mes dents, mes yeux, et principalement le matin. » Louis Vivès nous fait entrer dans tous les détails de l’opération : « Apportez le bassin avec l’esgaière ; versez de haut, vuidez plus tôt peu à peu par le bec de l’esguière, que de verser tout d’un flot. Nettoyez cette crasse qui est aux jointures de vos doits. Lavez votre bouche et gargarisez. Frottez-moi bien les cils des yeux et les paupières ; après, encore bien fort, les petites glandes de dessous les oreilles. Prenez un linge et vous essuyez. O Dieu immortel ! il vous faut tout dire l’un après l’autre ; ne sçauriez-vous rien faire de vous-même. » (Colloquia, 1532.)

Passons maintenant aux grandes personnes. Olivier de Serres, dans son Théâtre d’agriculture, consacre un chapitre à la bonne tenue du gentilhomme campagnard ; j’en extrais quelques passages : « Pour la netteté du cuir. C’est une particularité très requise à la conservation de la santé, que de tenir nettement la personne. Pour laquelle cause, le principal ne sera oublié qui est la personne, se lavant souvent les mains, la bouche, quelquefois la face, avec de l’eau commune, du vin et d’autres liqueurs. Quelquefois le mois, les mains seront lavées avec eau et savon de bonne senteur, ou avec eau distillée de une de pain, ou avec eau et son meslés, adjoustant à ces lavemens-ci quelques eaux odorantes. » La réserve que fait l’auteur au sujet de la face est confirmée par un passage de la civilité de Barthès (1645) : « Ils (les enfans) nettoyèrent leurs faces et leurs yeux avec un linge blanc de lessive ; cela descrasse, et laisse le teint et la couleur dans la constitution naturelle. Se laver avec l’eau nuyt à la veue, engendre des maux de dents et des catarrhes, appalit le visage, et le rend plus susceptible de froid en hiver et de hasle en esté. » Évidemment, ces gens concevaient la propreté autrement que nous ; est-ce à dire qu’ils furent aussi malpropres qu’on le prétend[8] ?

« Ne pas se peigner, dit Érasme, est le fait d’un paysan ; que l’on soit propre, sans être luisant comme une fille ; » et Calviac : « Il faut que tous les matins l’enfant se peigne en menant le peigne du devant au derrière de la teste, pour toujours renvoyer au derrière les humeurs qui descendent sur les yeux et le visage. »

Quant aux dents, Érasme veut « qu’on les tienne nettes avec grand soin ; les blanchir avec des poudres est efféminé ; les frotter de sel ou d’alun est nuisible aux gencives[9]. » Olivier de Serres en dit beaucoup plus long : « Dès le réveil, à la première ouverture de la bouche, avant que parler, les dents seront frottées avec un linge net, un peu rude, aussi tout l’intérieur de la bouche… En lavant les mains et à l’entrée de table, de mesme les dents seront lavées d’eau fraîche, non froide… À l’issue du repas, les dents seront lavées fort curieusement, avec de l’eau et un peu de vinaigre parmi, ou avec du vin pur. Puis on frottera les dents avec cette poudre (suit la recette de plusieurs poudres dentifrices). » Voilà, si je ne me trompe, de quoi satisfaire les plus difficiles.

Pour les ablutions générales, on avait recours aux baigneries. La plupart des maisons de quelque importance possédaient une chambre à bains ou baignerie, disposée dans le sous-sol, lambrissée de bois et dallée. Elle contenait des cuves-baignoires en bois, des baquets pour les enfans et des bancs recouverts de plomb et percés de trous. Des tentures de toile blanche garnissaient la chambre, coupée par des rideaux mobiles isolant à volonté chaque baignoire qui devenait ainsi une sorte de cabine[10]. À côté se trouvaient les étuves pour les sudations à la vapeur et les onctions. En outre, dans toutes les grandes villes, il y avait des étuves publiques avec bains et étuves chaudes, généralement garnies de rideaux séparatifs comme les baigneries privées.

Ces étuves étaient une tradition que le moyen âge tenait de l’antiquité, et qu’il avait léguée à la renaissance ; mais leur vogue ne dura qu’un temps. Proscrites par le clergé catholique et huguenot comme lieux de débauche, interdites par le médecin comme dangereuses en temps de peste, battues en brèche par la concurrence italienne qui substituait aux lavages à grande eau les pâtes, les onctions et les poudres parfumées, les étuves publiques disparurent peu à peu, abandonnées même de leur jeune clientèle que la guerre civile avait jetée dans les camps et sur les grands chemins.

Nous n’avons encore rien dit de la propreté des vêtemens : comme on le pense bien, les Civilités font, à ce sujet, toutes les recommandations nécessaires : « Il faut aussy que l’enfant s’estudie à entretenir ses accoustremens netz et sans aucune ordure, crottes, ou saleté (Calviac), — ne porte les habits sales, descousus, poudreux, ny pelés ; advise de les épousseter pour l’ordinaire une fois par jour (Bienséance de 1618). » Il n’est pas spécialement question du linge ; mais nous savons qu’on l’entretenait avec le plus grand soin. Le linge du corps, bien repassé et parfumé, se plaçait derrière la chaire, dans une armoire prise dans le mur et cachée par l’abatant mobile du dossier[11].


Chaire bien fermée et bien close,
Où le muscq odorant repose
Avec le linge delyé.
Tant souef fleurant, tant bien plyé[12].

Un contemporain parle même des élégans Parisiens, « tant bien godronnés, qui envoient exprès en Flandres faire blanchir leurs chemises. » Voici du reste un document qui vient à point pour nous renseigner sur la garde-robe d’un gentilhomme fin de siècle, fin du XVIe siècle, bien entendu : c’est le compte de sa blanchisseuse[13] :

— Prends premièrement ce linge blanc que la lavandière a apporté,

— Attendez que je regarde mon mémoire, pour voir s’il n’y manque rien : « Mémoire du linge de mon maistre que la lavandière a reçu le dixiesme de mars : Premièrement, quatre chemises garnies de leurs collets plissez ou fraises.

— Les voicy.

— Deux draps de lict, deux tayes d’oreillers, deux paires de calsons de toile, trois paires de chaussettes.

— Les voicy.

— Une douzaine de paires de chaussons (bas-de-chausse).

— N’en voicy que huict.

— Il en faut (manque) donc quatre ; j’en demanderay le compte à la lavandière et, si elle les a perdues, il faudra qu’elle les paye… item, deux coiffes et quatre couvre-chefz, une demi-douzaine de mouchoirs. Deux nappes et dix serviettes. Trois touailles et un linge à couvrir le fruict, et deux colletz à fraises avec leurs manchettes.

— Tout est icy. Il n’y manque rien qui soit.

— Eh bien, plions-le, et le mettons au coffre. »


IV.

1530. — « Prends avec trois doigts les alimens. » 1618. — « Apprends à te servir de la cuiller et de la fourchette selon la mode des gens bien élevés. » Voilà, en deux préceptes, toute l’histoire de la bienséance à table pendant le XVIe siècle : on commence par manger avec les doigts, on finit par manger avec la fourchette.

Ce n’est pas que la fourche ou fourchette fût inconnue : de tout temps, le cuisinier a eu la sienne pour manier les viandes, l’écuyer tranchant, ou la personne chargée de ce soin, ont eu leur fourchette pour découper ; souvent même ils la laissaient dans le plat, pour permettre aux convives de saisir plus aisément les morceaux. Mais l’antiquité tout entière et le moyen âge ont passé sans avoir l’idée d’utiliser la fourchette pour porter les alimens journaliers de l’assiette à la bouche.

Jadis j’ai raconté cette histoire[14] ; je demande la permission d’y revenir, autant pour préciser certains points, que pour mieux élucider, à l’aide de nos manuels, ce chapitre peu connu de la vie privée.


Carpe cibos digitis ; est quiddam gestus edendi :
Ora nec immundâ tota perunge manu,


disait Ovide aux élégantes de son temps : « Cueillez les mets avec vos doigts ; il y a une certaine façon pour manger, et n’allez pas vous souiller tout le visage d’une main malpropre. » Le moyen âge dit les choses plus crûment :


Ne touche ton nez à main nue
Dont ta viande est tenue[15].

Mais comment s’y prenait-on pour manger avec les doigts ? Les Civilités vont nous l’apprendre.

Une fois les mains lavées, cérémonie qui se pratique au moyen d’un bassin plein d’eau parfumée que l’on passe de main en main avec force politesses, un enfant dit la bénédiction et l’on se met à table. Devant chaque convive est le tranchoir, plaque de métal, de bois, ou de pain bis très épais, ronde ou carrée, sorte de coussin sur lequel on coupera la viande. « Le verre à boire se place à droite, ainsi que le couteau à couper la viande, bien essuyé ; le pain à gauche. La serviette sur l’épaule ou sur le bras gauches (Érasme). » On voit qu’il n’est question ni de fourchette, ni même de cuiller.

Les viandes se passent généralement toutes découpées ; chacun « prend avec trois doigts ce qui lui est offert, ou tend son tranchoir pour le recevoir (Érasme) ; » et Calviac ajoute : « On coupe la viande en menus morceaux sur le tranchoir, il ne faut point porter la viande à la bouche tantost d’une main, tantost de l’autre ; mais que tousjours on le face avec la main droite, en prenant honestement le pain ou la chair avec trois doigts seulement. » Si la viande est grasse et pleine de jus, « il est grossier d’y plonger les doigts ; mais on prend le morceau que l’on veut avec son couteau, » pour le porter sur le tranchoir. Les gâteaux et les pâtés se prennent avec la cuiller posée dans le plat : « On renverse le morceau sur son tranchoir, et on rend la cuiller (Érasme). »

Si l’aliment est liquide, une sauce par exemple, — car les sauces se servaient séparément, dans des plats creux ou des écuelles, « on y trempe sa chair après les autres, si les autres y trempent leur pain, on pourra aussi tremper le sien honnestement, et sans le tourner de l’autre costé après qu’on l’aura trempé de l’un, ny le gadrouiller dedans le plat (Calviac). » S’il y a une cuiller dans l’écuelle, « on peut la prendre pour y goûter, mais on la rend après l’avoir essuyée à la serviette (Érasme). » Les potages sont également servis dans des écuelles. Un jeune Suisse, Flatter, étudiant la médecine à Montpellier, raconte ainsi[16] Le dîner chez son maître, le célèbre Catelan, où il était logé : « Les jours gras, à midi, on mange une soupe garnie de naveaux ou de choux ; elle est au mouton, rarement au bœuf ; ce bouillon est peu abondant. On mange cette soupe avec les doigts, chacun dans son écuelle. » Ailleurs, il dit encore : « Comme nous mangions la soupe à la mode du pays, c’est-à-dire en la prenant avec les doigts pour boire ensuite le bouillon, un des nôtres chercha noise bien gratuitement à l’hôtesse pour avoir une cuiller, car il n’en existait point dans la maison, et nous n’avions sur la table qu’un seul grand couteau attaché à une chaîne de fer, dont chacun se servait à tour de rôle. On ne connaît pas, comme chez nous (en Suisse), l’usage si commode pourtant des cuillers. »

Ces habitudes font comprendre pourquoi les Civilités exigent qu’on se lave les mains en commun, avant le repas : « Il faut laver à la vue de la compagnie, quoyque tu n’en eusses pas de besoing, afin que ceux en soient acertenés, qui mettent la main au mesme plat, où tu la mets (le Galatée)[17]. »

Les Civilités s’occupent même de la manière de mâcher : « Les Allemans, dit Calviac, mâchent la bouche close et trouvent laid de faire autrement. Les Français, au contraire, ouvrent à demi la bouche et trouvent laide la procédure des Allemans. Les Italiens y procèdent fort mollement, et les Français plus rondement, et en sorte qu’ils trouvent la procédure des Italiens trop délicate et précieuse. Et ainsi chacune nation a quelque chose de propre et différent des autres. Parquoy l’enfant y pourra procéder selon les lieux et coustumes d’iceux où il sera. »

On essuyait les doigts à la serviette et, dans les petits ménages, à la nappe ; en hiver, quand on recevait quelque personnage d’importance, on avait même soin de lui donner une serviette qu’on faisait « un peu chauffer[18]. » Dans les bonnes maisons, on changeait de serviettes à chaque service, usage qui commençait à tomber en désuétude du temps de Montaigne : « Je plains, dit-il, qu’on n’aye suivi un train que j’ai vu commencer à l’exemple des rois : qu’on nous changeast de serviette selon les services, comme d’assiette. »

En somme, on mange tout avec les doigts : les alimens solides, sur le tranchoir ; les alimens Liquides ou mixtes, dans l’écuelle, soit que chacun ait la sienne, soit qu’elle serve à plusieurs convives ; dans ce dernier cas, on procède comme à la gamelle. On se sert beaucoup de son couteau, exceptionnellement de la cuiller ; pour la fourchette, il n’en est pas encore question.

Saint Bonaventure raconte l’histoire d’une princesse grecque du XIe siècle, épouse du doge Domenico Silvio de Venise, qui ne touchait jamais ses alimens avec les doigts, mais les portait à la bouche au moyen de « certaines petites fourches en or et à deux dents ; » et « voyez le châtiment de Dieu : subitement son corps fut atteint d’une maladie hideuse qui le changea tout en pourriture. » Une fantaisie de jolie femme, qui pouvait avoir de telles conséquences, ne devait pas faire école. Les rares fourchettes, signalées dans quelques inventaires du moyen âge, sont faites pour manger les mûres par exemple, ou les grillades brûlantes au fromage, tout ce qui peut endommager les doigts. Quant aux fourchettes d’argent, dont parle un chroniqueur, et qu’on voyait à Plaisance au XIVe siècle, nous ignorons si elles servaient à l’écuyer tranchant ou aux convives, ce qui est tout autre chose.

Quoi qu’il en soit, c’est le pays vénitien qui devait le premier introduire la fourchette en Europe. Le voyageur Jacques Lesaige, de passage à Venise en 1518, assiste à un repas chez le doge et signale comme une nouveauté « qui lui semble chose honneste, que cheux seigneurs, quand ils volloient mangier, prenoient la viande à toute (avec) une fourquette d’argent[19]. » Quelques années plus tard, Sabba da Castiglione[20] par le d’un mangeur intrépide : « N’allez pas croire qu’il se serve de la pointe du couteau, ou de la fourchette à la vénitienne, il ne travaille qu’avec les doigts. »

En 1574, Henri III, revenant de Pologne et passant par Venise, qui lui fit une réception magnifique, ne manqua pas de remarquer la façon nouvelle pratiquée par ses hôtes et s’empressa de l’introduire à la cour de France. Le texte suivant détermine la première apparition de la fourchette en France : c’est le récit fait par un contemporain[21] d’un dîner à la cour d’Henri III : « Ils ne touchoient jamais la viande avec les mains, mais avec des fourchettes ils la portoient jusques dans leur bouche, en allongeant le col et le corps sur leur assiette… Il y avoit aussi quelques plats de salade ; ils la prenoient avec des fourchettes, car il est deffendu en ce pays-là de toucher la viande avec les mains, quelque difficile à prendre qu’elle soit ; et ayment mieux que ce petit instrument fourchu touche à leur bouche, que leurs doigts. Après ce service, on apporta quelques artichauts, asperges, pois et fèves escossées, et lors ce fut un plaisir de les voir manger cecy avec leurs fourchettes ; car ceux qui n’étoient pas du tout si adroits que les autres, en laissoient bien autant tomber dans le plat, sur leurs assiettes, et par le chemin, qu’ils en mettoient en leurs bouches. » Preuve que la fourchette est une nouveauté, puisque, même parmi les familiers du roi, plus d’un n’a pas encore eu le temps de s’habituera manœuvrer « le petit instrument fourchu. » — « Et après qu’on eust tout osté, on apporta un grand bassin d’argent doré, avec un vase de mesme étoffe, et dedans de l’eau où on avoit trempé de l’iris, avec laquelle ils lavèrent leurs mains ; toutefois, elles ne dévoient pas trop sentir la viande, ny la grosse, car ils ne l’avoient pas touchée, ains (mais) seulement la fourchette. »

La mode nouvelle était entrée à la cour, mais il s’en fallait qu’elle fût acceptée partout, même chez les plus grands seigneurs. Les « dames galantes » se servaient encore tantôt de leurs doigts, tantôt de la fourchette : « Lorsqu’elles mangent des pastez et autres friandises chaudes, et y pèchent, elles mettent, dit Brantôme, la main dedans ou avec les fourchettes. » Et Montaigne confesse qu’il « s’ayde peu de cuiller et de fourchette, et mord souvent sa langue, parfois ses doigts, de hastiveté. » Il faut attendre le XVIIe siècle pour que les Civilités recommandent l’emploi de la fourchette, et même de la cuiller, comme nous l’entendons aujourd’hui.

Nous venons de voir quelle était la façon de manger ; quant à la façon de boire, voici ce que les Civilités nous apprennent. Quand le verre se met sur la table avec le couvert, on le place à droite ; mais, dit Calviac, « le plus souvent, en France, on ne tient pas le verre à table. » Si l’on a soif on demande à boire, et le valet apporte un verre qu’il remplit suivant le désir du convive et remporte après que l’on a bu. Boire est l’occasion d’une foule de politesses ; on échange des santés pendant le repas, et cet échange se fait avec beaucoup de courtoisie. Tantôt on vide son verre en saluant, tantôt on se borne à « saluer avec grâce, approchant le verre des lèvres et y goûtant légèrement pour faire semblant de boire ; cela satisfera un convive de bonne compagnie. » (Érasme.)

Du temps d’Érasme, on admettait « qu’un convive offrît à un autre son propre verre pour y boire ; » parfois aussi « tout le monde buvait dans le même verre ; » et les traités de civilité recommandent, dans ces deux cas, de « s’essuyer soigneusement la bouche avant de boire. » Mais ces habitudes, qui se ressentent encore du sans-façon primitif du moyen âge, disparaissent complètement dans la seconde moitié du XVIe siècle. Montaigne, voyageant en Italie, raconte que, dans les repas officiels, « on luy presentoit un bassin d’argent sur lequel il y avoit un verre avec du vin et une petite bouteille, de la mesure de celles où on met de l’encre, pleine d’eau. Il prend le verre de la main droite, et de la gauche cette bouteille, et verse autant qu’il lui plaît d’eau dans son verre, et puis remet cette bouteille dans son bassin. Quand il boit, celui qui sert lui présente ledit bassin au-dessous du menton, et lui remet après son verre dans le bassin. »

Le repas terminé, « les mets étant desservis, l’on recueille les restes pour la netteté dans un grand plat ou quelque jolye corbeille. L’on lève la nappe avec les reliefs de pain, si jà ils n’ont esté ostés. Cependant l’on porte les cure-dents dans un beau plat. Finalement, sur un linge de belle et fine toile estendue sur la table, se met le plat-bassin et se donne l’eau à laver, premièrement aux plus mettables de tous ; s’il n’y en a qu’un de singulière prééminence, avec une serviette particulière, et puis aux autres avec la leur, approchant d’eux le bassin en telle façon qu’ils y arrivent deux ou trois par ensemble. » (Bienséance de 1618.)

Ainsi on « lave les mains » avant et après le repas, coutume générale qui explique la quantité d’aiguières et de bassins qui sont parvenus jusqu’à nous, les uns en matières précieuses, en cristal de roche, en or, en argent ou en émail, les autres en cuivre, en étain ou en faïence. Les plats de François Briot, les grands plats creux hispano-moresques ou italiens, avec ou sans ombilics, sont des bassins à laver les mains, de même que les plats dits « à reptiles » imaginés par Bernard Palissy ; quand on les remplissait d’eau, les poissons, les coquillages, les plantes et les animaux aquatiques, que l’artiste avait eu l’ingénieuse idée d’y représenter d’après nature, semblaient s’animer et vivre dans leur élément. Chez le paysan même, laver les mains avant de manger était obligatoire ; seulement, au lieu de bassins, « tous alloient laver leurs mains au puits, à la pierre duquel aiguisoient leurs couteaux. » (Noël du Fail, Du temps présent et passé.)

À l’aiguière et au bassin mobiles, le XVIIe siècle substitue la fontaine fixée au mur, dont il nous reste de fort beaux modèles en cuivre et en faïence. Sous la restauration, la fontaine disparaît à son tour, remplacée par l’odieux rince-bouche, — une des innovations les plus fâcheuses du XIXe siècle, — que la renaissance proscrit hautement comme indigne d’un homme bien élevé : Certè palam os colluere, elegantiœ alienum videtur. (Bienséance, 1618.)


V,

Les Italiens n’ont rien qui ressemble aux petits traités d’Érasme et de Calviac ; ils s’en tiennent au vieux formulaire, rédigé par Jean Sulpice de Veroli à la fin du XVe siècle et contenant quelques préceptes rudimentaires sur les Contenances de table. Quant à leurs moralistes, ce sont des lettrés, qui n’écrivent que pour les hommes faits et traitent la question de haut, sans s’abaisser jusqu’aux vulgaires prescriptions de la civilité. Le Castiglione dépeint le Parfait courtisan, l’homme de cour accompli, comme Platon sa République ; Xénophon son Roi et Cicéron son Orateur. Çà et là quelques traits de critique dans le genre de celui-ci qui dénote chez certains courtisans, voulant faire les « bons compagnons, » des coutumes au moins singulières : « Ils se poussent du haut en bas des degrez ; ils se frappent et donnent l’un à l’autre des coups de bâton sur les reins. Ils se jettent des pougnées de poussière dedans les yeux ; ils font rouler leurs chevaux sur eux, ès fossés, ou au pendant de quelque montagne. Après, quand ils sont à table, ils se jettent au visage les potages, les sausses et gelées, renversent tout et puis se prennent à rire, de manière que celui qui sçait faire le plus de telles choses semble le meilleur courtisan et le plus gaillard. » (Traduction de Gabriel Chappuys, 1580.)

La Civile Conservation, d’Estienne Guazzo, est encore un traité littéraire de 800 pages sur les bonnes et les mauvaises compagnies, où l’auteur par le à peine de la civilité et se borne à renvoyer le lecteur, désireux d’en connaître les principes, au livre intitulé le Galatée.

La première édition du Galatée parut à Milan en 1559. L’auteur, Jean della Casa, distingue, parmi les manières d’agir dans le monde, celles qui peuvent choquer les sens ; ensuite, celles qui s’opposent à la volonté ; enfin, celles qui manquent de proportion et ne s’accommodent pas avec la personne, le temps ou le lieu. Tout cela paraît bien subtil et d’une ordonnance assez confuse. En passant, le moraliste signale les fautes principales contre la tenue ; en somme, sa dissertation, fort élégante, pourrait mieux s’appeler : l’Art de plaire dans la conversation, titre sous lequel elle a été traduite en français au XVIIIe siècle.

Sabba da Gastiglione a moins de prétention et plus de bonhomie. Les Ricordi[22], recueil de leçons sur la conduite d’un gentilhomme dans le monde, parurent en 1546. Sabba ne se pique pas de littérature ; son style est diffus, plein de redites, ses phrases interminables et sa langue le pur lombard. Mais il parle naïvement et tempère la sévérité de ses conseils par une foule d’anecdotes qu’il raconte avec une saveur particulière. En voici une[23] qui touche de trop près à notre sujet pour ne pas lui donner une place : — « Il y a quelques années, quand la malheureuse Italie renfermait des cours plus nombreuses, plus magnifiques et plus honorées qu’elles ne le sont aujourd’hui, au pays de Lombardie, il y avait deux serviteurs plus affectionnés que discrets de deux gentilshommes qui passaient pour les courtisans les plus renommés de toute l’Italie. Comme on demandait à ces serviteurs quelles étaient les habitudes de leurs maîtres, le premier, un peu naïf ( assai dolce di sale), s’imaginant faire l’éloge de son seigneur, répondit : « Qu’il ne sortait jamais de chez lui sans rester une heure devant son miroir à se peigner les cheveux, qu’il se rasait au moins deux fois la semaine, qu’il avait des habits précieux, de drap, de satin, et de panne, de couleurs et de formes variées ; que, l’été comme l’hiver et le reste du temps, il se servait de savonnettes, d’huiles parfumées et d’eaux bien fleurantes, jurant que sa garde-robe contenait plus d’odeurs que les deux boutiques des plus célèbres parfumeurs de Naples… Personne, en Espagne, ni en Italie, ne savait mieux que lui porter le brodequin, lequel était alors très à la mode parmi les courtisans… Lorsqu’il se rendait à la cour, parfumé, peigné et brossé, sur sa mule, la houssine blanche à la main, et les patenôtres de pâte odoriférante au cou, tout le monde l’admirait et le regardait comme le plus brave, gentil et gracieux courtisan de toute l’Italie. Quant à sa propreté, je n’en dirai qu’un mot : pendant les douze ans que je suis resté avec lui, je ne l’ai pas vu une seule fois manger la salade sans gants, pour ne pas se souiller les doigts. »

L’autre, qui n’était pas plus fin, répondit à son tour : — « Mon maître n’est pas de cette façon ; c’est un franc compagnon, magnifique, splendide, gracieux, jovial et familier. Il n’aime ni les miroirs, ni les brosses. Chez lui, pas d’autre peigne que le râtelier qu’il a dans la bouche[24], avec lequel, quand il est à table, il frippe comme un paladin. Mais n’allez pas croire qu’il se serve de la pointe du couteau ou de la fourchette à la vénitienne ; il ne travaille qu’avec ses doigts et les manœuvre plus prestement que le meilleur joueur de luth de toute l’Italie, fût-il Giovan Maria Guido. S’il mange bien, par la grâce de Dieu, il boit encore mieux ; et s’il mange comme un paladin, il boit comme un géant. Il veut du vin juif et non du vin chrétien (baptisé), assurant que l’eau est faite pour les poissons et pour les bêtes, mais non pour les hommes de bien comme lui. Il boit si dévotement que les larmes lui en viennent aux yeux d’attendrissement, et le verre, quand il le détache de ses lèvres, est plus sec que s’il était resté au soleil du midi, sous le signe du Cancer ou du Lion. En tout temps, la nuit comme le jour, il dort également bien. Dieu le bénisse ! mais jamais moins de seize heures… Des habits, il n’en a cure ; des odeurs, il n’en parle pas ; pour l’eau, il ne connaît que celle du puits ; pour l’huile, que celle de sa lampe… S’il rentre chez lui, avant d’aller chez ma- dame et les enfans, il passe à la cuisine et nous jouons ensemble à la mourre des saucisses et du cervelas frais ; ou bien, nous chan- tons quelque gentil refrain de cabaret ; ou bien encore nous jouons aux cartes… Bref, c’est un bon compère, franc, sans cérémonie et sans gêne, qui, à table et par gentillesse… » Mais je m’arrête : il serait impossible d’aller plus loin sans parler latin.


VI.

Comme les Italiens, les Espagnols n’ont pas à proprement parler de Civilités ; mais, au lieu de philosopher sur la matière, ils affectionnent la forme du dialogue qui convient mieux à la tournure de leur esprit. Les Colloques de Louis Vivès, Colloquia, sive linguæ latinæ exercitatio (Nuremberg, 1532), sont le modèle du genre. Vivès (1492-1540), qui passa une grande partie de sa vie à Bruges où il mourut, était intimement lié avec Érasme. Comme lui, il composa de nombreux livres de pédagogie et, comme lui, il eut la pensée d’enseigner aux enfans le savoir-vivre ; seulement il trouve moyen de le faire en insérant dans ses Colloques, composés pour exercer les enfans à la langue latine, la plupart des principes élémentaires de la bonne tenue.

Malgré la grande renommée de leur auteur, et bien que ces dialogues aient eu de nombreuses éditions, — la dernière traduction espagnole est de 1788, — ils sont fort peu connus. Ils fourmillent cependant d’indications précieuses sur la vie privée, qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Vives entre dans les moindres détails, et sa précision minutieuse n’enlève rien à l’agrément de ses dialogues. Je regrette de ne pouvoir reproduire ici ces causeries familières, tableaux pris sur le vif et dont le sujet se passe tantôt à Valence, patrie de Vives, tantôt à Paris, où il étudia dans sa jeunesse, tantôt à Bruges ou à Louvain.

Chez les Allemands, Pierre Schade (Mosellanus), Hegendorf, Cammermeister, Ulrich de Hutten, Pontanus et les autres ont enseigné le beau latin et les belles manières ; quelques-uns de leurs ouvrages sont même imprimés à Paris et à Lyon, mais aucun ne vaut le Grobianus, aucun n’a eu sa popularité.

Grobianus et Grobiana est un poème latin en trois livres, vingt-sept chapitres et cinq mille vers. On se découragerait à moins ; mais avec de la patience, en procédant par gorgées, on arrive au bout et, tout compte fait, on ne regrette pas sa peine.

La première édition est de Francfort (1549) ; il y en a eu plusieurs, on connaît même une traduction anglaise du dernier siècle ; c’est donc un livre à succès. L’auteur, Frédéric Dedekind, inspecteur des églises réformées du diocèse de Lubeck, était un original qui ne manquait ni d’humour, ni de finesse. J’imagine qu’il fut frappé de l’uniformité des manuels de civilité qui couraient l’Allemagne, ce qui lui donna l’idée d’en composer un de sa façon. Son Grobianus prend exactement le contre-pied des autres ; il enseigne le savoir-vivre à rebours. C’est le manuel du mauvais ton, le code raisonné de l’homme mal élevé, du rustre (en allemand grobian). Le paradoxe, mené jusqu’au bout avec un sérieux et une conviction imperturbables, appuyé d’argumens débités le plus gravement du monde, arrive précisément au résultat cherché par l’auteur. Son apologie à outrance de la grossièreté est la meilleure critique que l’on en puisse faire.

Par exemple, il dira au jeune homme : « Ne perds pas ton temps à te peigner ; une certaine négligence sied à la jeunesse et pas une femme ne te reconnaîtra pour son maître, si elle s’aperçoit que tu soignes ta chevelure comme elle. Laisse tes cheveux tels qu’ils sont, tout entremêlés de plumes ; c’est leur plus bel ornement et la preuve la plus certaine que tu ne couches pas sur la paille. — Se laver les mains et la figure est une vraie honte, et l’hygiène s’y oppose ; on a vu des gens en mourir. Que les autres se lavent, si bon leur semble, tu n’en prendras pas d’humeur. »

À la jeune fille il recommande « de boire de grands coups de vin ; — De se décolleter hardiment, car on aime les belles choses que l’on voit, et personne ne se soucie de celles qu’il ignore et qui restent cachées ; — De chercher ses puces, s’il le faut, devant tout le monde ; entre les femmes et les puces, la guerre est à l’état permanent ; il faut poursuivre l’ennemi dans sa retraite, séance tenante, l’en extraire et l’écraser sans pitié. »

Dans la rue, Grobianus doit « marcher les yeux égarés, de l’air d’un jeune taureau échappé ; — bousculer les passans ; éternuer et tousser dans la figure des gens, pour les rafraîchir en été ; — ne saluer personne ; le chapeau doit être rivé sur la tête, comme une tiare. » Grobiana « regardera partout, de manière à voir ce qui se passe devant et derrière ; elle mangera des pommes en marchant, s’arrêtera devant les bateleurs, et découvrira la jambe aussi haut que possible. »

Quant à la toilette, il faut « taillader à fond le pourpoint, les souliers et les chausses ; c’est la mode et cela vous donne un air militaire et grand seigneur. La moustache sera longue et pendante, chose très utile à plusieurs points de vue : si quelque ordure est tombée dans le verre sans qu’on s’en aperçoive, les poils et la barbe l’arrêteront au passage et l’empêcheront de pénétrer plus avant ; en outre, la moustache servira de filtre pour clarifier le vin qui coulera plus pur dans le gosier. » La jeune fille portera « des chaussures crottées, c’est la marque d’une fille laborieuse. Elle plantera sa coiffure de fleurs sur le nez ; pour quel motif ? innocente que tu es, ces fleurs parfumeront délicieusement tes narines, au lieu de s’évaporer dans l’air… »

Mais l’heure est venue de se mettre à table ; grosse affaire pour nos bons aïeux, surtout pour les Allemands, mangeurs et buveurs déterminés. Dedekind est leur compatriote, il les connaît par le menu et n’avance aucun fait, — il a soin de le déclarer dans sa préface, — dont il n’ait été témoin. Son répertoire de préceptes ne laisse rien à désirer ; j’en traduis quelques-uns au hasard, sauf à résumer les commentaires qui sont interminables.

« Choisir toujours la meilleure place ; pourquoi la céder à un autre ? Ne sommes-nous pas tous sortis du même limon, ombre et poussière les uns comme les autres ? — Si l’on arrive en retard, il faut expulser un des convives de son poste ; s’il hésite, l’arracher de force en le prenant par le cou ; Caton lui-même ordonne de céder au plus fort ; — Lâcher la ceinture pour que le ventre se répande à l’aise, sans cependant débrider tout à la fois ; on s’y prendra graduellement pendant le repas. — Plonger les deux mains dans les écuelles ; nettoyer son assiette avec la nappe ; — retirer son soulier pour repasser son couteau ; à ceux qui s’étonnent, répondre que c’est votre habitude. — Si l’on tarde à servir, inventer des passe-temps ingénieux, par exemple, couvrir d’arabesques à la pointe du couteau les plats d’argent ciselés, piquer la nappe à coups redoublés, frapper bruyamment le réchaud avec son couteau ; ce procédé a deux avantages : d’abord les oreilles délicates sont charmées d’une musique imprévue ; ensuite le cuisinier et le maître de maison seront prévenus et se corrigeront à l’avenir. — Casser les noix avec le poing, d’un seul coup ; la table tremble, la vaisselle saute en l’air, les verres se brisent, les bouteilles se renversent, et chacun est émerveillé de tant de puissance… — Avoir soin de déposer toujours les écales dans l’assiette du voisin. »

Le dîner terminé, voici le moment de montrer son caractère aimable et facétieux. Grobianus « se mêle à tous les groupes, intervient à tort et à travers, par le haut, critique, tranche sur les questions, ne cède à personne ; grandia de minimis movet certamina rebus, un rien lui suffit pour chercher une grosse querelle, » une querelle d’Allemand, c’est de tradition. « Il dérange tout le monde, lance l’écume de son verre dans le nez du voisin, lui souffle son vin à la figure. Que l’on se fâche, qu’on le contredise seulement, il prend sa grosse voix, sa voix de Stentor, vomit des menaces épouvantables et met flamberge au vent. «Pour être vieille de trois siècles, la caricature ne manque pas d’actualité.

Au demeurant, notre homme « casse les verres et les pots, défonce les vitres, — c’est un moyen d’inscrire ses armes sur les vitraux, comme fait la noblesse ; — il danse sur les chaises, les brise et s’empare des morceaux pour mettre le poêle en pièces. Dans la rue, il accoste les femmes, insulte les passans, les provoque l’épée à la main, lance des pierres dans les fenêtres, empêche les gens de dormir, et rosse sa femme en rentrant. »

Ainsi va Grobianus, triomphant et sans gêne, de la première à la dernière page. Chemin faisant, il formule quelques maximes judicieuses : « Ne cède à aucun, méprise tout le monde et n’aie cure de personne. Fais ce que tu veux et dis ce qui te plaît ; si l’on te blâme, ta conscience t’approuve et ses éloges te suffisent. Ne te soucie pas de plaire aux autres ; personne ne peut plaire à tout le monde dès lors à quoi bon essayer ? » c’est un cours complet de morale indépendante.

Le chapitre De moribus puellarum n’est pas moins riche en conseils pratiques, mais difficiles à faire passer dans notre langue. J’en dirai autant des articles De ructu vomitu, crepitu, screatu et aliis elegantiis ; je les recommande à nos romanciers : ils y trouveront certains tableaux faisandés, d’une belle couleur, et des documens humains à combler de joie le naturaliste le plus difficile.

Dedekind méritait qu’on le tirât de l’oubli ; c’est un précurseur.


EDMOND BONNAFFE.

  1. L’exemplaire dont je me suis servi m’a été très obligeamment prêté par M. le baron Pichon.
  2. Comme sur le pommeau d’une épée.
  3. Voir certaines figures du Roi sage, de Burgkurair.
  4. De même Calviac recommande « d’avoir les lèvres estendues et comme prestes à baiser. »
  5. Platter, Voyage en France ; Montpellier, 1892.
  6. Claude Gauchet, Plaisirs des champs, 1583.
  7. Eutrapel, p. 2.
  8. A la vente de Claude Gouffier, faite en 1572, figure le mobilier complet de la chambre à coucher qui renferme, entre autres meubles, « une cuvette d’airain tenant deux seaulx ou environ, garnye de son pied de bois de noyer, » cuvette de dimensions respectables et qui suppose de larges ablutions.
  9. Érasme ajoute une troisième recommandation que je reproduis en latin : Idem lotio facere, Iberorum est. Coutume espagnole signalée par Catulle (XXXIX, 17,19) :
    Nunc Celtiber in celtiberia terra,
    Quod quisque minxit, hoc solet sibi manè
    Dentem, atque rufam pumicare gingivam;
    par Strabon (Geogr., III), par Diodore de Sicile (VI, 22), par Apulée dans son Apologie : Spurcissimo ritu Hiberorum.
  10. Le Meuble en France au XVIe siècle, p. 245.
  11. Le Meuble en France au XVIe siècle, la Chaire.
  12. G. Corrozes, Blasons domestiques, 1539.
  13. Dialogues fort plaisans, de César Oudin, 1611.
  14. Dans les Propos de Valentin (Paris, 1886), p. 24, et dans le Meuble en France au XVIe siècle (Paris, 1887), p. 178. Depuis, M. Alfred Franklin a traité la question avec beaucoup de sagacité dans l’un des volumes les plus curieux de la Vie privée d’autrefois (les Repas, p. 26 et suiv.).
  15. Contenances de table du XVe siècle.
  16. Flatter, Voyage en France ; Montpellier, 1892.
  17. La femme est, en effet, le potage de l’homme ;
    Et quand un homme voit d’autres hommes parfois
    Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts.
    Il en montre aussitôt une colère extrême.
    (Molière, l’École des Femmes.)
  18. Bienséance de 1618.
  19. Voyez Gay, Dictionnaire archéologique.
  20. Ricordi, Vinegia.
  21. Isle des Hermaphrodites, p. 105.
  22. Voir la Gazette des Beaux-Arts (juillet 1884).
  23. Ricordo, p. 82.
  24. Il y a là un jeu de mots intraduisible en français.