Exégèse des Lieux Communs/018

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Mercure de France (p. 46-47).

XVIII

On ne se refait pas.


C’est un mot de phénix découragé. Les joueurs le disent aussi quelquefois, mais sans conviction. Ici je confesse mon embarras.

Le Bourgeois pense-t-il vraiment qu’on ne se refait pas, qu’on refait seulement les autres, ou faut-il croire à une ironie ? L’ironie est peu probable. Elle ne convient pas à la gravité de ce bonze. Il doit penser réellement qu’on ne se refait pas, ce qui paraît dur. Mais comment l’entend-t-il ? voilà la question. Avec lui, il faut toujours s’attendre à quelque surprise, à quelque révélation imprévue qui jette par terre, qui assomme et dont on ne se relève que difficilement.

Écartons tout de suite l’hypothèse de la réfection négative des vieilles carcasses de notaires ou de tailleurs sur mesure. Le Bourgeois est trop éclairé pour méconnaître les progrès de la science dont il est le Mécène le plus désigné. Il sait que la science ne s’arrête pas, qu’elle ne s’arrêtera jamais et que, demain, peut-être, elle remettra sur le feu la marmite enfin retrouvée du vieil Eson. Assurément ce n’est pas cela qu’il aurait l’audace de nier.

Que reste-t-il alors, et de l’impossibilité de quel renouveau veut-il donc parler ? Ah ! que le Bourgeois est impénétrable ! J’ai employé une partie de mon existence, la plus belle sans doute, à chercher le sens de ce Lieu Commun. Je n’ai rien trouvé du tout et, ma foi ! j’aime mieux vous déclarer franchement que j’y renonce.