Exégèse des Lieux Communs/081

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Mercure de France (p. 151-152).

LXXXI

Se plaindre que la mariée est trop belle.


Essayez de faire comprendre à des bourgeois qu’il peut y avoir lieu de se plaindre, en effet, et que l’excessive beauté d’une mariée peut avoir des inconvénients ! Ah ! qu’ils sont loin de cette crainte et de ce gémissement ! Il leur faut des épouses d’une beauté parfaite. Je n’ai qu’à jeter les yeux autour de moi. C’est incroyable, c’est effarant, c’est éblouissant ! Je ne sais pas où ces cochons vont chercher leurs femmes.

Alors, naturellement, étant installés à ce point dans la beauté, ils ne voient plus que la beauté, ils ne pensent plus que la beauté. Une affaire quelconque devient pour eux une mariée qui doit être belle, qui ne peut jamais l’être trop et dont il leur paraît monstrueux que d’autres se plaignent, surtout lorsque ces autres sont sur le point d’être complètement roulés.

Il y aura, un jour, une Mariée dont l’approche fera claquer les portes du ciel et qui sera si belle qu’on ne pourra pas la distinguer de la foudre. C’est Celle dont il est écrit qu’« elle rira au dernier jour ». Elle sera présentée comme le Jugement de Dieu et nul n’aura le temps de se plaindre. Mais comment imaginer un bourgeois capable de la pressentir ?