Exégèse des Lieux Communs/181

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Mercure de France (p. 286-287).

CLXXXI

Qui paie ses dettes s’enrichit.


J’avoue ma complète inexpérience. J’ai assez souvent payé mes dettes, quelquefois aussi les dettes des autres, et je ne remarque pas que ma richesse en ait été considérablement augmentée. Cela tient peut-être à cette circonstance que je payais sans joie. J’ai eu un propriétaire qui voulait à toute force que je partageasse son allégresse. Étant quelque peu clerc et me voyant sans entrain, n’eut-il pas, un jour de terme, le toupet inconcevable de me servir le datorem hilarem de saint Paul aux Corinthiens, texte réservé, jusqu’à ce jour, par la Mère Église, à l’office de saint Laurent sur sa rôtissoire, et par lequel il serait désormais notifié à tous les locataires sans exception qu’ils ont le devoir de verser leur métal gaîment.

J’ai écrit plus d’une fois — avec quelle modération, les anges le savent — que l’argent des propriétaires est, un grand nombre de fois sur dix, la mort pour les malades et les tout petits enfants, et je vous prie de croire que je suis docteur en la matière.

Nous étions seuls, on ne m’avait pas vu venir et l’endroit était isolé. Je fendis la tête de ce joyeux homme et le débitai en plusieurs tranches qui furent expédiées par colis postaux à mes autres fournisseurs dont un prêtre. Ce souvenir est comme un rayon de lune dans ma vie. Certes, une fameuse dette fut payée, ce jour-là. Mais je n’en suis pas devenu plus riche…

Il y a derrière la maison du Bourgeois un balcon sur un abîme. Il faudrait peut-être regarder par là.