Examen critique de la soi-disant réfutation/10

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P. 54. Article de l’Infaillibilité Pontificale. — (Dangereux) !  !


Qu’on pense comme nous, ou qu’on ne pense point, ou qu’on porte toute la peine d’une pensée rebelle.
lamennais.


Toujours L. à D. : Vous ne faites grâce à la Papauté d’aucun de vos crachats. — M. D. s’élève, à ce qu’il paraît, contre l’infaillibilité doctrinale des Papes ; et là-dessus vous lui représentez, M. L. que ayant raison comme il croit l’avoir contre les Papes, et toujours raison, il en résulte qu’il (M. D.,) se fait seul infaillible.

Je ne sais moi, en aucune manière, ce qu’a pu s’attribuer sur ce point M. D., mais ce que chacun sait parfaitement, c’est que Vous, M. L. e. l. r. et l’école à laquelle vous appartenez, êtes bien assurément de cette phalange née infaillible, à l’abri de toute erreur, de droit ou de fait, à l’abri de tout tort, de toute censure quelconque ; qui n’en pouvez pas mériter !… Vous ne vous êtes pas aperçus MM. de cette perpétuité de défense, sous laquelle vous vous êtes invariablement abrités, chaque jour, depuis nombre d’années, sur chaque question, sur tout, à propos de tout, du grand au petit et du petit au grand, dans les discours comme dans les écrits, envers et contre tous : prêtres ou laïques, grands vicaires ou évêques, corporations ou individus, nul n’a pu être de votre part, l’objet d’un avancé ou d’une inculpation fausse ou mal appuyée. À vous plus qu’à l’Église appartient le droit de revendiquer l’axiome : (Domus nostra) locuta est, causa finita est. Enfin, l’on n’est pas plus sous l’obligation de ne jamais faire de péché mortel, que vous n’êtes, Vous, dans la possession et privilège de ne jamais errer. Il n’y a pas ici de question ni sur le Fait, ni sur l’Opportunité de sa déclaration. Elle est… elle est de droit, elle ne peut pas ne pas être ; criminel sera qui en doutera !

Il est vrai que vous ajoutez bravement à M. D. : La voilà bien nichée cette infaillibilité !… Ô bétise humaine !… (Ne tremblez pas M. L. e. l. r. !) Sachant fort bien dans l’occasion (nous le verrons quelques pages plus loin), la restreindre et la borner, cette infaillibilité, dans le seul domaine où Dieu l’a mise, vous vous en affublez, vous même, sans distinction et pour tout : De omni quâcumque re possibili, et quibusdam aliis. Vous le nierez : bien entendu afin que sur cela même, on ait encore tort de vous rien objecter, et que vous soyez vous, toujours invulnérables et irréprochables ; mais cherchez un aveu, un seul, dans vos six années de dispute avec tout l’univers !… On dit que St. Augustin a fait un ou deux livres de Rétractations : cherchez en une ligne dans les six volumes de votre journal quotidien, le premier-né, Infaillible, parmi les ouvrages mortels. Vous avez parlé de niche ; il lui faudrait bien en effet une niche particulière, à ce monument de l’esprit humain ! Il l’appelle par sa vanité, et peut être qu’il l’espère.

Avec cette incroyable prétention, c’est vous au monde qui avez le moins grâce, pour dire à votre adversaire : Il est très peu question de vous cependant dans la Sainte-Écriture, comme docteur universel, et vous finirez bien sûr, par faire un procès à Dieu, à cause de cette lacune… Si vous avez, M. Dessaulles des promesses divines qui vous autorisent à parler comme vous le faites, exhibez les. Le cas présent est tel, que vous ne devez pas en faire mystère. — Changez le nom D., en L, et tout ira aussi bien… : Mutaio nomine de te… Fabula narratur (Hor., Sat.)

Et vous ajoutez : À l’heure qu’il est on ne saurait reconnaître dans votre chétif individu, qu’un pauvre sire travaillé d’une maladie de cervelle… etc… Supposez toujours l’initiale changée : mutato nomine, et au lieu de à l’heure qu’il est, supposez à l’heure qu’il a toujours été, etc.

P. 55. Nier l’Église et son infaillibilité, c’est comme je vous l’ai démontré etc… Il faudrait retrancher de votre brochure, tous ces je vous l’ai démontré, ou autres équivalents, parce que quand on vous surprend à voir tant de choses dans votre écrit, on est toujours tenté de vous appliquer à vous-même, ce que vous adressez à votre adversaire : p. 41, ligne 26., en y changeant seulement le dernier mot : Vous avez-là une de ces berlues fréquentes chez ceux que travaille le mal de la… fatuité. Car en fait de berlues il doit, je suppose, y en avoir de deux sortes : celle qui empêche de voir ce qui existe, et celle qui fait voir ce qui n’existe pas.

Après tout cela, il faut encore (Ibid., lig. 17), revenir à votre plaisanterie si digne : C’est malheureux que Dieu n’ait pas compté avec vos mécomptes ; mais, Encore une fois, vous lui intenterez une action en dommage. — Oui, c’est si digne en effet, qu’il fallait le dire Encore une fois !…

Ibid. Quand vous vous mettez ensuite à faire la leçon à votre adversaire, sur les trois textes de l’Écriture que vous lui alléguez touchant l’infaillibilité, vous faites de plus en plus, de la naïveté. Sans doute que ces textes sont excellents ; mais vous savez bien pourtant que jusqu’au dernier Concile, quelques écrivains, sans avoir été pour cela hérétiques formels, y avaient vu difficulté. Or, si ignorant que vous vous plaisez à faire M. D., vous voyez bien qu’il ne l’ignore pas ; ce n’est donc pas avec les seules preuves d’Écriture que vous pouvez espérer de le convaincre. Il est vrai que vous faites suivre cela de deux pages de preuves de fait ou comme on dit de Tradition.

Où que ce soit que vous ayez pris cette liste, vous avez bien fait de l’insérer là, et c’est probablement ce qu’il a y de mieux dans tout votre pamphlet. Mais pourquoi cesser sitôt de parler raison, et en revenir immédiatement à des phrases comme celles-ci page 59, lig. 1 et suiv. ? Vous regimbez M. D., et quoique dépourvu des connaissances les plus vulgaires, incapable d’écrire et de parler correctement la langue dont vous vous servez… Et encore : tout balourd fieffé que vous êtes, etc… C’est, pour vouloir abîmer votre adversaire, vous déconsidérer totalement vous même.

Les trois citations que vous faites de son livre, dans cette même page, étaient assez fortes contre lui ; vous semblez vouloir en atténuer l’effet, par ces injures de bas étage, dont vous les faites précéder. Enfin, comme si ce n’était assez de l’avoir dit avant, vous répétez aussitôt après, page 60 : Qu’il ne sait ni l’histoire ecclésiastique, ni le français, ni la grammaire, ni la syntaxe, c’est-à-dire, en fin de compte, rien du tout. Ces grossièretés plus que méprisables, ne font de tort, on vous l’a dit, qu’à celui qui se les permet.

Il faut encore que le mot de bête enjolive la dernière ligne de ce paragraphe. Quand on ne sent pas ce qu’il y a d’ignoble et de repoussant dans les mots, on manque de la première qualité nécessaire à l’écrivain, et l’on n’a plus le droit de faire des reproches à qui que ce soit, en matière de langage.

Ibid. Je remarque que sur la définition de l’infaillibilité, vous savez fort bien dire ici une fois, que les quelques Pères du Concile du Vatican, qui y firent des difficultés ne s’étaient nullement prononcés contre ce dogme, mais qu’il avaient seulement combattu l’opportunité de sa définition.

C’est pour le besoin de votre cause que vous avouez cela ici, afin d’ôter à M. D., la faculté de s’appuyer, lui, contre le dogme, sur ces oppositions ; mais cela ne vous empêche pas d’ailleurs de décocher contre ces prélats dans l’occasion, tous vos traits les plus amers.