Explication du Sermon sur la Montagne/Chapitre XIV. On ne peut servir Dieu et le démon.

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Œuvres complètes de Saint Augustin
Texte établi par Raulx, L. Guérin & Cie (p. 302-303).
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CHAPITRE XIV. ON NE PEUT SERVIR DIEU ET LE DÉMON.[modifier]

47. Quant aux paroles qui suivent : « Personne ne peut servir deux maîtres » il faut encore les rapporter à l’intention. Le Sauveur lui-même les explique en disant : « Car ou il haïra a l’un et aimera l’autre, on il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » Il faut soigneusement méditer ce passage ; et le Seigneur lui-même indique quels sont ces deux maîtres, en disant : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon. » Les Hébreux donnent, dit-on, aux richesses le nom de Mammon. En langue punique, le mot a le même sens ; car Mammon signifie gain. Or servir Mammon, c’est être l’esclave de celui que sa perversité a mis à la tête des choses terrestres et que le Seigneur appelle prince de ce siècle[1]. Donc ou l’homme le haïra et aimera l’autre » c’est-à-dire Dieu ; « ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. » En effet quiconque est esclave des richesses, s’attache à un maître dur et funeste ; car enchaîné par la cupidité, il est soumis au démon ; et il ne l’aime pas, car et qui peut aimer le démon mais cependant il le supporte ; comme dans une grande maison, celui qui est uni à une servante étrangère, subit à cause de sa passion un rude esclavage, bien qu’il n’aime pas celui dont il aime la servante.
48. « Ou il méprisera l’autre » le Seigneur ne dit pas : il haïra ; car personne peut-être ne peut sérieusement haïr Dieu [2] ; mais il le méprise, c’est-à-dire ne le craint plus, comme s’il se rassurait sur sa bonté. L’Esprit-Saint cherche à nous tirer de cette négligence et de cette fatale sécurité, quand il nous dit : « Mon fils, n’ajoute pas péché sur péché et ne dis pas : La miséricorde de Dieu est grande[3] » et encore : « Ignorez-vous que la patience de Dieu vous invite à la pénitence[4] ? » Qui trouverez-vous d’aussi miséricordieux que Celui qui pardonne tous leurs péchés à ceux qui se convertissent et qui donne la fertilité de l’olivier au rejeton sauvage ? Et qui trouverez-vous d’aussi sévère que Celui qui n’a pas épargné les branches naturelles, mais les a brisées à cause de leur infidélité[5] ? Donc que celui qui veut aimer Dieu et éviter de l’offenser, ne s’imagine pas qu’il peut servir deux maîtres ; mais qu’il purifie son intention et garantisse son cœur de toute duplicité ; alors il aimera Dieu dans sa bonté et le cherchera dans la simplicité de son cœur[6].

  1. Jn. 12, 31 ; 16, 30
  2. Rét.l. 1, ch. 19 n. 3
  3. Sir. 5, 5, 6
  4. Rom. 2, 4
  5. Rom. 11,17-22
  6. Sag. 1, 1