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Extrême-Orient, 1931 — 1938/1934-10

La bibliothèque libre.
L. Fournier et Cie (p. 111-113).

EN MONGOLIE INTÉRIEURE

20 Novembre 1934.

Il s’écrit beaucoup de choses sur la Mongolie intérieure. Il n’est pas, en ce moment, de journal ou de revue d’Extrême-Orient qui ne contienne un article ou des informations sur cette partie de la Mongolie qui s’étend le long de la Chine du Nord, au-dessous de la Mongolie extérieure, devenue une sorte de fief de l’Union soviétique.

D’après les dernières nouvelles le gouvernement autonome de la Mongolie intérieure est en train de s’organiser dans l’ancien monastère bouddhiste de Pailingmiao.

La personnalité qui s’impose dans ce gouvernement est le prince Teh Wang, âgé de trente-trois ans seulement ; il était, au cours de ces temps derniers, à la tête des ligues mongoles qui réclamaient au gouvernement chinois leur autonomie et qui réussirent à obtenir de lui, le 23 avril de cette année, la plupart des privilèges qu’elles demandaient.

La Mongolie intérieure était constituée précédemment par six « ligues » ou groupes de tribus. Du fait de l’occupation du Jéhol par les Japonais, trois de ces ligues tombèrent sous la domination de ces derniers. Il est probable que cet événement ne fut pas sans influence sur le mouvement mongol ; toutefois, bien avant l’affaire japonaise en Mandchourie, les Mongols avaient revendiqué leur autonomie. Ils envoyèrent à cet effet une délégation à Nankin en 1928. Cette délégation fut simplement éconduite. Une seconde n’eut pas plus de succès en 1931. Durant l’été de 1933, le prince mongol Teh déclencha un nouveau mouvement, justifiant sa demande d’autonomie par l’incurie et la corruption de l’administration chinoise.

À cause du voisinage du Mandchoukouo, il eût été imprudent, cette fois, d’éluder la question. En décembre dernier, le gouvernement chinois se décida donc à envoyer le ministre de l’intérieur conférer à Pailingmiao avec le prince Teh et les autres princes qu’il avait groupés autour de lui, afin d’arrêter un projet d’accord. « La ville, disaient alors les dépêches qui parvenaient à Pékin, regorge de princes mongols et de gens de leur entourage vêtus de robes de couleur ; plusieurs princes qui participent à la conférence portent des robes brodées de dragons, comme au temps de la dynastie des Ching. Par contre, d’autres portent des vêtements étrangers dernier cri, comme en portent les étudiants retour du Japon ou des pays occidentaux. »

Discuté et remanié à Nankin, le projet, après de longues conférences, finit par être adopté en mars 1934. Il fut décidé qu’un « Comité des affaires politiques d’autonomie locale mongole » serait créé à Pailingmiao et placé sous le contrôle du Yuan exécutif de Nankin. Ce comité est composé de vingt-huit princes mongols nommés par Nankin ; quinze représentent les familles nobles, treize représentent le peuple. Il est chargé des affaires intérieures qui intéressent les ligues : affaires civiles, industrie, enseignement, sûreté, finances ; les affaires diplomatiques et militaires restant entre les mains du gouvernement chinois. À côté du comité se tient un fonctionnaire chinois « commissaire de l’autonomie de la Mongolie intérieure » qui a un droit de veto sur toutes ses décisions.

C’est là, comme on le voit, une autonomie relative, ce qui témoigne d’abord d’un regain d’activité politique de la part des Chinois dans une région où l’on n’est sans doute pas près de revoir l’autorité absolue de la Chine, autorité autrefois incontestée, mais où les liens de l’ancienne vassale avec son suzerain ne sont pas non plus complètement rompus.

Ensuite, le caractère mitigé de cette autonomie explique que les Mongols en réclament encore l’extension : le prince Teh ne cesse de s’élever contre la nomination par Nankin des vingt-huit représentants de la Mongolie intérieure.

En outre, il y a lieu de croire que les Mongols sont encouragés du dehors à demander une reconnaissance formelle d’une Mongolie intérieure indépendante par le gouvernement de Nankin. Il est certain qu’une Mongolie intérieure, à l’indépendance de laquelle Tokio aurait plus ou moins contribué, enlèverait un considérable souci de l’esprit japonais. On sait que des milieux nippons ne cachent pas leur désir d’arriver à une réunion de la Mongolie intérieure et du Mandchoukouo. N’est-il pas naturel, encore une fois, que des encouragements, qui faciliteraient l’opération, viennent de ces milieux aux Mongols pour que ceux-ci réclament une autonomie complète ?

Bref, la Mongolie intérieure est « travaillée » par bien des influences diverses. Est-il besoin de dire que les Soviets non plus n’y sont pas inactifs ? Cependant ce n’est pas là que leur activité s’exerce le plus, mais plus à l’ouest, au Sin-Kiang ou Turkestan chinois.

Sans doute la Chine montre en Mongolie, comme dans ses autres possessions extérieures, un renouveau d’activité politique indéniable ; mais cette activité vient bien tard, et l’on se demande ce qu’elle pourra sauver de son ancienne domination.

Quoi qu’il en soit, les rapports de la Mongolie intérieure avec le gouvernement chinois sont actuellement conformes aux décisions prises de part et d’autre et au statut officiellement établi, le 23 avril dernier, à Pailingmiao.

On peut évidemment se demander ce que deviendra cette autonomie. Il est permis d’être sceptique sur la pérennité d’un statut que la poussée de certains intérêts a plus contribué à créer que les idées et les principes.