Fête-Dieu à Santa-Fé de Bogota

La bibliothèque libre.

LA FÊTE-DIEU À SANTA-FÉ DE BOGOTA.

. . . . . On annonce la veille cette grande solennité par des feux d’artifice ; on construit quatre autels richement ornés à chaque coin de la grande place, où la procession doit passer, pendant que, par un singulier mélange du sacré et du profane, on dispose de tous côtés des mâts de cocagne, des marionnettes et une infinité de cages remplies d’animaux rares et curieux. Les réjouissances et les jeux cessent quand la cloche, signal de la procession, se fait entendre. Tout le monde se découvre et s’agenouille dans les rues.

En tête de la procession, des hommes traînent des cabriolets ; dans l’un est le roi David, la tête de Goliath à la main ; dans l’autre, Esther ; dans un troisième, Mardoché. Joseph paraît ensuite sur un cheval richement caparaçonné : un nombre infini de gardes le suivent ; ceux-ci n’ont que des chevaux de carton. Tous ces personnages sont les enfans des plus nobles familles de la ville. On brigue fort l’honneur d’obtenir un rôle dans cette auguste cérémonie, et ceux qui ont le bonheur de faire désigner leurs enfans pour y représenter ne négligent aucune espèce de dépense, rivalisent de luxe, emploient les perles, les diamans, les émeraudes, les rubis, et ne savent qu’imaginer pour rendre le costume des acteurs plus éclatant.

Le clergé s’avance lentement au milieu de la foule de fidèles qui remplissent la place. Les plus jolies filles de la ville marchent entre deux rangs de prêtres ; les unes portent l’arche, les autres les pains de proposition ; celles-ci l’encens, celles-là des corbeilles de fleurs ; ensuite viennent de jeunes Indiens qui, au son d’une flûte et d’un tambour, exécutent des danses fort bizarres : le cortége est fermé par un détachement de troupes portant les armes et le drapeau renversés.

Cette fête est certainement la plus belle qu’on puisse voir en Amérique.

B…