Fêtes du Sultan à Constantinople

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CONSTANTINOPLE.Fête donnée par le sultan au corps diplomatique. — Le 26 septembre a eu lieu la fête que le sultan, sous le nom de son premier secrétaire Mustafa-bey, et sous prétexte d’une revue, a offerte au corps diplomatique. Une pluie légère, tombée pendant la nuit, et un temps un peu couvert, ont permis de jouir de tous les agrémens de cette journée.

De superbes voitures, attelées de quatre chevaux, et des chevaux de main richement harnachés, avaient été préparés à l’échelle de Haïdar-pacha pour les dames et les ministres étrangers. Mustafa-bey reçut, sous une belle tente, les membres du corps diplomatique. Après avoir pris le café, le séraskier invita la société à passer dans un salon de verdure, pratiqué avec beaucoup d’art et d’élégance sous un énorme platane, et entouré de lauriers et de roses entremêlés. La circonférence de ce salon était occupée par des sofas, et le milieu par de petites tables sur lesquelles on servit des rafraîchissemens de toute sorte.

Plus de quarante mille femmes turques, venues pour voir la parade, parcouraient la plaine et les collines environnantes, et formaient, par la variété des couleurs de leurs costumes, le coup-d’œil le plus pittoresque et le plus ravissant.

Bientôt on annonça que la revue allait commencer, et tout le monde se dirigea dans la plaine, derrière l’endroit appelé Tever-Baghtzisi, où des tentes avaient été dressées pour les dames et le corps diplomatique. Le séraskier eut l’attention d’engager les ministres étrangers à ne pas se donner la peine de suivre la revue à cheval : aussi l’ambassadeur d’Angleterre et le ministre de Prusse furent les seuls qui, pour voir les manœuvres de plus près, furent à cheval se placer sur une hauteur, mais sans s’approcher du grand-seigneur.

De retour au salon de verdure, de nombreux rafraîchissemens furent encore offerts, et des danseurs de corde amusèrent l’assemblée en attendant l’heure du dîner. Tout avait été prévu, et la galanterie turque avait été jusqu’à faire disposer une tente particulière pour que les dames y pussent arranger leur toilette.

À quatre heures, le séraskier-pacha fit le tour de la plaine pour faire retirer le peuple, et, après avoir fait défiler les troupes, il donna l’ordre à deux régimens d’infanterie de cerner l’enceinte où se trouvaient le kiosque de Sa Hautesse et une riche tente contenant une table de soixante-quatorze couverts.

On se mit à table vers cinq heures. Mustafa-bey porta la santé des souverains amis et alliés dont les représentans l’honoraient de leur présence. Cette santé fut suivie de vingt-un coups de canon, tirés par une batterie placée tout près de là. L’ambassadeur de France, au nom du corps diplomatique, répondit à cette santé en portant celle du sultan. Une nouvelle salve de vingt-un coups de canon suivit ce toast.

Vers la fin du dîner, le sultan se présenta à l’entrée de la tente. L’ambassadeur de France, l’ayant aperçu le premier, se leva ainsi que tous les assistans, et cria vive l’empereur Mahmoud ! Ce cri, répété à plusieurs reprises par tous les convives, et de nombreux hourra témoignèrent à Sa Hautesse la satisfaction que faisait éprouver sa présence, et combien on était sensible à cette marque flatteuse d’une bienveillante distinction. Lorsque le silence fut rétabli, le sultan demanda à l’ambassadeur de France si lui et tous ses collègues étaient satisfaits de la revue et de la fête en général. L’ambassadeur répondit affirmativement ; Sa Hautesse lui adressa encore quelques mots, et fit le tour de la table en saluant tout le monde et parlant à tous ceux que le séraskier lui désignait. Lorsque le sultan quitta la tente, l’ambassadeur de France donna le signal, de nouveaux vivat furent mille fois répétés, et furent suivis d’un troisième salut de vingt-un coups de canon.

Sa Hautesse ordonna, en sortant, qu’on illuminât la tente ; en un instant, elle se trouva éclairée de mille bougies et présenta un coup-d’œil difficile à décrire. Il faisait déjà nuit quand on sortit de table, un superbe feu d’artifice fut aussitôt tiré et termina cette belle journée. À dix heures, tout le monde partit, enchanté de l’affabilité de Sa Hautesse et de la politesse de son premier secrétaire.

Sa Hautesse a fait commander à Paris de la vaisselle et des services à son chiffre, pour les fêtes qu’elle a l’intention de donner par la suite. Cette fois-ci, on a été obligé de recourir aux services de M. de Ribeaupierre.