Fêtes galantes (1902)/L’Amour par terre
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L’AMOUR PAR TERRE
Le vent de l’autre nuit a jeté bas l’Amour
Qui, dans le coin le plus mystérieux du parc,
Souriait en bandant malignement son arc,
Et dont l’aspect nous fit tant songer tout un jour !
Le vent de l’autre nuit l’a jeté bas ! Le marbre
Au souffle du matin tournoie, épars. C’est triste
De voir le piédestal, où le nom de l’artiste
Se lit péniblement parmi l’ombre d’un arbre.
Oh ! c’est triste de voir debout le piédestal
Tout seul ! et des pensers mélancoliques vont
Et viennent dans mon rêve où le chagrin profond
Évoque un avenir solitaire et fatal.
Oh ! c’est triste ! — Et toi-même, est-ce pas ? es touchée
D’un si dolent tableau, bien que ton œil frivole
S’amuse au papillon de pourpre et d’or qui vole
Au-dessus des débris dont l’allée est jonchée.