Fables canadiennes/03/Le chat et le jeune oiseau

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C. Darveau (p. 214-216).

FABLE XXI

LE CHAT ET LE JEUNE OISEAU

Un chat, qui n’avait point une allure très-franche
Et qui rôdait à l’heure où le jour rembrunit,
Finit par découvrir, perché sur une branche,
 Mais tout près de son nid.
 Un jeune oiseau qui voltigeait à peine.

— Sais-tu bien, lui dit-il, que tu n’es pas prudent.

 
— Comment ? répond l’oiseau, d’une âme fort sereine,
Je ne m’éloigne pas de mon nid cependant.

— C’est là précisément que se trouve ta faute.
Un chat comme parfois l’on en a remarqué,
Un chat peu scrupuleux arrive, grimpe ou saute,
 Et te voilà croqué.

— Que me conseille alors votre touchante estime ?

— Eh ! de monter, parbleu ! de monter à la cime.
Vole de branche en branche ; il te faut essayer
 Tes ailes déjà grandes.
 Ne vas pas t’effrayer :
 Il me tarde que tu te rendes
 En sûreté.

 L’oiseau naïf ouvre ses ailes,
 Mais il a trop compté
 Sur ses plumes nouvelles :
Il s’élève un instant, dégringole et s’abat
 Dans les griffes du chat.


Jeunesse sans expérience,
N’écoute pas ces inconnus
Qui par des discours ingénus
Vantent tes biens et ta science,
Reste près du nid maternel :
Le foyer, l’école ou l’église,
Jusqu’à ce que le nid te dise :
Vole maintenant dans le ciel.