Fables de Florian (1838)/2/L’Enfant et le Miroir

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L’ENFANT ET LE MIROIR.

FABLE VIII.

L’ENFANT ET LE MIROIR.


N

n enfant élevé dans un pauvre village

Revint chez ses parents, et fut
surpris d’y voir
Un miroir.
n enfant élevé dans un pauvre villageD’abord il aima son image ;
Et puis par un travers bien digne d’un enfant,
Et même d’un être plus grand,
Il veut outrager ce qu’il aime,
Lui fait une grimace, et le miroir la rend.
Alors son dépit est extrême ;
Il lui montre un poing menaçant,
Il se voit menacé de même.
Notre marmot fâché s’en vient, en frémissant,
Battre cette image insolente ;

Il se fait mal aux mains. Sa colère en augmente ;
Et, furieux, au désespoir,
Le voilà, devant ce miroir,
Criant, pleurant, frappant la glace.
Sa mère, qui survient, le console, l’embrasse,
Tarit ses pleurs, et doucement lui dit :
N’as-tu pas commencé par faire la grimace
À ce méchant enfant qui cause ton dépit ?
— Oui. — Regarde à présent : tu souris, il sourit ;
Tu tends vers lui les bras, il te les tend de même ;
Tu n’es plus en colère, il ne se fâche plus.
De la société tu vois ici l’emblème :
Le bien, le mal, nous sont rendus.