Fables de Florian (1838)/2/Le Troupeau de Colas

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LE TROUPEAU DE COLAS.

FABLE V.

LE TROUPEAU DE COLAS.


D

ès la pointe du jour, sortant de son hameau,

Colas, jeune pasteur d’un assez beau
troupeau,
ès la pointe du jour, sortant de son hameau,Le conduisait au pâturage.
Sur sa route il trouve un ruisseau
Que, la nuit précédente, un effroyable orage
Avait rendu torrent. Comment passer cette eau ?
Chien, brebis et berger, tout s’arrête au rivage.
En faisant un circuit l’on eût gagné le pont ;
C’était bien le plus sûr, mais c’était le plus long ;
Colas veut abréger. D’abord il considère
Qu’il peut franchir cette rivière ;
Et, comme ses béliers sont forts,
Il conclut que, sans grands efforts,

Le troupeau sautera. Cela dit, il s’élance ;
Son chien saute après lui, béliers d’entrer en danse
À qui mieux mieux. Courage, allons !
Après les béliers, les moutons ;
Tout est en l’air, tout saute ; et Colas les excite
En s’applaudissant du moyen.
Les béliers, les moutons sautèrent assez bien ;
Mais les brebis vinrent ensuite,
Les agneaux, les vieillards, les faibles, les peureux,
Les mutins, corps toujours nombreux,
Qui refusaient le saut ou sautaient de colère,
Et, soit faiblesse, soit dépit,
Se laissaient choir dans la rivière.
Il s’en noya un quart, un autre quart s’enfuit
Et sous la dent du loup périt.
Colas, réduit à la misère,
S’aperçut, mais trop tard, que, pour un bon pasteur,
Le plus court n’est pas le meilleur.