Fables de Florian (1838)/3/La Balance de Minos

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LA BALANCE DE MINOS.

FABLE XIV.

LA BALANCE DE MINOS.


M

inos ne pouvant plus suffire

Au fatigant métier d’entendre
Et de juger
Au fatigant métier d’entendreChaque ombre descendue au ténébreux empire,
Imagina, pour abréger,
De faire faire une balance
Où dans l’un des bassins il mettait à la fois
Cinq ou six morts, dans l’autre un certain poids
Qui déterminait la sentence.
Si le poids s’élevait, alors plus à loisir
Minos examinait l’affaire ;
Si le poids baissait au contraire,
Sans scrupule il faisait punir.
La méthode était sûre, expéditive et claire,

Minos s’en trouvait bien. Un jour en même temps
Au bord du Styx la Mort rassemble
Deux rois, un grand ministre, un héros, trois savants.
Minos les fait peser ensemble :
Le poids s’élève ; il en met deux,
Et puis trois, c’est en vain ; quatre ne font pas mieux.
Minos, un peu surpris, ôte de la balance
Ces inutiles poids, cherche un autre moyen ;
Et, près de là voyant un pauvre homme de bien
Qui dans un coin obscur attendait en silence,
Il le met seul en contre-poids :
Les six ombres alors s’élèvent à la fois.