Fables de Florian (1838)/3/Le Perroquet confiant

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LE PERROQUET CONFIANT.

FABLE XX.

LE PERROQUET CONFIANT.


C

ela ne sera rien, disent certaines

gens,
Lorsque la tempête est prochaine,
ela ne sera rien, disent certainesPourquoi nous affliger avant que le mal vienne ?
Pourquoi ? Pour l’éviter, s’il en est encor temps.

Un capitaine de navire,
Fort brave homme, mais peu prudent,
Se mit en mer malgré le vent.
Le pilote avait beau lui dire
Qu’il risquait sa vie et son bien,
Notre homme ne faisait qu’en rire
Et répétait toujours : Cela ne sera rien.
Un perroquet de l’équipage,

À force d’entendre ces mots,
Les retint, et les dit pendant tout le voyage.
Le navire égaré voguait au gré des flots,
Quand un calme plat vous l’arrête.
Les vivres tiraient à leur fin ;
Point de terre voisine, et bientôt plus de pain.
Chacun des passagers s’attriste, s’inquiète ;
Notre capitaine se tait.
Cela ne sera rien, criait le perroquet.
Le calme continue ; on vit vaille qui vaille ;
Il ne reste plus de volaille ;
On mange les oiseaux, triste et dernier moyen !
Perruches, cardinaux, catakois, tout y passe ;
Le perroquet, la tête basse,
Disait plus doucement : Cela ne sera rien.
Il pouvait encor fuir : sa cage était trouée ;
Il attendit, il fut étranglé bel et bien,
Et, mourant, il criait d’une voix enrouée :
Cela… Cela ne sera rien.