Fables de Florian (1838)/3/Le Rossignol et le Paon

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Imprie de Lemarchand.
LE ROSSIGNOL ET LE PAON.

FABLE V.

LE ROSSIGNOL ET LE PAON.


L

’aimable et tendre Philomèle,

Voyant commencer les beaux jours,
Racontait à l’écho fidèle
Et ses malheurs et ses amours.

Voyant commencer les beaux jours,Le plus beau paon du voisinage,
Maître et sultan de ce canton,
Élevant la tête et le ton,
Vint interrompre son ramage.

C’est bien à toi, chantre ennuyeux.
Avec un si triste plumage,
Et ce long bec, et ces gros yeux,
De vouloir charmer ce bocage !

À la beauté seule il va bien
D’oser célébrer la tendresse ;
De quel droit chantes-tu sans cesse ?
Moi qui suis beau, je ne dis rien.

Pardon, répondit Philomèle ;
Il est vrai, je ne suis pas belle ;
Et si je chante dans ce bois,
Je n’ai de titre que ma voix.

Mais vous, dont la noble arrogance
M’ordonne de parler plus bas,
Vous vous taisez par impuissance,
Et n’avez que vos seuls appas.

Ils doivent éblouir sans doute ;
Est-ce assez pour se faire aimer ?
Allez, puisque Amour n’y voit goutte,
C’est l’oreille qu’il faut charmer.