Fables de Florian (1838)/4/Le Coq fanfaron

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LE COQ FANFARON.

FABLE XXII.

LE COQ FANFARON.


I

l fait bon battre un glorieux :

Des revers qu’il éprouve il est
toujours joyeux ;
Des revers qu’il éprouve il estToujours sa vanité trouve dans sa défaite
Un moyen d’être satisfaite.
Un coq, sans force et sans talent,

Jouissait, on ne sait comment,
D’une certaine renommée.
Cela se voit, dit-on, chez la gent emplumée,
Et chez d’autres encore. Insolent comme un sot,
Notre coq traita mal un poulet de mérite.
La jeunesse aisément s’irrite.
Le poulet offensé le provoque aussitôt,

Et le cou tout gonflé sur lui se précipite.
Dans l’instant le coq orgueilleux
Est battu, déplumé, reçoit mainte blessure ;
Et, si l’on n’eût fini ce combat dangereux,
Sa mort terminait l’aventure.
Quand le poulet fut loin, le coq, en s’épluchant,
Disait : Cet enfant-là m’a montré du courage ;
J’ai beaucoup ménagé son âge,
Mais de lui je suis fort content.
Un coq, vieux et cassé, témoin de cette histoire,
La répandit et s’en moqua.
Notre fanfaron l’attaqua,
Croyant facilement remporter la victoire.
Le brave vétéran, de lui trop mal connu,
En quatre coups de bec lui partage la crête,
Le dépouille en entier des pieds jusqu’à la tête,
Et le laisse là presque nu.
Alors notre coq, sans se plaindre,
Dit : C’est un bon vieillard ; j’en ai bien peu souffert
Mais je le trouve encore vert,
Et, dans son jeune temps, il devait être à craindre.