Fables de La Fontaine (éd. 1874)/Le Soleil et les Grenouilles

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XII

LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES

Aux noces d’un tyran tout le peuple en liesse[1]
Noyait son souci dans les pots.
Ésope seul trouvait que les gens étaient sots
De témoigner tant d’allégresse.

Le Soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l’hyménée.
Aussitôt on ouït, d’une commune voix,
Se plaindre de leur destinée
Les citoyennes des étangs.
Que ferons-nous s’il lui vient des enfants ?
Dirent-elles au Sort : un seul Soleil à peine
Se peut souffrir ; une demi-douzaine
Mettra la mer à sec et tous ses habitants.
Adieu joncs et marais : notre race est détruite,
Bientôt on la verra réduite

À l’eau du Styx. Pour un pauvre animal,
Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.



  1. Réjouissance.