Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/2/L’Oracle et l’Impie

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XIX.

L’Oracle & l’Impie.




VOuloir tromper le Ciel, c’eſt folie à la Terre.
Le Dedale des cœurs en ſes détours n’enſerre
Rien qui ne ſoit d’abord éclairé par les Dieux.

Tout ce que l’homme fait, il le fait à leurs yeux ;
Même les actions que dans l’ombre il croit faire.
Un Payen qui ſentoit quelque peu le fagot,
Et qui croyoit en Dieu pour uſer de ce mot,
Par benefice d’inventaire,
Alla conſulter Apollon.
Dés qu’il fut en ſon ſanctuaire,
Ce que je tiens, dit-il, eſt-il en vie ou non ?
Il tenoit un moineau, dit-on,
Preſt d’étouffer la pauvre beſte,
Ou de la lâcher auſſi toſt,
Pour mettre Apollon en défaut.
Apollon reconnut ce qu’il avoit en teſte.
Mort ou vif, luy dit-il, montre-nous ton moineau,

Et ne me tends plus de panneau ;
Tu te trouverois mal d’un pareil ſtratagême.
Je vois de loin, j’atteins de même.