Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/2/Le Satyre et le Passant

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VII.

Le Satyre & le Paſſant.



AU fond d’un antre ſauvage,
Un Satyre & ſes enfans,
Alloient manger leur potage
Et prendre l’écuelle aux dents.

On les euſt vûs ſur la mouſſe

Luy, ſa femme, & maint petit ;
Ils n’avoient tapis ni houſſe,
Mais tous fort bon appetit.

Pour ſe ſauver de la pluye
Entre un Paſſant morfondu.
Au broüet on le convie ;
Il n’eſtoit pas attendu.

Son hoſte n’eut pas la peine
De le ſemondre deux fois ;
D’abord avec ſon haleine
Il ſe réchauffe les doigts.

Puis ſur le mets qu’on luy donne
Delicat il ſouffle auſſi ;
Le Satyre s’en étonne :
Noſtre hoſte, à quoy bon cecy ?

L’un refroidit mon potage ;

L’autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le Sauvage,
Reprendre voſtre chemin.

Ne plaiſe aux Dieux que je couche
Avec vous ſous meſme toit.
Arriere ceux dont la bouche
Souffle le chaud & le froid.