Fables originales/Livre IV/Fable 01

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Edouard Dentu (p. 89-91).

FABLE I.

Le Changement


Qu’elle soit demoiselle ou dame
Le changement plaît à la femme.
Du moins, chacun le dit, et je me garderai
D’aller crier bien haut que cela n’est pas vrai ;
D’ailleurs, qui me croirait, moi seul, et ce n’est guère,
Ne soyons pas si téméraire,
Narrons plutôt le récit du conteur
En impartial chroniqueur.
Une mère avait une fille
Assez gentille.
Raffolant, des atours, aimant à varier
Leurs formes, leurs couleurs, et les apparier
Selon la taille, suivant l’âge,
Fête de ville, de village,
Il lui fallait du vert, du blanc,
Frais chaperon, joli ruban,
Croix ciselée à la Jeannette,
Cotillon court à la Pierrette ;

Cet habillement lui seyait
Une semaine de l’année,
Ensuite la fille trouvait
Que sa coupe était surannée.
Au vert succédait le lilas,
Au cotillon les falbalas
Gauffrés à la mode nouvelle.
Pour ses repas la colombelle
Avait les goûts aussi changeants :
Allant de la grive aux faisans,
Elle n’eût pas mangé la veille
Du plat qu’elle allège à merveille
Au déjeûner le lendemain ;
Rarement sur même chemin
On la rencontre en promenade ;
Un jour elle est à Saint-Germain,
L’autre jour à la Barbantade.
Sonne enfin l’heure des maris,
Il se présente des partis
Qui font bien augurer des noces.
Le blond promet des bijoux d’or,
Le brun, son amour (un trésor).
Le roux, de somptueux carrosses.
La loi n’accorde qu’un époux,
La fille prend l’homme aux bijoux.
Il n’est ni brutal ni jaloux,
Mais les chaînes d’Hymen après le mariage
Pèsent lourd sur le cœur d’une belle volage ;
Un éternel mari, c’est un peu bien lassant,
On l’estimerait mieux s’il n’était qu’en passant.

Être rivée à lui désole l’enchaînée.
Elle pleure son sort, maudit sa destinée.
La suite du récit se terminant très mal
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