Fables originales/Livre V/Fable 13

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Edouard Dentu (p. 130).

FABLE XIII.

L’Ortie et le Lys.


L’ortie un jour, disait au lys :
Vous avez la blancheur plus vierge que l’hermine,
Un odorant parfum jalousé par Iris ;
La rose, devant vous, modestement s’incline.
Elle est peu comparée à la grâce divine
De votre éclatante beauté.
Cependant, fleur des rois, au calice enchanté,
Je vous plains, ici-bas, car faible et sans défense
Si vous représentez l’honneur et l’innocence
Vous êtes bien souvent exposée à la mort ;
Les mains d’un faible enfant, incapable d’effort,
Peuvent vous dépouiller de toutes vos parures ;
Avec épine et dard, lui faisant des blessures
Il vous respecterait. Voyez-moi ! l’on me craint :
Je brûle l’imprudent qui sottement m’étreint.
Demandez donc au ciel, l’aiguillon et la lance,
Provoquant la douleur et causant la souffrance,
Pour vous défendre un peu contre ses attentats.
Le beau lys répondit : je ne le ferai pas.
La vengeance toujours appelle la vengeance.
Détesté comme vous, de peur de m’approcher
Dans les jardins, les champs on viendrait m’arracher.
Être un objet d’effroi duquel les gens s’éloignent
Ne porte que malheur ; les vôtres me l’enseignent.
Et le lys ajouta : Craignons ceux qui nous craignent.