Farce joyeuse et recreative de Poncette et de l’amoureux transy

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Anonyme
Jean Marguerite.
FARCE JOYEUSE ET
recreative de Poncette, & de
l’Amoureux tranſy.


l’Amoureux.
L eſt temps de me marier

le ſens bien que le cul me claque,
le ne veux plus tant varier,
Puis que i’ay de quoy dans mon flaſque


La Mère.

Vrayment c’eſt bien dict mon fils Iacques,
I’en ſerois bien de ceſt aduis,
Mais attendez iuſques après Paſques,
I’en parlerons à nos amis.


l’Amoureux.

À Poncette i’ay mon cœur mis,
le ne veux attendre autre choſe :

Car elle a vn gracieux ris,
Et ſi dort bien la bouche cloſe.


Le Pere.

Tout beau mon fils qu’on ſe repoſe,
I’ay bien appris d’autres nouuelles,
Qu’il vous faut auoir dame Roze
La fille de Iean de Nyueiles.


l’Amoureux.

Helas mon pere qu’elle eſt belle,
Sus toſt qu’on ſe mette en deuoir
De s’en aller par deuers elle,
Pour veoir s’elle me veut auoir.


Le Père.

Il nous faudroit premier ſçauoir
D’Alizon ſa bonne voiſine,
Comment il nous y faut pouruoir,
Car c’eſt vne femme bien fine.


l’Amoureux.

Mon pere faictes bonne mine
Et y allez voir ſans ſeiour,

Faictes auſſi que ma pauure quinne
Soit ioyeuſe à voſtre retour.


Le Pere va trouuer Alizon.

Alizon Dieu vous doint bon iour.


Alizon.

Bon iour,bon iour, & rebon iour,
Dieu vous donne ſire Iean doye,
Qui vous amene en ceſte voye ?


Le Pere.

C’eft pour parler du mariage.
Que pouuez comme femme ſage
Procurer pour Iacques mon fils,
Qui eſt ſi fort d’amour eſpris,
Pour la beauté de dame Roze
Qu’il ne me parle d’autre choſe.


Alizon.

Aſſeurez vous que tel affaire
Autre que moy ne peut mieux faire,
Allons enſemble maintenant,
Ie vous en rendray toſt contant,

Ayant deſia ceu de fa mere
Qui eſt ma tres-bonne commere,
Que ſi Iacques voſtre beau fils
Eſtoit ainſi d’amour épris
A l’endroict de la ſienne fille,
Il n’y a homme de la ville
Qui fut pour elle mieux venu.


Le Pere.

le ſeray bien à vous tenu
Pourſuiuons donc noſtre fortune.


C E N E I.
Poncette.


ON dict bien en commun prouerbe,
Que ſous le pied on çoupe l’herbe
A ceux qui ont faict du plaiſi,
Iacques l’amoureux a choiſi
Vne autre maiſtreſſe en eſchange :
Mais i’ay peur qu’il ne perde au change,
Et ſuis reſoluë de ma part
Qu’il n’aura plus ny quart ny part
Et quoy qu’on me tourne la mine,
Il n’eſt voiſin qui ne voiſine.

Le Pere retournant dict.

lacques mon fils reſiouys toy
Ie viens de faire ton meſſage,
Roze ma iuré ſur ſa ſoy
Qu’elle t’aura en mariage.


l’Amoureux.

O quel gratieux langage,
De Poncette ie ne veux :
Car elle porte vn équipage
Qui me feroit bien prendre au glus.


La Mere.

Or il faut penſer du ſurplus
Et auancer ceſte matiere,
A fin qu’il n’y ayt point d’abus
Ie men vay marcher la premiere.


Le Pere.

Moy ie meneray le derrière
Auec Iacques & dame Alizon,
Qui ſçait la ſorte & la maniere
De gouuerner cette maiſon.

S E N E II.
l’Amoureux retourne ſeul & dict.


NE ſuis ie pas bien langoureux,
D’auoir eſté ſi amoureux
D’vne femme qui touſiours pette,
Pour changer ma dame Poncette,
Poncette qui auoit mon cœur,
Poncerte de ſi bonne humeur,
Poncette qui a mort me liure,
Poncette qui me faiſoit viure,
Poncette dont le ſouuenir
Faict que ne ſçay que deuenir.


Le fol Iehanny.

Deuenir, ſi tu veux croire,
Sage ou fol, il te faut bien boire,
Et ſi Roze pette ſouuent
C’eſt toufiours pour boire d’autant.


Roze.

le void mon mary mal contant,
Iehanny ſçay tu point qu’il veut dire ?


Le Fol.

Il dit qu’il ne boit pas du pire,

Quant il vous plaiſt luy en verſer,
Mais il veut le ſac renuerſer,
Croyez qu’il n’y a pas pour rire.


Roze.

La maudicte terre te vire,
Que peut on croire de cela ?


Le Fol.

Ie n’en bois point pour ce pris là,
Car voſtre meſure eſt trop courte.


Roze.

Auant que de mes mains tu ſorte
Tu diras mieux ce que tu ſçais.


Le Fol.

Ma dame c’eſt vn vent punais
Qui ſort du rozier de vos ſeſſes.


Roze.

En bonne foy ie le confeſſe,
Mais il y faut remedier,

Et veux dame Alizon prier
De m’apprendre quelque recepte
Pour m’empeſcher que ie ne pette.


Le Fol.

Et à fin que ſi on vous mort,
On puiſſe au cul trouuer la mort.


Roze parle à dame Alizon

Dame Alizon ma bonne amie
I’ay le cœur & l’ame rauie,
Depuis que i’ay veu mon mary
Triſte penſif, & tout marry,
Lequel ne me faict que reprendre,
Que i’ay la peau du cul bien tendre,
Et quand il eſt vers moy couché
Il ſe tient couuert & bouché,
Crainte d’ouyr la petterie
Qui ſort de mon artillerie,
Donnez moy conſeil s’il vous plait
Et recepte pour vn tel fait.


Alizon

Ma dame au défaut de la Lune,
vous faudra prendre vne prune,