Flambeaux éteints/Torches éteintes

La bibliothèque libre.

Flambeaux éteints
Flambeaux éteints : poèmesEdward Sansot & Cie (p. 6-10).


TORCHES ÉTEINTES


L’aurore a traversé la salle du festin
Traînant ses voiles gris parmi les roses mortes…
Un souffle insidieux glisse à travers les portes…
À pas lourds, à pas lents, tel un spectre hautain
L’aurore a traversé la salle du festin.

Un rayon est tombé sur les torches éteintes
Qui rougissaient les seins orgiaques, les bras
Désordonnés, les fleurs qui charmaient le repas,
Les lys meurtris et les sanglantes hyacinthes…
Un rayon est tombé sur les torches éteintes…


Voici la place où ton corps chaud s’est détendu,
Le coussin frais où s’est roulé ta chaude tête,
Le luth, qui souligna l’éloquente requête,
Le ciel peint, reflété dans ton regard perdu…
Voici la place où ton corps chaud s’est détendu…

Tes ongles ont meurtri ma chair, parmi les soies,
Et j’en porte la trace orgueilleuse… Tes fards
S’envolent en poussière, et, sur les lits épars
Tes voiles oubliés sont témoins de nos joies…
Tes ongles ont meurtri ma chair, parmi les soies…

Implacables, ainsi que d’ingénus témoins,
Les choses sont, dans leur netteté qui m’accuse,
Le rappel froid et clair de cette nuit confuse…
Des parfums oubliés persistent dans les coins…
Les choses sont, parfois, d’implacables témoins…

La première lueur vacille sur les torches
Éteintes froidement dans la froideur du jour…
Je songe à ma jeunesse, à son vibrant amour,
Aux jasmins qui faisaient plus radieux les porches…


Comme un supplice antique et savant, inventé
Par un despote aux yeux creusés par le délire,
L’horreur de n’être plus ce qu’on fut me déchire
Et le soir envahit mon palais enchanté.

Je vois se rétrécir l’ombre des hyacinthes…
La fièvre me secoue en des frissons ardents
Voici l’aube parfaite… Et je claque des dents
Parmi les lys fanés et les torches éteintes…