Fleurs de rêve/Sérénade du fou

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Boehme et Anderer (p. 38-40).



SÉRÉNADE DU FOU


Sur l’air de la Sérénade Espagnole :
« Il est tard, ta porte est close. »


Réveille-toi, belle endormie,
Écoute ma chanson du soir ;
Point de lune, ô ma douce amie,
Montre-toi, nul ne te peut voir.

Sous ta fenêtre ma guitare
Soupire de tristes accords,
Un refrain nostalgique et rare,
Et mon cœur frémit de transports !

Oui là, dans l’ombre et le silence
Écoute un chant funèbre et doux…
Tu ne veux point de ma présence ? ?
Ciel ! pourquoi ce soudain courroux ?


Oh ! par tes lourdes mèches blondes,
Tes prunelles qui font mourir
(Ma douce !) où scintillent des mondes
D’amour ! par tes yeux, mon plaisir !

Par ta lèvre, je te conjure !
Ta lèvre toute volupté,
Et par ta voix sonore et pure,
Réponds : n’ai-je pas bien chanté  ?

Alors pourquoi cette colère
Et cette disparition ?
Serais-tu gâtée, ô ma chère,
Ou ne serait-ce qu’un frisson ?

Mimi, reviens à ta fenêtre
Et tiens-toi sous les rideaux blancs ;
Par tes grâces, daigne apparaître
Et m’inspirer de doux accents !

L’ombre est si noire et tu m’écoutes,
Blonde, mais quoi ! m’aimerais-tu ?
Arrache de mon sein ces doutes :
Belle, parle ! je me suis tu.

. . . . . . . . . . . . . . . . .


Plus que jamais mélancolique,
Guitare, reprends ta chanson
Dans cette ombre noire et tragique
Qui remplit ce vaste horizon.

Souffre, gémis, pleure, guitare !
La belle ne veut point aimer,
Et ton refrain suave et rare
Ne la saura jamais charmer…