Fontaine aux Perles/3. Le garde-française

La bibliothèque libre.
Fontaine aux Perles
Legrand et Crouzet (Tome IIIp. 21-28).
III
LE GARDE-FRANÇAISE


Les cavaliers à qui le bel adolescent venait de faire un si gracieux accueil étaient tous les trois des hommes de grande taille et de vigoureux aspect.

Ils portaient un costume à peu près uniforme, qui tenait le milieu entre l’accoutrement des bonnes gens de la forêt et les habits des gentilshommes tels que la mode les eût exigés soixante ans auparavant.

Leurs longs cheveux étaient sans poudre ; leurs vestes d’étoffe grossière affectaient la forme du pourpoint des courtisans de Louis XIV. Au lieu de la culotte, ils portaient des chausses de toile larges et plissées, qui se rattachaient au-dessous du genou et joignaient l’échancrure de leurs bottes en gros cuir.

Ils étaient coiffés de casquettes en feutre gris. Tous les trois portaient le fusil en bandoulière et un long couteau de chasse à gaine.

Le bel adolescent était leur frère, et tous quatre avaient pour père le marquis de Carhoat, — l’homme à la peau de bique.

Ce dernier, suivi de Francin Renard, atteignit bientôt la clairière où s’étaient arrêtes ses fils.

Le paysan ôta son chapeau en entonnoir et fit un salut auquel personne ne répondit. — Le vieillard échangea des poignées de main avec les trois cavaliers, et mit un baiser sur les cheveux blonds du petit René, auquel il destinait paternellement le manteau du pauvre Martel.

Renard traînait par la bride le cheval à moitié mort.

— Que diable veux-tu faire de cette rosse, Francin ? demanda l’aîné des Carhoat.

— Sauf votre respect, monsieur Laurent, répondit le paysan, si je peux seulement le mener à Liffré, je le vendrai six bonnes livres au cordonnier qui fait vos bottes.

Les deux autres frères, qui se nommaient Prégent et Philippe, se prirent à rire comme si leurs chaussures, à eux, eussent été de fin cuir d’Espagne.

Laurent fronça le sourcil, mais Renard, effrayé de l’effet de sa saillie, se tint prudemment an large.

— Eh bien ! mes garçons ! dit le vieux Carhoat, qu’avons-nous fait depuis avant-hier ?

— Mauvaise chasse, repiqua Laurent ; — il n’y a plus au monde, je crois, que des pauvres diables, des bourses vides et des manteaux râpés… mais nous parlerons de cela ce soir, père, ajouta-t-il plus bas ; — l’enfant n’a pas besoin de savoir quel gibier nous courons.

— Eh bien ! petit René, s’écria Philippe, la marmite de Noton Renard est-elle pleine ?

— Je ne sais pas, répondit l’enfant.

Philippe lui fit du doigt une caressante menace.

— Ah ! petit René, petit René, dit-il, tu savais cela encore le printemps passé ; mais le printemps passé, tu n’allais point sous le couvert te cacher pour écouter les chansons de Bleuette.

René devint tout rose comme une jeune fille à qui l’on parle d’amour.

Il secoua sa blonde tête en souriant et s’enfuit dans le fourré.

— Je vais voir si la marmite est pleine, dit-il de loin.

— Comment ! s’écria le vieux Carhoat, vous revenez comme vous étiez partis ?

— Père, nous revenons avec une faim d’enragés, répliqua Prégent. Une journée de voyage, après une nuit passée à la belle étoile, cela creuse l’estomac, je vous jure.

— Vous n’avez donc rien rencontré cette nuit ? dit le vieillard en insistant.

— Bah ! répliqua Prégent, qui haussa les épaules, — allons souper.

— Ni carrosse… ni cavalier… ni piéton ?… poursuivit le vieillard.

Laurent et Philippe joignirent leurs voix à celle de Prégent.

— Allons souper, répétèrent-ils en chœur.

Ils passèrent les premiers, se dirigeant vers le rocher de Martel. — Carhoat et Francin Renard les suivirent en échangeant un regard de désappointement.

Martel, qui n’avait point quitté son observatoire, les vit longer le sentier tortueux qui perçait les taillis. — Il vit les trois cavaliers mettre pied à terre au bas du rocher.

Les chevaux, confiés au petit René, disparurent sous une sorte de hangar, et tout le monde entra dans cette maison adossée au roc, dont la cheminée projetait en ce moment une large colonne de fumée.

Martel descendit alors de sa plate-forme et rentra dans les taillis.

Un instant il se dirigea, comme au hasard, parmi les bouquets de pousses sveltes qui jaillissaient en gerbes de chaque souche.

Son front était penché ; ses mains jointes pendaient ; sa marche était lente et affaissée.

Ce n’était plus une tristesse vague qui pesait sur lui. Son visage exprimait une amertume profonde, et tout son être semblait plier sous le fardeau douloureux de ses réflexions.

— Je m’étais dit : Je reviendrai digne d’elle, murmura-t-il. Que mes espoirs étaient riants et beaux !… Que l’avenir était vaste !… J’étais fort… j’étais brave… j’avais le nom d’un gentilhomme !… La fortune que je ne possédais point, mon épée pouvait me la gagner.

Il s’interrompit et jeta sur son uniforme un regard découragé.

— Que de bonheur et que d’orgueil le jour où j’endossai mon habit de soldat ! poursuivit-il. — C’était un noble rêve !… Je croyais à la gloire, pour monter jusqu’à mon amour… Mon Dieu ! la vie m’eût-elle été trop chère ?… Me voici retombé plus bas que le premier échelon dont j’étais parti… Me voici rejeté plus loin d’elle… Et cette fois, mon Dieu ! vous ne me laissez point d’espoir !…

Il passait en ce moment non loin de la cabane où venaient d’entrer Carhoat et ses fils.

À travers les arbres, il voyait ses murailles enfumées et sa toiture basse où la mousse croissait sur les ardoises.

Il détourna la tête et changea de route.

Le crépuscule du soir commençait à tomber ; le ciel orageux montrait, entre ses nuages noirs, de larges flaques d’un bleu obscur. Le vent secouait les feuilles jaunies qui tombaient par centaines et jonchaient de tous côtés le sol.

Le garde-française, sans suivre désormais aucun chemin battu, gravit la rampe de manière à tourner le rocher de Marlet.

Après quelques minutes d’une montée pénible, il arriva au sommet de la colline, plus élevé que le faite même du roc et dominant immédiatement le coude de la vallée.

Ici, l’aspect changeait brusquement. L’horizon s’élargissait dans tous les sens, et le paysage agrandi prenait une teinte plus riante.

Sous les pieds de Martel, du côté de l’orient, la colline se coupait à pic, laissant un large espace entre sa base et la Vanvre qui remontait en ligne presque directe.

Le cours de la petite rivière se marquait au milieu des prairies, dont la nuit tombante assombrissait la verdure, par une double rangée de vieux saules dont les troncs rabougris supportaient de longs panaches de branchages. À la droite de Martel, la rampe où était situé le château de Presmes fléchissait et mettait ses taillis presque au ras de la plaine. À gauche, au contraire, la colline s’élançait abrupte, couronnée de grands arbres, entre lesquels le roc se montrait toujours çà et là.

Sous ses pieds une petite maison s’élevait, à une centaine de pas du rocher de Marlet. Elle touchait au taillis d’un côté, de l’autre à la prairie.

Derrière la maison, un verger planté de pommiers rejoignait la Vanvre qui courait et se perdait à l’horizon, fermé par des collines, incultes et rases comme un feutre.

Sur la porte de la maison, il y avait, en ce moment, un vieux paysan dont le large chapeau portail une plaque d’argent. Il était occupé à nettoyer un lourd fusil de tournure antique et avait pour compagnie un beau chien de chasse qui le regardait curieusement.

À cent pas de là, au pied du même roc de Marlet, une jeune fille battait du linge au bord d’une fontaine carrée d’une étendue plus qu’ordinaire, située au milieu d’un épais buisson d’aunes et de saules, et dont l’eau transparente avait la limpidité du cristal.

Cette jeune fille était nu-tête ; ses cheveux noirs, relevés, s’attachaient derrière la nuque et arrondissaient leur luxueuse abondance pour former le chignon qui est la parure des paysannes du pays de Rennes ; son corsage, d’un bleu éclatant, tranchait sur la laine sombre de ses jupes, aux plis bouffants et larges. Ses petits pieds nus étaient dans des sabots dont la nuance brune faisait ressortir leur blancheur.

Elle battait son linge et elle chantait :

Ah ! dam ! elle était bien belle !
Notre maître en était fou :
C’était son plus cher bijou
Et de ses yeux la prunelle ;
Il en perdait, à songer,
Le boire avec le manger…

Martel prit un petit sentier qui descendait tortueusement la colline.

Le vieux paysan, qui était maître Jean Tuai, gruyer[1] juré de la capitainerie de Liffré, nettoyait son gros fusil et ne levait point les yeux ; mais le chien de chasse flairait le nouveau-venu.

Il fit quelques pas en montant la colline, et resta droit sur ses jarrets, le nez en l’air, le cou tendu, inquiet et menaçant.

Bleuette continuait de battre son linge et de chanter.

Elle disait :

Arriva de Normandie
À Saint-Aubin-du-Cormier
Un tout petit chevalier
Qui causait comme une pie.
Notre maître fut jaloux :
C’est le fait de vieux époux.

Un aboiement du chien l’interrompit et l’empêcha de commencer un troisième couplet.

— À bas, Lion ! à bas ! dit Jean Tual, vous bavardez comme un chien de garde.

Bleuette avait cessé de battre son linge et regardait le nouvel arrivant avec un étonnement mêlé d’incertitude.

Ses grands yeux noirs naïfs et brillants hésitaient à sourire.

Bleuette battit des mains en poussant un cri de joie.

— C’est bien lui ! dit-elle, mon père, c’est M. Martel qui revient général !

Le gruyer leva les yeux, considéra un instant le jeune garde-française à qui Bleuette, accourue en sautant, donnait déjà sa joue fraîche à baiser.

Il y eut un mouvement d’hésitation sur l’honnête et franche figure du gruyer.

— C’était un bon cœur autrefois, murmura-t-il entre ses dents ; — un bon cœur et un brave enfant !… ça, c’est la vérité !… mais il est le fils de son père tout de même !

Bleuette faisait mille caresses à Martel et l’entraînait vers la maison.

— Mais venez donc, mon père ! s’écria-t-elle, — Martel va croire que vous n’êtes pas content de le revoir !

Le gruyer fit quelques pas au-devant du jeune homme, et lui tendit sa large main basanée.

— Quant à ça, répliqua-t-il, M. Carhoat aurait tort.

Martel serra cordialement la main qu’on lui présentait, et se retourna bien vite vers Bleuette pour lui sourire encore et répondre à ses caresses de sœur.

Jean Tual les regardait par derrière. Il hocha la tête et fronça légèrement le sourcil.

— C’est le fils de son père !… répéta-t-il en se parlant à lui-même, — et il revient de Paris, où il n’y a que des pratiques du diable !… C’était pourtant un brave petit cœur autrefois.

— Comme vous voilà fort, Martel, disait Bleuette, et comme vous voilà beau !

— Tu ne me tutoies donc plus, Bleuette ? interrompit le garde-française.

Jean Tual fit la grimace en aparté.

— Est-ce que nous nous tutoyions autrefois ? repartit la jeune fille en riant. — C’est que vous voilà si brave et si fier, Martel, avec vos galons d’or et votre moustache noire !… je n’oserais plus… tout ce que je puis faire, c’est de vous aimer comme avant votre départ.

Martel tenait entre ses mains les doigts de la jeune fille, frais et rougis par le froid de l’eau.

Il l’attira à lui et mit un baiser sur ses cheveux noirs.

Jean Tual depuis quelques secondes cherchait un moyen pour se mettre en tiers dans cette reconnaissance trop vive à son gré.

Il toussa énergiquement.

— Quant à ce que vous dites de Lion, monsieur Carhoat, dit-il, le chien n’a pas pu vous reconnaître, parce qu’il ne vous avait jamais vu…

Martel se retourna, il avait parfaitement oublié le chien.

— Oui, oui, reprit le gruyer, — si vous l’aviez bien regardé, vous auriez vu que Lion a les oreilles marquées autrement que son père… c’est son père que vous connaissiez, monsieur Carhoat.

Martel se baissa et caressa Lion, qui tournait autour de lui en le flairant curieusement.

— Nous ferons bien vite connaissance, dit-il… Père Tual, ajouta-t-il en se relevant, — je viens vous demander pour ce soir à souper et un gîte pour la nuit.

Le gruyer ne prit point la peine de cacher sa surprise ; il ouvrait la bouche pour rappeler sans doute à Marcel que la maison de Carhoat était située à trois cents pas de là, derrière le rocher, lorsqu’un signe suppliant de Bleuette arrêta la parole sur sa lèvre.

— À votre service, monsieur Carhoat, répondit-il avec froideur.

Martel ne sembla point vouloir prendre garde à la gêne de maître Tuai ; Bleuette, d’ailleurs, ajouta une gracieuse invitation à la sèche formule employée par son père.

Elle prit la main de Martel et lui fit passer le seuil de la petite maison.

L’intérieur en était net et brillant de propreté, mais tous les objets y avaient cet aspect sombre que donne aux fermes du pays de Rennes la maladresse naïve de leur architecture.

Le jour manquait. — Le peu de lumière qui arrivait par la porte et par la fenêtre étroite s’absorbait sur les murailles terreuses, et ne trouvait de réflecteur qu’aux brillants panneaux de grands bahuts de chêne noir.

Fontaine-aux-Perles n’était pas, du reste, une ferme ordinaire. Il y avait un certain luxe dans l’ameublement. Au-dessus de l’énorme lit de maître Jean Tual, un ciel en serge verte découpait les dents rondes de ses festons. Le lit lui-même était carré comme la couche de nos rois, démesurément haut sur pieds, et relié à son ciel par des colonnes grêles.

Entre les hauts matelas et les festons de la carrée, il y avait une sangle, tendue horizontalement, qui semblait attendre un second lit.

Nous avons vu en Bretagne de ces couches communes avoir jusqu’à quatre étages.

Mais celle-ci ne servait qu’à Jean Tual lui-même, sans doute, car la sangle supérieure ne supportait aucun matelas.

Bleuette avait un cabinet à elle, ce qui est un luxe inouï.

Au milieu de la chambre assez vaste, se dressait sur la terre battue une longue table formée de madriers épais et flanquée de deux tréteaux.

La nappe était mise sur un coin de cette table, — une nappe de chanvre gris dont la toile avait la consistance du cuir.

D’un côté de cette table s’ouvrait la porte ; de l’autre, l’immense cheminée avançait l’auvent de son manteau.

À droite et à gauche de l’âtre, sous le manteau même, des billots de bois s’alignaient, faisant office d’escabelles. Les gens qui s’asseyaient sur ces billots pouvaient se chauffer commodément par le beau temps ; mais, quand venait la pluie, le large tuyau de la cheminée donnait passage à l’averse qui ne laissait plus dans l’âtre que des charbons éteints.

Il faisait encore un peu jour au dehors ; dans la ferme la nuit était venue. Bleuette fit asseoir Martel sur l’un des billots et alluma une chandelle de résine à laquelle une baguette de bois, fendue et fichée dans la maçonnerie de l’âtre, servait de chandelier.

Une large marmite pendait à la crémaillère. Bleuette en inspecta le contenu, y jeta une poignée de gros sel et vint se placer auprès de Martel.

Celui-ci la regardait en souriant. — Il y avait en Bleuette une grâce robuste et vive qui réjouissait l’œil. Sa mise avait une rustique coquetterie qui faisait d’elle la reine de la mode à quatre lieues à la ronde. Son gai sourire montrait des dents blanches adorables ; sa peau, légèrement brunie, se veloutait de rose, et quand elle mettait sa coiffe de dentelle à longues barbes flottantes, pour aller à la grand’messe de Thorigné, les jeunes gars de la forêt n’avaient pas assez d’yeux pour la contempler si belle…

On l’appelait Bleuette parce que la dévotion de sa mère avait voué son enfance à la vierge Marie.

Sa mère était morte depuis bien longtemps ; mais, par un pieux souvenir, la jeune fille avait gardé toujours la couleur consacrée. Sa fine et souple taille n’avait jamais d’autre parure que son corsage bleu.

Les bonnes gens de la forêt l’avaient nommée Bleuette peut-être à cause de cela, peut-être aussi parce que sa gaieté soudaine pétillait comme une étincelle ; — peut-être encore parce que sa gracieuse jeunesse avait le simple attrait de ces douces fleurs qui sourient dans la moisson, et que les enfants pieux tressent en belles guirlandes pour couronner les saints reposoirs…

Bleuette avait dix-huit ans.

Le gruyer, qui était rentré à la ferme derrière les deux jeunes gens, s’arrêta auprès du seuil et continua de nettoyer son fusil en les considérant d’un œil inquiet.

— À la bonne heure ! pensait-il, Lion est un bon chien parce que son père était un bon chien… Si celui-ci chasse de race, je l’aimerai mieux sur le grand chemin que dans ma maison !

Il secoua la tête comme si cette réflexion philosophique lui eût mis en l’esprit des idées plus chagrines. Mais il n’osa point manifester autrement sa mauvaise humeur parce que Bleuette couvrait Martel de sa protection, et que Bleuette était l’unique amour de Tual en ce monde.

— Mais comment avez-vous fait, Martel, disait la jeune fille, — pour gagner ce bel habit doré ?

— C’est la livrée du roi, Bleuette, répondit tristement le garde-française.

— Du roi de France ? répéta Bleuette, du roi qui est à Paris ?… Pourquoi n’avons-nous pas de roi, Martel, nous autres gens de Bretagne ?

— Le roi de France est notre roi, répondit Martel en souriant.

Bleuette releva sur lui son regard étonné.

— Nous sommes Bretons, dit-elle ; pourquoi notre roi s’appelle-t-il le roi de France ?

— Quant à ça ; dit de loin le gruyer, en s’efforçant de sourire, — je pense bien que M. Carhoat n’ira pas répéter les paroles de l’enfant au château. Je touche soixante-quinze livres par an pour mon office de garde des chasses… et ce n’est pas sous le toit de Jean Tuai qu’on devrait parler contre le roi.

En prononçant ce dernier mot il souleva son vaste feutre.

Bleuette frappa son petit pied avec une pétulante impatience contre la terre battue qui servait de plancher à la ferme.

— Père, dit-elle, Martel se fâchera contre vous !… ne savez-vous pas qu’il vous aime ?

Maître Tual frotta plus vivement le canon de son fusil.

— Sais-je moi ce qu’on rapporte de Paris, grommela-t-il, — quand on est le fils d’un diable et qu’on revient avec un habit de soudard ?…

Il se renferma dans un silence défiant, observant du coin de l’œil les deux jeunes gens qui se taisaient.

Il y avait de l’embarras sur le visage de Martel.

— Bleuette, dit-il enfin à voix basse et en baissant les yeux, — comment se nomme maintenant mademoiselle de Presmes ?…

— Il y en a deux, répondit Bleuette avec un malicieux sourire : — l’une d’elles a nom madame la comtesse de Landal…

— L’autre ?… murmura le garde-française.

— Avez-vous donc oublié son nom ?… demanda la jeune fille qui souriait toujours.

Martel releva sur elle son regard, où il y avait un espoir timide.

— Lucienne n’est pas mariée ?… dit-il.

Bleuette secoua sa tête espiègle et fit un geste de gentille menace.

— Vous lui aviez promis de revenir général ! répliqua-t-elle…



  1. À peu près garde-chasse.