Fragments sur les campagnes d’Italie et de Hongrie/Avant-propos

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Imprimerie centrale de Napoléon (p. v--).


AVANT-PROPOS.




Après la fin de la campagne de Hongrie, deux jeunes officiers de cavalerie, portant moustache, habit blanc et bottes à l’écuyère, se promenaient bras dessus, bras dessous, dans la ville ennuyeuse de T…

« Comment, s’écria l’un en regardant son camarade, comment ferons-nous cet hiver pour ne pas mourir d’ennui, accoutumés comme nous le sommes au mouvement et aux fortes émotions de la guerre, et à être tirés à coups de canon de notre flegme stoïque et militaire ?

— J’y ai déjà pensé, répondit l’autre, et je crois avoir trouvé un moyen qui unit l’utile dulci. Tu sais qu’en Italie j’étudiais avec passion le hongrois. Eh bien, avec cette conséquence qui me caractérise, je veux, maintenant que nous sommes en Hongrie, apprendre l’italien.

— L’idée est bonne et ne manque pas d’originalité, reprit le premier. Quant à moi, j’ai aussi un projet, qui est — d’écrire mes réminiscences. Si Salomon, qui avait sept cents femmes, belles comme des reines, et trois cents concubines, a écrit, et non sans succès, le livre de la Sagesse, pourquoi ne réussirais-je pas, moi, à faire une petite brochure amusante et sans prétention ?

Il avait, lui, sept cents femmes et trois cents concubines, ce qui fait, si je ne me trompe, en tout mille empêchements. Moi, pour le moment, je n’en ai aucun : l’avantage est donc tout de mon côté.

Celui de nos deux officiers qui n’était jamais parvenu, en Italie, à apprendre la langue des Magyares, n’apprit guère en Hongrie à traduire le Dante.

Quant à l’autre, tint-il sa résolution ?

Ce livre, lecteur, en est la preuve.