Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 4

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Mon projet pour l’Éducation nationale constitue la pierre angulaire du redressement de notre République. Ce projet entend replacer au cœur de l’Éducation nationale l’extraordinaire et féconde relation entre le maître et l’élève. Le professeur qui, en transmettant le savoir, ouvre à l’universel l’esprit de l’élève. L’élève qui, en fournissant un minimum d’efforts, accède à la connaissance et devient alors capable d’exprimer par lui-même son propre jugement. C’est pourquoi il faut, avant toute chose, n’en déplaise aux nihilistes, réhabiliter cette transmission du savoir à tous les niveaux de l’instruction: à l’école, au collège, au lycée.

Pour y réussir, je propose cinq orientations majeures.

Rien ne se fera tout d’abord sans rétablir l’autorité du maître.

Je me souviens du discours d’une maîtresse d’école maternelle de ma fille qui demandait aux parents:

  •  d’arriver à l’heure pour permettre à leur enfant de s’intégrer au groupe et lui apprendre le respect des autres;
  •  de ne pas donner à leurs enfants un petit déjeuner à finir en classe ni un gâteau le matin;
  •  de leur demander d’avoir le respect de soi et des autres en ne conservant pas un tee-shirt taché ou un vêtement troué.

Tout cela me semblait évident. Mais les parents ont quitté la réunion, choqués et contrariés, et n’ont eu de cesse ensuite de répéter dans leur entourage que cette maîtresse était « folle »!

Puisque les parents sont tout d’abord les plus concernés, sachant qu’il s’agit de leurs enfants, je propose qu’au moment de l’inscription en maternelle, la réunion entre les enseignants et les parents soit suivie d’une formation d’une demi-journée, un samedi matin ou en soirée. Cette réunion de formation serait organisée également à l’entrée en primaire, puis à l’entrée au collège et au lycée. Pour que chacun prenne conscience de ses responsabilités vis-à-vis de son propre enfant. Cela éviterait d’ailleurs bien des malentendus entre les uns et les autres et les professeurs se sentiraient confortés.

Recruter du personnel non enseignant (infirmier, psychologue, surveillant) pour garantir un minimum de calme, donner le dernier mot aux enseignants sur les décisions de redoublement, conditionner le versement des allocations familiales à l’assiduité scolaire (comme en avait décidé le gouvernement du Front populaire en 1936, repris par le gouvernement gaulliste avec participation communiste en 1945), simplifier les procédures disciplinaires… Autant de mesures simples qui permettraient déjà, à défaut, de rétablir une paix durable dans les écoles, puis les collèges et les lycées, de montrer aux élèves qui décide et pourquoi.

Ma deuxième priorité concerne le primaire qui constitue le socle de l’Éducation nationale. Laurent Lafforgue décrit le système actuel d’enseignement comme « une chair sans os ». Les Français savent-ils que la division ou la multiplication des nombres décimaux ont été exclues du programme du primaire?

L’enjeu est simple: rétablir d’urgence des critères exigeants pour la lecture, l’écriture et le calcul. Il faut donc oser revoir à la fois le contenu des programmes, les horaires et les méthodes.

Le contenu, en réhabilitant les matières fondamentales. Finissons-en avec le « verbiage pédagogiste » qui parle d’« obser­vation raisonnée de la langue », plutôt que de grammaire. Reprenons les programmes de qualité conçus en France au début des années 1920, repris récemment à Singapour ou en Israël, et d’ailleurs toujours enseignés dans un célèbre cours privé parisien où se pressent, comme par hasard, les enfants de PDG, de ministres et de journalistes, y compris socialistes!

Pour les horaires, augmentons ceux de français pour atteindre au cours préparatoire un minimum de seize heures hebdomadaires contre neuf aujourd’hui. Cela revient à réduire la diversification des matières tant que l’élève n’a pas assimilé le langage, seul moyen de suivre ensuite l’ensemble des disciplines.

Les méthodes, enfin. Le retour à la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture, annoncé avec courage par Gilles de Robien, est impératif. Cela ne suffit pas. Une information ouverte et pluraliste des étudiants d’IUFM sur les différentes méthodes de lecture suppose un important effort de dotation des centres de documentation pédagogique, car les manuels scolaires de cours préparatoire qu’on y trouve sont presque tous des ouvrages appliquant la méthode globale. Mais changer de méthode, cela signifie aussi revenir aux leçons, à la mémorisation, aux dictées, aux tables de multiplication, aux devoirs à la maison ou en études surveillées. Bref, à l’entraînement nécessaire pour toute activité. Pourquoi accepte-t-on de s’échauffer et de s’entraîner dans la pratique de l’activité sportive plus que dans celle de l’activité intellectuelle? Le cerveau fonctionne aussi comme un muscle.

Le troisième axe de mon projet républicain pour l’école concerne bien sûr le collège. Là aussi, sortons du débat sur le sexe des anges, c’est-à-dire sur le caractère unique ou pas du collège. Il ne restera unique que s’il réussit à devenir polyvalent. Il faut donc permettre à tous les élèves de se sentir bien au collège. Les plus méritants doivent pouvoir intégrer une classe d’excellence, ceux qui affrontent des difficultés doivent se voir offrir un rattrapage avec la possibilité de passerelle pour ainsi effectuer en cinq ans ce que d’autres feront en quatre. Ceux qui veulent entrer plus tôt dans la vie active doivent intégrer des filières alternées à partir de la quatrième. À cette seule condition la carte scolaire pourra être maintenue.

Le quatrième axe de mon projet concerne le rattrapage des élèves en difficulté. Avoir des exigences fortes ne doit pas signifier revenir aux mauvais côtés du passé, notamment à la sélection voie de garage qui, reconnaissons-le, a sacrifié bon nombre d’élèves ne progressant pas au même rythme que les autres. Pour concilier, d’un côté, le retour à l’effort, au mérite, au savoir et, de l’autre, l’épanouissement de chaque élève, faisons comprendre à l’Éducation nationale comme aux parents d’élèves que la réussite peut prendre plusieurs chemins et s’inscrire dans des temps différents (chaque élève ayant ses qualités propres). D’où l’importance de prévoir des passerelles entre les filières, d’organiser les moyens de rattrapage.

Il est triste, dans le système d’aujourd’hui, de voir des élèves passer de classe en classe sans disposer des bases permettant la simple compréhension d’un texte écrit. Notre pays a sacrifié, les yeux ouverts, des dizaines de milliers de jeunes qui iront grossir la cohorte des chômeurs, des exclus ou des délinquants. Je me souviens ainsi du désarroi d’une institutrice d’une classe de ZEP que j’ai pu visiter. Une classe de vingt élèves seulement, disposant d’un équipement informatique dernier cri et même soutenue par une aide-éducatrice. D’origines très diverses, la moitié des élèves ne saisissaient pas ce que je leur disais. Lorsque j’interrogeai la maîtresse après la classe, elle m’avoua qu’elle n’avait ni le temps ni l’expérience pour réapprendre à lire et à écrire à une dizaine d’élèves. Elle assistait, impuissante, au naufrage de la moitié de sa classe qui serait d’ailleurs autorisée à passer au niveau supérieur. Des élèves que l’on passe son temps à vouloir distraire, multipliant sorties ou ateliers de découverte sans comprendre que, plus encore que les autres, ils ont besoin de cours supplémentaires…

C’est pourquoi, contrairement à la démagogie ambiante, le nombre d’élèves par classe n’est pas le meilleur indicateur de l’effort de la collectivité. Il vaudrait mieux à l’échelon national deux élèves de plus par classe si cela permet de dégager des milliers d’enseignants susceptibles de dispenser des cours quasi particuliers de français ou de mathématiques aux élèves en difficulté.

Je propose de mettre en place, dans chaque collège et pour chaque réseau d’écoles primaires, une brigade d’enseignants spécialement formés, capables de remettre en selle les élèves perdus. Je suggère aussi la création d’équipes de professeurs volontaires, éventuellement retraités, pour géné­raliser l’aide aux devoirs. Si chacun accordait deux heures par semaine au soutien scolaire, rémunérées sous forme de points majorés d’ancienneté et de retraite, nous disposerions au niveau national d’environ cinquante millions d’heures par an pour rattraper les élèves en difficulté. Enfin, il faut conforter et développer le soutien apporté par les orthophonistes dont l’intervention précoce en faveur des enfants en difficulté peut produire des résultats tout à fait spectaculaires.

En Angleterre, dès 1998, Daniel Blunkett, alors ministre de l’Éducation du premier gouvernement Blair, avait décidé d’intro­duire une heure quotidienne d’alphabétisation dans toutes les écoles primaires. Le programme était très précis avec la liste des mots qu’à chaque âge, chaque enfant doit savoir lire. En 2005, une première évaluation a permis de constater que 79 % des élèves âgés de onze ans atteignent le niveau requis, soit 14 % de plus qu’en 1998.

Cette généralisation du soutien scolaire devrait enfin être amplifiée par les collectivités qui, au lieu de multiplier les aides aux divertissements en tous genres, feraient mieux de concentrer les moyens sur cette mission cruciale. Ainsi, dans ma ville, nous avons décidé d’aider financièrement toutes les démarches des enseignants qui s’engagent sur l’objectif 0 % d’échec scolaire!

Ces trois mesures permettront de redonner une chance à tous les sacrifiés du système. Il va de soi que cela devra s’accompagner de la fameuse diversification des parcours de réussite, dont on parle tant et qui se heurte toujours au manque de moyens, notamment de la filière professionnelle. Sa revalorisation est absolument vitale pour l’avenir. Les propositions ne manquent pas: notamment, le rétablissement des 4e et 3e technologiques, l’implantation d’un cycle professionnel individualisé dans chaque lycée professionnel, l’obligation d’assiduité.

En définitive, ces mesures éviteront d’avoir recours à la fameuse « discrimination positive », extrêmement dangereuse pour l’avenir de notre République. Elle constitue de fait une nouvelle charité qui se retournera obligatoirement contre ceux qui en bénéficient. Sur ce sujet, Nicolas Sarkozy mélange volontairement ou involontairement deux notions différentes. Il va de soi qu’il est nécessaire d’affecter plus de moyens à ceux qui ont plus de difficultés. Mais cela ne veut pas dire, dans mon esprit, créer des concours séparés ou des passe-droits, comme cela a été fait à Sciences Po. Oui à des moyens supplémentaires pour passer le même examen, non à la suppression de l’examen à la tête de l’élève.

Enfin, cinquième et dernier axe de mon projet, la réforme du cadre de l’enseignement, de la formation des professeurs, du contenu des manuels scolaires, en passant par le fonctionnement des rectorats.

Le caractère centralisé de l’Éducation nationale, qui a accéléré la décomposition en cours, peut être une vraie chance pour remonter plus vite la pente, si le pouvoir politique utilise la hiérarchie de l’Éducation nationale, non pas pour freiner l’initiative des enseignants comme aujourd’hui, mais pour les inciter à donner des repères, des principes.

Ainsi, une reprise en main par l’administration centrale des rectorats qui, paradoxalement, sont devenus tout-puissants – le ministre ayant tendance, au nom de la « déconcentration », à tout leur déléguer – est donc urgente.

Dans cet esprit, revoyons la formation des enseignants. Les IUFM sont devenus des nids à pédagogues fumeux qui privilégient la forme au fond, aussi coûteux qu’inefficaces. Nous ne pouvons faire l’impasse sur leur réforme, car il n’y aura pas de sauvetage de l’école sans enseignants bien formés et encouragés dans leur vocation de transmission et d’instruction.

Cela passe enfin par une révision de certains manuels scolaires qui se sont, au fil du temps, imprégnés des dérives des pédagogistes et du politiquement correct.

*

En quelques années, il est possible de voir apparaître de nouveaux résultats si, dès le début de son mandat, le futur Président s’attelle à cette tâche essentielle.

C’est en effet en partant de la base de la pyramide, l’école primaire, que nous pourrons progressivement relever le niveau général, diversifier les réussites, notamment dans le domaine professionnel, et permettre à un maximum d’élèves de réussir leur parcours universitaire.

La réforme de l’université, aussi vitale que celle du primaire ou du collège, parachèvera cette reprise en main générale de notre système éducatif. De deux choses l’une: soit le baccalauréat retrouve son crédit et l’université peut s’appuyer sur lui pour sélectionner les élèves, soit il reste dévalué et devra alors obligatoirement être instaurée une sélection minimum à l’entrée des établissements supérieurs, fondée sur le mérite et sur les capacités des candidats. Quoi qu’il en soit, il faut d’urgence empêcher l’afflux massif d’étudiants dans des disciplines qui sont des voies de garage. Les filières professionnelles courtes type BTS ou IUT doivent être développées et les filières longues encadrées. Il est irresponsable de faire croire à plusieurs centaines de milliers d’étudiants en sciences humaines qu’ils pourront s’en sortir. De même, il faut avoir le courage d’assortir les avantages du statut d’étudiant (couverture sociale, bourses…) d’une réelle présence à l’université. L’élévation légère des droits d’inscription, en les proportionnant aux revenus des parents, comme l’a fait Sciences Po, permettrait de dissuader les faux étudiants.

Par ailleurs, il faudra bien se résoudre à renforcer les moyens pour les universités, notamment en permettant l’existence de fondations, avec des mécanismes de défiscalisation. Enfin, il faut doubler les bourses et multiplier les prêts à taux très bas, pour aider les élèves de milieux défavorisés à poursuivre leurs études.

Il y aura bien sûr des résistances: on ne réforme pas sans peine un secteur public qui emploie près d’un million d’agents! C’est pourquoi, après avoir dialogué avec les représentants des différents corps sur le meilleur moyen pour mettre en œuvre ces réformes, il ne faudra pas hésiter à recourir au référendum.

Mais pour que les enseignants puissent apprendre aux élèves à respecter leurs camarades, encore faut-il que dans la société tout entière la loi soit, elle-même, respectée.