Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 7

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S’il est vrai que des réserves de productivité demeurent dans les administrations policières, judiciaires ou pénitentiaires, le budget français n’est clairement pas à la hauteur des enjeux.

D’ailleurs, l’essai n’a pas été transformé au cours des dernières années, pour la simple et bonne raison que « Bercy » a repris d’une main ce qu’il avait accordé de l’autre, sous la pression des parlementaires. Si on regarde précisément les chiffres, on s’aperçoit que la législature s’achèvera sans avoir un policier de plus qu’en 2002 (les recrutements ayant seulement permis de compenser la suppression des quinze mille adjoints de sécurité).

De même, la loi de programmation de la justice a pris du retard au même titre que le programme de construction de prisons. Les sommes en cause sont importantes mais ne sont pas faramineuses, comparées aux autres dépenses de l’État ou de la Sécurité sociale.

Je propose donc de doubler en cinq ans le budget du ministère de la Justice, ce qui lui permettra de passer de 6 milliards d’euros environ en 2006 à 12 milliards en 2012, soit une augmentation inférieure à l’augmentation annuelle du budget de la santé en France. Ce faisant, la France affectera à son système judiciaire la même somme par habitant que l’Angleterre; elle ne fera que combler un retard évident au regard des enjeux et nécessités du moment. Est-il si choquant d’utiliser 4 % du budget de l’État pour garantir l’application de la loi? Aujourd’hui, rappelons-le, quand la France consacre 28,35 euros par habitant pour ses tribunaux et son aide judiciaire, notre voisin allemand en dépense 53,15.

Ces nouveaux moyens accordés au bon fonctionnement de la justice en France permettraient d’abord de créer un corps spécifique de transfert de prisonniers, évitant ainsi de pré­lever sur les effectifs de la police et de la gendarmerie. Les prisons, nécessaires en supplément des treize mille nouvelles, pourraient en outre être construites. Et il serait enfin possible de revoir la carte judiciaire en regroupant les tribunaux par pôles, surtout en recrutant greffiers, agents, informaticiens, pour sortir la justice française de sa misère.

Sans un tel investissement massif dans la justice, rien ne sera réglé, je voudrais vraiment insister sur ce point, tant sont intolérables les délais de l’institution judiciaire en zone urbaine. Ainsi, à Bobigny près de vingt-cinq mille procédures étaient, l’an passé, en attente d’enregistrement. À Évry, il fallait vingt-trois mois pour exécuter un jugement! Depuis le début de l’année 2006, l’État ne paye même plus ses factures à temps pour les expertises, les écoutes téléphoniques, et va jusqu’à demander à la police de renoncer à certaines investigations pour minimiser les coûts!

À quoi consacrer ces nouveaux moyens que je propose d’allouer à la justice? Le cœur des investissements devrait être, d’une part, affecté au suivi des affaires et à la lutte contre les classements sans suite, d’autre part, à la généralisation d’un bureau d’exécution des peines dans chaque tribunal, ce qui permettra de faire appliquer sans délai les décisions de justice.

Le budget de la police et de la gendarmerie doit également être clairement accru, même si heureusement, compte tenu des efforts faits, il n’est pas nécessaire de l’augmenter aussi nettement que celui de la justice.

Recrutement de nouveaux policiers mieux formés et de cadres, investissement dans du matériel adapté, amélioration salariale pour les plus méritants et surtout mise en œuvre de vrais pôles anti-mafias de quartier sur le modèle des GIR, permettraient de remobiliser les forces de l’ordre aujourd’hui désabusées.

Mais la responsabilisation des services, l’augmentation des moyens ne suffiront pas sans une adaptation législative d’ampleur.