Géographie de l’Isère/3

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III. — Cours d’eau.

Le département tout entier appartient au bassin du Rhône, le premier des fleuves français par la masse de ses eaux. Ce fleuve a son origine en Suisse, dans le canton du Valais, à 1,750 mètres environ d’altitude, au célèbre glacier du Rhône, l’un des plus beaux de l’Europe.

Le Rhône ne pénètre point dans le département, il le borne au nord-est, au nord, à l’ouest. D’abord large et plein d’îles, il se rétrécit ensuite entre les escarpements du Bugey (Ain) et le Bois-du-Mont (Isère) au point de n’avoir plus que 36 mètres d’un bord à l’autre, au-dessous du château de Mérieu. À une quinzaine de kilomètres en aval de ce détroit, au Saut-du-Rhône, le fleuve franchit une espèce de barrage de rochers à fleur d’eau, ne laissant à la masse du courant qu’un passage de 8 mètres. Longeant les Balmes de Crémieu, il passe près de la grotte de la Balme et au pied des rochers à pic d’Hières.

Après cela, grossi déjà du Guiers, de la Bourbre et de l’Ain, il pénètre dans les plaines de Lyon, quitte pour quelque temps le département, va baigner Lyon, où il reçoit la Saône, et, tournant droit au sud, il ne tarde pas à toucher de nouveau l’Isère. Devant Vienne, il a 200 mètres de largeur, 5 de profondeur, et, à 50 centimètres au-dessus de l’étiage, une vitesse de 2 mètres par seconde. Au-dessous de Vienne, le fleuve passe au pied de hauts coteaux qui bientôt font place à la féconde plaine de Roussillon, dernier chef-lieu de canton de l’Isère, voisin du Rhône. À la sortie du département, l’altitude du fleuve est de 134 mètres ; sa pente totale dans l’Isère est de 70 mètres. Le Rhône reçoit ensuite l’Isère, baigne Valence, Avignon, et se grossit de la Durance. À Arles, il se divise en deux branches qui enferment les 75,000 hectares marécageux de la Camargue.

Il reçoit (rive gauche) dans le département : le Guiers, la Bièvre, la Braille, la Save, le Fouron, l’Amby, la Bourbre, le ruisseau de Meyzieu, l’Ozon, la rivière de Levau, la Gère, la Varèze, le Dolon. Hors du département, il reçoit trois rivières appartenant au département par une portion de leur bassin : les Claires, la Galaure et l’Isère.

Le Guiers, long de 55 kilomètres, est formé de deux torrents également abondants et rapides, bien que l’un s’appelle Guiers-Mort et l’autre Guiers-Vif : tous deux viennent du massif de la Grande-Chartreuse. Le Guiers-Mort coule bruyamment dans les belles gorges du Désert, où il entre par la porte (défilé) de l’Enclos, reçoit le ruisseau de la Grande-Chartreuse, passe sous l’arche du pont de Saint-Bruno (42 mètres au-dessus de l’étiage), sort du Désert par la porte de Fourvoirie, baigne Saint-Laurent-du-Pontet recueille le tribut de l’Hérétang. Le Guiers-Vif sort d’un roc immense ; il sépare l’Isère de la Savoie, puis, au-dessous des sombres gorges du Grand Frou, passe entre les Échelles et Entre-deux-Guiers. — Ainsi formé, au-dessous des Échelles, par ces deux torrents, le Guiers roule ses eaux bleues de cuve en cuve, entre les rochers de la belle gorge de la Chaille, recueille l’Ainan, qui vient de Saint-Geoire, puis coule sous l’arche hardie du Pont-de-Beauvoisin ; il reçoit ensuite le Tier, déversoir du lac d’Aiguebelette, et baigne Saint-Genix-d’Aoste.

La Bièvre, qui passe à Aoste, reçoit les canaux de desséchement du marais des Avenières.

La Braille, qui passe à Vézeronce, reçoit les dégorgeoirs des marais de Morestel.

La Save passe au nord de Morestel et en draine les marais.

Le Fouron baigne Chareste.

L’Amby reçoit le déversoir du petit lac d’Hières.

La Bourbre (80 kilomètres) vient des Terres-Froides. Elle arrose Virieu, la Tour-du-Pin, Cessieu où tombe l’Hien, Bourgoin, reçoit l’Agny, passe près de la Verpillière et gagne le Rhône à 2 kilomètres au-dessus du confluent de l’Ain, après avoir fait marcher un très-grand nombre d’usines, notamment celles du Pont-de-Chéruy. La Bourbre, au-dessous de Bourgoin, traverse de larges prairies tourbeuses, et absorbe, par un canal, l’excès d’eau du marais des Vernes.

Le ruisseau de Meyzieu, formé au pied des Balmes Viennoises par un nombre prodigieux de fontaines, est d’une fraîcheur et d’une limpidité extrêmes. Son affluent, le ruisseau de Pusignan, naît aussi de sources abondantes à la base des mêmes Balmes.

L’Ozon, venu des environs d’Heyrieu, passe devant Saint-Symphorien-d’Ozon.

La rivière de Levau commence son cours sous le nom de Seveines : elle passe dans un faubourg de Vienne.

La Gère n’a pas plus de 40 kilomètres de longueur, mais c’est une des rivières industrielles les plus remarquables de la France. Ce cours d’eau limpide, lorsqu’il arrive à Vienne, a reçu la Varèze, la Vésonne, la Suze, la Véga, ou rivière de Septême, née d’une source très-abondante.

La Varèze, un peu plus longue que la Gère, mais bien moins importante, a son embouchure à Saint-Alban.

Le Dolon, rivière de la Valloire (40 kilomètres), gagne le fleuve tout près de la limite du département.


Les Claires ou Collières sont formées, dans le département de la Drôme, par des sources qui proviennent des infiltrations de la Valloire. Ces eaux rejaillissent une première fois par la Veuze (Drôme) et par l’Auron, qui appartient en partie à l’Isère. L’Auron, ou Oron, naît à côté de la ligne de Saint-Rambert à Grenoble, à la base de la colline de Beaufort (370 mètres), de sources très-nombreuses, abondantes et limpides, jaillissant dans 120 hectares de marais ; il arrose, avec le Suzon, son affluent, le vallon de Beaurepaire, puis passe dans la Drôme, où il s’engouffre, ainsi que la Veuze, pour reparaître sous le nom de Claires.

La Galaure, longue de 55 kilomètres, n’a dans l’Isère que son cours supérieur : elle descend de la forêt de Chambaran et passe à Roybon.


L’Isère est une rivière des plus considérables, la première de France à l’étiage après le Rhône, bien qu’elle n’ait pas même 300 kilomètres de cours. Elle tire son origine des glaciers du massif du col Iseran, puissant groupe de montagnes de 3,000 à 4,000 mètres, situé en Savoie, entre la France et l’Italie. À Val-de-Tignes, premier village de la vallée, l’altitude de son lit est de 1,849 mètres. Dans la Savoie, elle reçoit l’Arc, torrent terrible. Elle entre dans le département, au-dessus de l’embouchure du Bréda et de la colline escarpée du Fort-Barraux ; son altitude en ce point est de 250 mètres. Large entre digues de 130 mètres, du confluent de l’Arc à la limite départementale, elle n’en a plus que 112 de cette frontière à Grenoble : ces digues, entretenues à grands frais, protégent 6,750 hectares dans la vallée du Graisivaudan, la plus belle peut-être et l’une des plus fertiles de France, comprise entre les monts de la Grande-Chartreuse et la chaîne neigeuse de Belledonne. Dans cette admirable vallée, l’Isère passe entre le Touvet et Goncelin, près de Domène, à Grenoble et à quelque distance de Sassenage, lieu près duquel elle s’augmente des deux cinquièmes par la jonction du Drac : après quoi, coulant entre les escarpements de la Grande-Chartreuse et ceux des monts du Villard de Lans, elle va contourner le beau promontoire du Bec de l’Échaillon. À partir de ce point, la vallée, cessant d’être contenue à droite par les monts de la Grande-Chartreuse, et n’étant plus dominée que par les monts de Lans, devient beaucoup plus large et peut-être encore plus féconde. La rivière passe à 3 ou 4 kilomètres de Tullins, près de l’ancienne fonderie de canons de Saint-Gervais, à 3 kilomètres et demi de Saint-Marcellin, et, au moment où elle reçoit la Bourne, entre dans le département de la Drôme par 145 mètres environ d’altitude ; elle quitte l’Isère après un cours de 110 kilomètres, pendant lesquels sa pente dépasse de très-peu 100 mètres. Dans la Drôme, elle baigne la ville de Romans et tombe dans le Rhône entre Tain et Valence, par 107 mètres au-dessus des mers.

Aux plus basses eaux connues, au fort de l’hiver, quand le froid ferme les sources et congèle les cascades, l’Isère roule encore 64 mètres cubes d’eau et demi par seconde devant Grenoble, et 105 au-dessous du confluent du Drac ; c’est quatre fois le débit de la Loire à Tours, dans les sécheresses exceptionnelles, deux fois et demie la Seine à Paris à l’étiage, un grand tiers de plus que la Garonne et la Dordogne ensemble. Malgré cela, cette rivière, navigable officiellement pendant 164 à 165 kilomètres, de Montmélian (Savoie) jusqu’au Rhône, porte en réalité très-peu de bateaux, à cause de l’irrégularité de son lit et de la rapidité de son courant. Dans ses grandes crues, elle roule environ 1,000 mètres cubes par seconde.

L’Isère reçoit dans le département : le Bréda, le ruisseau de Tencin, le ruisseau du Carre, le ruisseau de Lancey, le Mannival, le Doménon, le Sonnant, le Drac, le Furon, la Vence, la Roize, la Morge, la Furé, la Drévenne, l’Ivery, la Cumane, la Bourne, le Furand et, dans la Drôme, l’Herbasse.

Le Bréda (rive gauche) descend des Sept-Laux, où il se forme des déversoirs de plusieurs lacs situés à plus de 2,000 mètres d’altitude. Il coule dans la belle vallée d’Allevard, passe à Pontcharra et porte à l’Isère, outre le tribut de ses propres eaux, celui du Gleyzin, du Feyton et du Bens : ce dernier coule dans la gorge bordée de forêts où s’élèvent les ruines de la Chartreuse de Saint-Hugon, et passe sous l’arche du Pont-du-Diable, haute de 80 mètres. Le Bréda a 40 kilomètres de cours.

Le ruisseau de Tencin, affluent de gauche, tombe, par une jolie cascade, dans la gorge du Bout-du-Monde.

Le ruisseau du Carre ou de Vors, affluent de gauche, descend de Belledonne et traverse le lac Blanc, situé à 2,168 mètres.

Le ruisseau de Lancey, affluent de gauche, sort du lac Doménon et traverse celui du Crozet.

Le Mannival, affluent de droite, est un large torrent dévastateur qui passe auprès de Saint-Ismier. Parfois à sec en été, il roule des blocs énormes de rochers quand les pluies viennent le grossir.

Le Doménon, affluent de gauche, commence par les lacs, presque toujours glacés, de Doménon, sur un flanc de Belledonne ; il reçoit le déversoir du lac Robert, et forme la haute et imposante cascade de l’Oursière. Il passe à Domène et porte à l’Isère près d’un mètre cube d’eau par seconde à l’étiage.

Le Sonnant, affluent de gauche, coule dans le vallon d’Uriage.


Le Drac, affluent de gauche, est l’un des plus abondants, des plus terribles torrents de toute la France. Aux eaux les plus basses, il roule encore 40 mètres cubes et demi par seconde, ce qui est à peu près le volume le plus faible de la Seine devant Paris (sauf les « maigres » tout à fait exceptionnels). Sur 148 kilomètres de cours, il en a un peu plus de la moitié, 76, dans l’Isère, où il entre par 750 mètres d’altitude, venant du département des Hautes-Alpes, de montagnes neigeuses de 2,900 à 3,438 mètres d’élévation. Dans l’Isère, il coule tour à tour au fond d’étranglements étroits ou sur de très-larges grèves ; il laisse à droite, sur la montagne, la ville de Corps, court entre les charmantes montagnes du pays de Beaumont, à droite, et les monts décharnés du Dévoluy et du Trièves, à gauche, et passe sous un beau pont suspendu de 125 mètres de longueur, à pareille hauteur de ses eaux. Il passe dans le précipice, profond de 300 à 400 mètres, où sourdent les eaux thermales de la Motte-les-Bains, puis, entrant dans la plaine du Graisivaudan avec 150 mètres de largeur entre digues, coule sous le pont de Claix, et laisse à une petite distance, à droite, la ville de Grenoble, préservée de ses inondations par des travaux particuliers de défense. Le Drac reçoit dans le département : la Souloise, venue du Dévoluy ; ce torrent appartient surtout aux Hautes-Alpes ; — la Bonne (40 kilomètres), gros torrent qui arrose le Valbonnais et que grossissent le Béranger, la Malsanne et la Roisonne ; — la Jonche, qui sort du lac de Pierre-Châtel et arrose le froid pays de Mateysine ; elle passe à la Mure ; — l’Ébron, qui vient du Dévoluy et arrose le pays de Trièves (cantons de Mens et de Clelles) ; — la Romanche et la Gresse ; cette dernière, longue de 40 kilomètres,

Cuves de Sassenage.

Cuves de Sassenage.

passe à Vif ; — quant à la Romanche, c’est un torrent des plus considérables, une rivale du Drac lui-même ; elle n’a pas 90 kilomètres, mais les glaciers du Pelvoux, de l’Aiguille du Midi, de l’Aiguille d’Olan, des Grandes-Rousses, lui donnent en toute saison un volume d’eau très-fort ; ses inondations sont terribles, et son cours n’est qu’une succession de défilés obscurs, de bassins désoles, de larges grèves de pierres. La Romanche se forme dans le département des Hautes-Alpes. Dans l’Isère, elle coule dans la combe de Malaval, et passe, par la gorge de l’Infernet, dans la plaine du Bourg-d’Oisans, qui fut le lit du lac de Saint-Laurent ; de là elle s’enfonce dans les gorges de Livet, après quoi elle baigne Vizille et, large d’environ 45 mètres en moyenne, gagne le Drac par le pittoresque passage de l’Étroit. La Romanche reçoit : le Ferrand, descendu des Grandes-Rousses ; le beau Vénéon (40 kilomètres), torrent bleu venu du cirque de la Bérarde par la vallée de Saint-Christophe ; le ruisseau de la Rive, né des belles sources de la Gardette ; la Sarenne, descendue des Grandes-Rousses ; l’Eau d’Olle (36 kilomètres), fort torrent qui descend également des Grandes-Rousses et des montagnes d’Allevard ; le ruisseau de Laffrey, déversoir du lac de Laffrey (150 hectares) et de celui du Petit-Chat.

Le Furon, affluent de gauche, né dans les monts de Lans, se précipite de cascade en cascade au fond de la faille grandiose des gorges d’Engins et du défilé du Passage des portes d’Engins, surplombés par d’immenses roches grisâtres, recouvertes d’une vigoureuse végétation. À Sassenage, il reçoit le Germe ou ruisseau des Grottes, qui sort avec impétuosité, au printemps, de belles cavernes, appelées Cuves, creusées dans le calcaire néocomien supérieur qu’on appelle dans le pays calcaire de Sassenage.

La Vence, affluent de droite, a ses sources et son cours dans le massif de la Grande-Chartreuse. Elle contourne Grenoble au nord, derrière le Rachais et le Néron.

La Roize, affluent de droite, descend également du massif de la Grande-Chartreuse et passe à Voreppe.

La Morge, affluent de droite, fait marcher les nombreuses usines de l’importante ville industrielle de Voiron.

La Fure (40 kilomètres), affluent de droite, sort du lac de Paladru (6 kilomètres de longueur, 1,000 mètres de largeur, 400 hectares, 25 à 30 mètres de profondeur), bordé de collines fort élevées, et situé à 494 mètres d’altitude. La Fure, ainsi que son principal affluent, la Fure de Réaumont, qui passe près de Tullins et qui a son embouchure à Rives, sont des rivières industrielles des plus importantes.

La Drévenne, affluent de gauche, descend des monts du Villard-de-Lans.

L’Ivery, tributaire de droite, passe à Vinay.

La Cumane, tributaire de droite, vient du plateau de Chambaran ; c’est elle qui baigne Saint-Marcellin.

La Bourne, affluent de gauche, a 40 kilomètres de longueur et des eaux abondantes que ne tardera pas à utiliser un canal d’irrigation qui aura une longueur de 49,692 mètres et coûtera environ 9 millions de francs. Il débitera 7,000 litres d’eau par seconde au minimum. La Bourne naît à un peu plus de 1,000 mètres d’altitude, à côté du Furon, sur les monts de Lans. Elle arrose le Villard-de-Lans, puis s’engage dans des gorges si étroites, que la route a 5 kilomètres sur 6 taillés dans le roc vif, au pied de parois de 500 à 700 et 800 mètres de hauteur verticale. À Pont-en-Royans, la rivière coule au fond d’un gouffre où ses eaux se mêlent à celles de la Vernaison, torrent qui, lui aussi, s’est brisé, de roche en roche, dans les gorges magnifiques des Grands-Goulets (Drôme). Après avoir passé sous le vieux pont de Pont-en-Royans, la Bourne serpente dans un vallon riant.

Le Furand est un affluent de droite qui a son origine dans les bois de Chambaran et son embouchure au Port-du-Perrier, tout près de l’endroit où l’Isère passe définitivement dans le département de la Drôme.