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Géographie de la Corse/11

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XI. — Industrie ; mines : eaux minérales.


Au point de vue des richesses minéralogiques, le département de la Corse est un des plus riches de la France ; malheureusement il reste beaucoup à faire au point de vue de leur exploitation.

Les mines de fer se rencontrent à Farinole, à Olmeta, à Ota, Orchino, Arone, Poggiolo, Sagona, Lento, Castifao. Ces fers, ainsi que d’autres fers apportés de l’île d’Elbe, entretiennent les hauts-fourneaux de Toga, près de Bastia, ainsi que les forges de Bastia, Fiumalto et Penta-di-Casinca.

Il y a des gisements de plomb argentifère à Zilia, Moltifao, Pietralba et Castifao ; d’antimoine au Cap Corse ; de cinabre à Ersa ; de manganèse à Furiani, Valle et Muone ; de zinc sulfuré à Revinda et à Marignana ; de nombreuses traces de cuivre entre Linguizzetta et Belgodere.

Les gisements de combustibles minéraux sont rares ; on trouve cependant de l’anthracite à Osani, et du lignite à Saliceto.

En revanche, les marbres abondent, ainsi que les pierres dures d’ornement. On trouve des syénites à Tallano et à Olmeto ; le granit orbiculaire à Sainte-Lucie ; des porphyres globuleux à Galeria, Girolata et Curzo. Le jade et le diallage ou vert antique de Stazzona, roche unique en son genre, dit Gueymard, se trouvent dans les pays d’Orezza et d’Alesani. Cette roche orne la chapelle des Médicis à Florence. Le granit qui forme le soubassement de la colonne Vendôme, à Paris, a été tiré des carrières d’Algajola, près de l’Île-Rousse. Les marbres qui décorent la façade du nouvel Opéra proviennent des carrières de Bevinco. — Un grand nombre de variétés de granits, granit rouge, granit rose, les serpentines, les eurites, les jaspes, le marbre blanc statuaire, le marbre gris bleuâtre, l’albâtre jaune, blanc, se trouvent en Corse.

Les sources minérales de la Corse sont nombreuses ; elles pourraient rivaliser avec la plupart de celles du continent si leur éloignement n’en rendait l’accès difficile.

L’eau d’Orezza jaillit en bouillonnant au centre d’une place magnifique ombragée d’arbres séculaires et construite aux temps des corvées, dans une situation exceptionnelle, au-dessus d’un torrent profond, le Fiumalto. Le voisinage de ce cours d’eau assure aux malades, même pendant l’été, une température modérée. C’est là une condition remarquable et précieuse pour tous les anémies, qui ne perdent pas à l’instant les forces acquises. L’eau d’Orezza est aujourd’hui connue du monde entier. Ferrugineuse et gazeuse, elle est très-efficace contre les affections chroniques de l’estomac, l’atonie, les maladies cutanées, la goutte, les obstructions et les hémorrhoïdes ; elle est également apéritive, diurétique et tonique. La puissance de cette eau est si grande, prise à sa source, qu’il ne faut pas en faire usage sans avoir préalablement consulté un médecin. Cette eau ne subit par le transport qu’une altération insensible.

Les eaux de Guagno alimentent un établissement thermal qui se compose d’un bâtiment central avec deux ailes en retour, d’apparence fort modeste. L’aile gauche est occupée par des piscines à l’usage des militaires malades envoyés par le gouvernement, par des cabinets de bains pour les officiers, et par des douches. L’aile droite renferme les cabinets de bains pour les malades civils. Le bâtiment central est occupé par deux grands réservoirs situés au-dessous l’un de l’autre et recevant l’eau qui coule par un jet abondant (60 litres par minute) ; la température moyenne est de 41° centigrades. On y compte 59 cabinets à baignoires, 50 piscines à 4 places, 4 à 10 places et 2 à 20 places. Le premier étage est occupé par les chambres des baigneurs, salons de réception et autres pièces au nombre de 60. L’hôpital militaire est situé un peu plus haut que l’établissement thermal. Il peut contenir 200 malades. L’eau de Guagno est claire, limpide, onctueuse au toucher ; elle exhale une légère odeur d’œufs pourris, due à la présence de l’acide sulfhydrique ; sa saveur est fade et nauséabonde ; sa température est de 51° centigrades ; elle dépose dans les bassins des filaments de glairine et de barégine ; elle est alcaline. L’analyse de ces eaux, faite en 1852 par M. Poggiale, démontre leur analogie en quelques points avec les eaux de Barèges. Plus riches en principes fixes, elles contiennent cependant près de moitié moins de sulfure de sodium. Ce ne sont donc pas absolument et seulement des eaux sulfureuses, et puisque les autres principes minéralisateurs, notamment le chlorure de sodium, sont si abondants, elles se rapprochent beaucoup des eaux salines comme celles de Bourbonne. Aussi leurs propriétés participent selon les cas, tantôt des vertus attribuées aux eaux sulfureuses (Barèges), tantôt des eaux salines (Bourbonne). Elles sont excitantes, activent la circulation et élèvent la température ; en même temps que le pouls devient plus fréquent et plus fort, la transpiration augmente, mais ces phénomènes inflammatoires disparaissent après quelques jours d’usage et font place à la médication régulière. Des nombreuses observations recueillies, il résulte que les eaux de Guagno exercent une influence salutaire : dans les affections de la peau, les affections rhumatismales ; les arthrites chroniques et les rétractions musculaires et tendineuses, suites de plaies par armes à feu ; dans les affections chroniques des organes respiratoires et notamment dans la bronchite ; dans la scrofule ; enfin et surtout dans les vices du sang, soit en rejetant le virus au dehors, soit en favorisant l’action et en augmentant l’efficacité des médicaments.

L’eau thermale de Guitera est distribuée par des conduits à un vaste établissement où se trouvent les baignoires. La température de la source est de 50° centigrades, et son débit de 380,000 litres par 24 heures. Leur composition chimique range ces eaux parmi les eaux sulfurées sodiques. Leur efficacité a été constatée pour le traitement des rhumatismes, des engorgements articulaires et des contractions spasmodiques des muscles. En les faisant refroidir, on s’en sert pour les maladies cutanées et les affections chroniques de l’utérus.

Les eaux thermales de Pietrapola jaillissent par sept sources sur un plateau peu étendu, au centre du canton de Prunelli, et alimentent un établissement thermal. Ces eaux sont éminemment calmantes, dépuratives et toniques. La dose moyenne est d’un litre et demi dans les vingt-quatre heures, par verres ordinaires de demi-heure en demi-heure. Les affections arthritiques et rhumatismales les plus invétérées, même en étant suivies d’ankyloses, sont traitées avec le plus grand succès par les eaux de Pietrapola. Elles sont d’une égale efficacité contre la plupart des névralgies, certaines névroses, et d’une manière spéciale contre la névropathie générale. Les bronchites, les gastrites chroniques, certaines paralysies et une foule d’autres indispositions qu’il est inutile d’énumérer sont aussi traitées par les eaux de Pietrapola. L’établissement, pourvu d’un bassin de réfrigération, se compose de quatorze cabinets à bains très-spacieux et de deux piscines.

Les eaux sulfureuses salines froides de Puzzichello se trouvent à quinze kilomètres d’Aleria et à deux kilomètres de la route forestière qui va de Vadina à Vivario. Ces eaux, dont la température ne dépasse pas 14° centigrades, contiennent du gaz hydrogène sulfureux, du gaz acide carbonique, des sulfates de chaux et de magnésie ; elles sont riches en barégine ; on les dit excellentes pour les affections dartreuses et scrofuleuses, pour la goutte, l’albuminurie, etc.

Les sources, au nombre de deux, donnent environ cent cinquante hectolitres d’eau par vingt-quatre heures. Ces eaux s’emploient en boisson, en bains et en douches. L’établissement renferme quatorze cabinets et deux piscines, une douche ascendante, deux buvettes et un local pour l’emploi des boues. À côté, sur la rive opposée d’un ruisseau qui se jette dans le Tagnone, s’élève un petit édifice affecté au logement des malades et entouré de jardins et de plantations. De nombreuses fermes ont été établies aux environs, des vignes y ont été plantées, et toute la contrée est aujourd’hui l’une des plus prospères de l’île.

L’établissement thermal de Caldaniccia est situé dans une petite plaine limitée par la route, d’un côté, et par la Gravona, de l’autre. Les sources sont au nombre de cinq et ont ensemble un débit de vingt mille litres par vingt-quatre heures. Leur température moyenne est de 57° centigrades. Elles sont limpides, douces au toucher, onctueuses et ont à leur point d’émergence un goût très-prononcé d’œufs pourris. Ces eaux sont employées avec succès comme médication sédative, dans les névralgies, les spasmes, les tumeurs blanches et les affections chroniques de la poitrine.

Les eaux thermales d’Urbalacone, d’une température de 37°, ont été découvertes sur le territoire de cette commune par les habitants ; ils y ont fait construire un petit établissement, encore primitif, qui s’élève à une centaine de mètres de la route ; nationale. Les eaux d’Urbalacone n’ont pas été analysées, mais elles appartiennent à la classe des eaux sulfureuses.

Le petit établissement de Caldanelle se compose d’un simple bâtiment renfermant quelques baignoires où les pauvres gens vont prendre des bains. Ces eaux sont assez riches en sulfate de soude, de chaux et d’alumine.

En dehors de ces industries, il faut encore mentionner en Corse : deux usines à gaz, quelques tanneries, des poteries, de nombreuses selleries, des manufactures de chaussures en cuir très-épais, des taillanderies, des fabriques d’instruments aratoires, et le tissage d’étoffes grossières, en poil de chèvre, qui servent à confectionner le pelone, vêtement commun à tous les paysans corses.