Géométrie descriptive/Chapitre I

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Baudouin (p. 5-29).
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I.

1. La géométrie descriptive a deux objets : le premier, de donner les méthodes pour représenter sur une feuille de dessin qui n’a que deux dimensions, savoir, longueur et largeur, tous les corps de la nature, qui en ont trois, longueur, largeur et profondeur, pourvu néanmoins que ces corps puissent être définis rigoureusement.

Le second objet est de donner la manière de reconnoître d’après une description exacte les formes des corps, et d’en déduire toutes les vérités qui résultent et de leur forme et de leurs positions respectives.

Nous allons d’abord indiquer les procédés qu’une longue expérience a fait découvrir, pour remplir le premier de ces deux objets ; nous donnerons ensuite la manière de remplir le second.

2. Les surfaces de tous les corps de la nature pouvant être considérées comme composées de points, le premier pas que nous allons faire dans cette matière doit être d’indiquer la manière dont on exprime la position d’un point dans l’espace.

L’espace est sans limites ; toutes ses parties sont parfaitement semblables, elles n’ont rien qui les caractérise, et aucune d’elles ne peut servir de terme de comparaison pour indiquer la position d’un point.

Ainsi, pour définir la position d’un point dans l’espace, il faut nécessairement rapporter cette position à quelques autres objets, distincts des parties de l’espace qui les renferme, et qui soient eux-mêmes connus de position, tant de celui qui définit, que de celui qui veut entendre la définition ; et pour que le procédé puisse devenir lui-même d’un usage facile et journalier, il faut que ces objets soient aussi simples qu’il est possible, et que leur position soit la plus facile à concevoir.

3. Parmi tous les objets simples, nous allons rechercher quels sont ceux qui présentent plus de facilité pour la détermination de la position d’un point ; et parce que la géométrie n’offre rien de plus simple qu’un point, nous examinerons dans quel genre de considérations on seroit entraîné, si, pour déterminer la position d’un point, on le rapportoit à un certain nombre d’autres points dont la position seroit connue ; enfin, pour mettre plus de clarté dans cette exposition, nous désignerons ces points connus par les lettres successives A, B, C, etc.

Supposons d’abord, que la définition de la position du point comporte qu’il soit à un mètre de distance du point connu A.

Tout le monde sait que la propriété de la surface de la sphère est d’avoir tous ses points à égale distance de son centre. Ainsi cette partie de la définition exprime que le point que l’on veut déterminer a la même propriété que tous ceux de la surface d’une sphère dont le centre seroit au point A, et dont le rayon seroit un mètre. Mais les points de la surface de la sphère sont les seuls dans tout l’espace qui aient cette propriété ; car tous les points de l’espace qui sont au-delà de cette surface par rapport au centre sont plus éloignés du centre que d’un mètre, et tous ceux qui sont entre cette surface et le centre sont au contraire moins éloignés du centre que d’un mètre : donc tous les points de la surface de la sphère non seulement jouissent de la propriété énoncée dans la proposition, mais encore ils sont les seuls qui en jouissent ; donc enfin cette proposition exprime que le point cherché est un de ceux de la surface d’une sphère dont le centre seroit au point A, et dont le rayon seroit un mètre. Par-là ce point est actuellement distinct d’une infinité d’autres placés dans l’espace ; mais il est encore confondu avec tous ceux de la surface de la sphère, il faut d’autres conditions pour le reconnoître parmi eux.

Supposons ensuite que, d’après la définition de la position du point, il doive être à deux mètres de distance du second point connu B : il est évident qu’en raisonnant pour cette seconde condition comme pour la première, le point doit encore être un de ceux de la surface d’une seconde sphère, dont le centre seroit au point B, et dont le rayon seroit deux mètres. Ce point, devant se trouver en même temps et sur la surface de la première sphère et sur celle de la deuxième, ne peut plus être confondu qu’avec ceux qui sont communs aux deux surfaces, et qui sont dans leur commune intersection : or, pour peu qu’on soit familiarisé avec les considérations géométriques, on sait que l’intersection des surfaces de deux sphères est la circonférence d’un cercle dont le centre est sur la droite qui joint ceux des deux sphères, et dont le plan est perpendiculaire à cette droite ; donc, en vertu des deux conditions réunies, le point cherché est actuellement distinct de ceux qui sont sur les surfaces des deux sphères, et il ne peut plus être confondu qu’avec ceux de la circonférence du cercle, qui jouissent tous des deux conditions énoncées et qui en jouissent seuls. Il faut donc encore une troisième condition pour le distinguer.

Supposons, enfin, que le point doive se trouver à trois mètres de distance d’un troisième point C, connu. Cette troisième condition le place parmi tous ceux de la surface d’une troisième sphère, dont le centre seroit au point C, et dont le rayon seroit trois mètres. Et parce que nous avons vu qu’il doit être sur la circonférence d’un cercle connu de position, pour satisfaire en même temps aux trois conditions, il faut qu’il soit un des points communs et à la surface de la troisième sphère et à la circonférence du cercle : or on sait qu’une circonférence du cercle et la surface d’une sphère ne peuvent se couper qu’en deux points ; donc, en vertu des trois conditions, le point se trouve distingué de tous ceux de l’espace, et ne peut plus être que l’un de deux points déterminés ; en sorte qu’en indiquant de plus de quel côté il est placé par rapport au plan qui passe par les trois centres, ce point est absolument déterminé, et ne peut plus être confondu avec aucun autre.

On voit qu’en employant, pour déterminer la position d’un point dans l’espace, ses distances à d’autres points connus, et dont le nombre est nécessairement trois, l’on est entraîné dans des considérations qui ne sont pas assez simples pour servir de base à des procédés d’un usage habituel.

4. Recherchons actuellement quelles seroient les considérations auxquelles on seroit conduit, si, au lieu de rapporter la position d’un point à trois autres points connus, on le rapportoit à des droites données de position.

Nous ferons observer auparavant, qu’une ligne droite ne doit jamais être considérée comme terminée, et qu’elle peut toujours être indéfiniment prolongée dans l’un et dans l’autre sens.

Pour simplifier, nous nommerons successivement A, B, C, etc., les droites que nous serons obligés d’employer.

Si de la définition de la position du point il résulte qu’il doive se trouver, par exemple, à un mètre de distance de la première droite connue A, on énonce que ce point est l’un de ceux de la surface d’un cylindre à base circulaire, dont l’axe seroit la droite A, dont le rayon seroit un mètre, et qui seroit indéfiniment prolongé dans les deux sens de sa longueur ; car tous les points de cette surface jouissent de la propriété énoncée dans la définition, et sont les seuls qui en jouissent. Par-là, le point est distingué de tous les points de l’espace qui sont en dehors de la surface cylindrique ; il est pareillement distingué de tous ceux qui sont dans l’intérieur du cylindre, et il ne peut être confondu qu’avec ceux de la surface cylindrique, parmi lesquels on ne peut le distinguer qu’au moyen de conditions nouvelles.

Supposons donc que le point cherché doive, en outre, être placé à deux mètres de distance de la seconde ligne droite B : on voit de même que par-là on place ce point sur la surface d’un second cylindre à base circulaire, dont l’axe seroit la ligne droite B, et dont le rayon seroit deux mètres, mais avec tous les points de laquelle il est confondu, si l’on ne considère que la seconde condition seule. En réunissant ces deux conditions, il doit donc se trouver en même temps et sur la première surface cylindrique, et sur la seconde : donc il ne peut être que l’un des points communs à ces deux surfaces, c’est-à-dire, l’un de leur commune intersection. Cette ligne, sur laquelle doit se trouver le point, participe de la courbure de la surface du premier cylindre, et de la courbure de celle du second, et est, en général, du genre de celles qu’on appelle courbes à double courbure.

Pour distinguer le point de tous ceux de cette ligne, il faut une troisième condition.

Supposons enfin que la définition énonce que le point demandé doive encore être à trois mètres de distance d’une troisième ligne droite C.

Cette nouvelle condition exprime qu’il est un de ceux de la surface d’un troisième cylindre à base circulaire, dont la troisième ligne droite C seroit l’axe, et qui auroit trois mètres de rayon : donc, en réunissant les trois conditions, le point cherché ne peut plus être qu’un de ceux qui sont communs, et à la troisième surface cylindrique, et à la courbe à double courbure, intersection des deux premières. Or cette courbe peut en général être coupée par la troisième surface cylindrique en huit points ; donc les trois conditions réduisent le point cherché à être l’un de huit points déterminés, et parmi lesquels on ne peut le distinguer que par quelques conditions particulières du genre de celles dont nous avons donné un exemple dans le cas des points.

On voit que les considérations auxquelles on est conduit pour déterminer la position d’un point dans l’espace par la connoissance de ses distances à trois lignes droites connues, sont encore bien moins simples que celles auxquelles donnent lieu ses distances à trois points, et qu’ainsi elles peuvent encore moins servir de base à des méthodes qui doivent être d’un service fréquent.

5. Parmi les objets simples que la géométrie considère, il faut remarquer principalement, 1o. le point qui n’a aucune dimension ; 2o. la ligne droite qui n’en a qu’une ; 3o. le plan qui en a deux. Recherchons s’il ne seroit pas plus simple de déterminer la position d’un point par la connoissance de ses distances à des plans connus, qu’il ne l’est d’employer ses distances à des points ou à des lignes droites.

Supposons donc qu’il y ait dans l’espace, des plans non parallèles, connus de position, et que nous désignerons successivement par les lettres A, B, C, D, etc.

Si, d’après la définition de la position du point, il doit être, par exemple, à un mètre de distance du premier plan A, sans qu’il soit exprimé de quel côté il doit être placé par rapport à ce plan, on énonce qu’il est un de ceux de deux plans parallèles au plan A, placés l’un d’un côté de ce plan, l’autre de l’autre, et tous deux à un mètre de distance du premier : car tous les points de ces deux plans parallèles satisfont à la condition exprimée, et sont, de tous ceux de l’espace, les seuls qui y satisfassent.

Pour distinguer, parmi tous les points de ces deux plans, celui dont on veut définir la position, il faut donc encore avoir recours à d’autres conditions.

Supposons, en second lieu, que le point cherché doive être à deux mètres de distance du second plan B : par-là on le place sur deux plans parallèles au plan B, tous deux à deux mètres de distance de ce plan, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Pour satisfaire en même temps aux deux conditions, il faut donc qu’il se trouve, et sur l’un des deux plans parallèles au plan A, et sur l’un des deux plans parallèles au plan B ; et par conséquent, qu’il soit l’un des points de la commune intersection de ces quatre plans. Or, la commune intersection de quatre plans parallèles deux à deux, et de position connue, est l’assemblage de quatre lignes droites également connues de position ; donc, en considérant en même temps ces deux conditions, le point n’est plus confondu avec tous ceux de l’espace, ni même avec tous ceux de quatre plans, mais seulement avec ceux de quatre lignes droites. Enfin, si le point doit être aussi à trois mètres de distance du troisième plan C, on exprime qu’il doit être l’un de ceux de deux autres plans parallèles au plan C, et placés de part et d’autre, par rapport à lui, à trois mètres de distance. Ainsi, en vertu des trois conditions, il doit être en même temps, et sur l’un des deux derniers plans, et sur l’une des quatre lignes droites, intersections des quatre premiers plans : il ne peut donc être que l’un des points communs et à l’un de ces deux plans et à l’une des quatre droites. Or, chacun des deux plans ayant un point commun avec chacune des quatre lignes droites, y a huit points dans l’espace qui satisfont à la fois aux trois conditions donc, par ces trois conditions réunies, le point demandé ne peut plus être que l’un des huit points déterminés, et parmi lesquels on ne peut le distinguer qu’au moyen de quelques conditions particulières.

Par exemple, si, en indiquant la distance au premier plan A, on exprime aussi dans quel sens, par rapport à ce plan, la distance doit être prise ; au lieu de deux plans parallèles au plan A, il n’y en a plus qu’un qu’il faille considérer, c’est celui qui est placé par rapport à lui, du côté vers lequel la distance doit être mesurée. De même, si on indique dans quel sens, par rapport au second plan, la distance doit être prise, on exclut la considération d’un des deux plans parallèles au second ; et il n’y en a plus qu’un dont tous les points satisfassent à la seconde condition ; et en réunissant ces conditions, le point ne peut plus être sur les quatre droites d’intersection de quatre plans parallèles deux à deux, mais seulement sur l’intersection de deux plans, c’est-à-dire, sur une ligne droite connue de position. Enfin, si l’on indique aussi de quel côté le point doit être placé par rapport au troisième plan, de deux plans parallèles au troisième il n’y en aura plus qu’un dont tous les points satisfassent à la dernière condition ; et pour satisfaire en même temps à ces trois conditions, le point devra se trouver à l’intersection de ce troisième plan avec la droite unique, intersection des deux premiers. Il ne pourra donc plus être confondu avec aucun autre dans l’espace, et il sera par conséquent entièrement déterminé.

On voit donc que, quoique, par rapport au nombre de ses dimensions, le plan soit un objet moins simple que la ligne droite qui n’en a qu’une, et que le point qui n’en a pas, il présente cependant plus de facilité que le point et la ligne droite pour la détermination d’un point dans l’espace : c’est ce procédé que l’on emploie ordinairement dans l’application de l’algèbre à la géométrie, où, pour chercher la position d’un point, on a coutume de chercher ses distances à trois plans connus de position.

Mais dans la géométrie descriptive, qui a été pratiquée depuis beaucoup plus long-temps par un beaucoup plus grand nombre d’hommes, et par des hommes dont le temps étoit précieux, les procédés se sont encore simplifiés ; et au lieu de la considération de trois plans, on est parvenu, au moyen des projections, à n’avoir plus besoin explicitement que de celle de deux.

6. On appelle projection d’un point sur un plan le pied de la perpendiculaire abaissée du point sur le plan.

Cela posé, si l’on a deux plans connus de position dans l’espace, et si l’on donne, sur chacun de ces plans, la projection du point dont on veut définir la position, ce point sera parfaitement déterminé.

En effet, si par la projection sur le premier plan on conçoit une perpendiculaire à ce plan, il est évident qu’elle passera par le point défini ; de même si, par sa projection sur le second plan, on conçoit une perpendiculaire sur ce plan, elle passera de même par le point défini : donc ce point sera en même temps sur deux lignes droites connues de position dans l’espace ; donc il sera le point unique de leur intersection ; donc enfin il sera parfaitement déterminé.

Dans les paragraphes suivans, on indiquera les moyens de rendre ce procédé d’un usage facile, et de nature à être employé sur une seule feuille de dessin.

7. Fig. 1. Si, de tous les points d’une ligne droite indéfinie A B, placée d’une manière quelconque dans l’espace, on conçoit des perpendiculaires abaissées sur un plan L M N O, donné de position, tous les points de rencontre de ces perpendiculaires avec le plan seront dans une autre ligne droite indéfinie a b ; car elles seront toutes comprises dans le plan mené par A B perpendiculairement au plan L M N O, et elles ne pourront rencontrer ce dernier que dans l’intersection commune de deux plans, qui, comme on sait, est une ligne droite.

Figure 1 : Projection d’une droite sur un plan
Fig. 1.

La droite a b, qui passe ainsi par les projections de tous les points d’une autre droite A B sur un plan L M N O, est ce qu’on appelle la projection de la droite A B sur ce plan.

Comme deux points suffisent pour déterminer la position d’une ligne droite ; pour construire la projection d’une droite, il suffit de construire celles des deux de ses points, et la droite menée par les projections de ces points sera la projection demandée.

Il suit de là que, si la droite proposée est elle-même perpendiculaire au plan de projection, sa projection se réduira à un seul point, qui sera celui de sa rencontre avec le plan.

Fig. 2. Étant données sur deux plans non parallèles L M N O, L M P Q, les projections a b, a′ b′, d’une même droite indéfinie A B, cette droite est déterminée : car, si par l’une des projections a b l’on conçoit un plan perpendiculaire à L M N O, ce plan, connu de position, passera nécessairement par la droite A B ; de même, si par l’autre projection a′ b′ on conçoit un plan perpendiculaire à L M P Q, ce plan, connu de position, passera par la droite A B. La position de cette droite, qui se trouve en même temps sur deux plans connus, et par conséquent à leur commune intersection, est donc absolument déterminée.

Figure 2 : Principe de la géométrie descriptive
Fig. 2.

8. Ce que nous venons de dire est indépendant de la position des plans de projections, et a lieu également, quel que soit l’angle que ces deux plans fassent entre eux. Mais si l’angle que forment les deux plans de projections est très-obtus, l’angle que forment entre eux ceux qui leur sont perpendiculaires, est très-aigu ; et dans la pratique, de petites erreurs pourroient en apporter de très-grandes dans la détermination de la position de la droite. Pour éviter cette cause d’inexactitude, à moins qu’on n’en soit détourné par quelques considérations qui présentent de plus grandes facilités, on fait toujours en sorte que les plans de projections soient perpendiculaires entre eux. De plus, comme la plupart des artistes qui font usage de la méthode des projections sont très-familiarisés avec la position d’un plan horizontal et la direction du fil à plomb, ils ont coutume de supposer que, des deux plans de projections, l’un soit horizontal et l’autre vertical.

La nécessité de faire en sorte que dans les dessins les deux projections soient sur une même feuille, et que dans les opérations en grand elles soient sur une même aire, a encore déterminé les artistes à concevoir que le plan vertical ait tourné autour de son intersection avec le plan horizontal, comme charnière, pour s’abattre sur le plan horizontal, et ne former avec lui qu’un seul et même plan, et à construire leurs projections dans cet état.

Ainsi la projection verticale est toujours tracée de fait sur un plan horizontal, et il faut perpétuellement concevoir qu’elle soit dressée et remise en place, au moyen d’un quart de révolution autour de l’intersection du plan horizontal avec le plan vertical. Pour cela, il faut que cette intersection soit tracée d’une manière très-visible sur le dessin.

Ainsi, dans la fig. 2, la projection a′ b′ de la droite A B ne s’exécute pas sur un plan qui soit réellement vertical : on conçoit que ce plan ait tourné autour de la droite L M pour s’appliquer en L M P′ Q′ ; et c’est dans cette position du plan qu’on exécute la projection verticale a′ b′.

Indépendamment des facilités d’exécution que présente cette disposition, elle a encore l’avantage d’abréger le travail des projections. En effet, supposons que les points a, a′, soient les projections horizontales et verticales du point A, le plan mené par les droites A a, A a′ sera en même temps perpendiculaire aux deux plans de projection, puisqu’il passe par des droites qui leur sont perpendiculaires ; il sera donc aussi perpendiculaire à leur commune intersection L M ; et les droites a C, a′ C, suivant lesquelles ils coupent ces deux plans, seront elles-mêmes perpendiculaires à L M.

Or, lorsque le plan vertical tourne autour de L M comme charnière, la droite a′ C ne cesse pas, dans ce mouvement d’être perpendiculaire à L M ; et elle lui est encore perpendiculaire, lorsque le plan vertical étant abattu, elle a pris la position C′ a″. Donc les deux droites a C, C a″, passant toutes deux par le point C, et étant toutes deux perpendiculaires à L M, sont dans le prolongement l’une de l’autre ; il en est de même des droites b D, D b″, par rapport à tout autre point comme B. D’où il suit que, si on a la projection horizontale d’un point, la projection de ce même point sur le plan vertical supposé abattu sera dans la droite, menée par la projection horizontale perpendiculairement à l’intersection L M des deux plans de projection, et réciproquement.

Ce résultat est d’un usage très-fréquent dans la pratique.

9. Jusqu’à présent nous avons regardé la ligne droite A B (fig. 2) comme indéfinie, et alors nous n’avions à nous occuper que de sa direction mais il peut se faire que cette droite soit considérée comme terminée par deux de ses points A, B ; et alors on peut de plus avoir besoin de connoître sa grandeur. Nous allons voir comment on peut la déduire de la connoissance de ses deux projections.

Lorsqu’une droite est parallèle à un des deux plans sur lesquels elle est projetée, sa longueur est égale à celle de sa projection sur ce plan ; car la droite et sa projection, étant toutes deux terminées à deux perpendiculaires au plan de projection, sont parallèles entre elles, et comprises entre parallèles. Ainsi, dans ce cas particulier, la projection étant donnée, la longueur de la droite qui lui est égale est aussi donnée.

On est assuré qu’une droite est parallèle à un des deux plans de projection, lorsque sa projection sur l’autre est parallèle au premier de ses plans. Si la droite est en même temps oblique aux deux plans, sa longueur est plus grande que celle de chacune de ses projections ; mais elle peut en être déduite par une construction très-simple.

Fig. 2. Soit A B la ligne droite, dont les deux projections a b, a′ b′ en soient données, et dont il faille trouver la longueur ; si par une de ses extrémités A, et dans le plan vertical qui passe par la droite, on conçoit une horizontale A E, prolongée jusqu’à ce qu’elle rencontre en E la verticale abaissée par l’autre extrémité, on formera un triangle rectangle A E B, qu’il s’agit de construire pour avoir la longueur de la droite A B, qui en est l’hypoténuse. Or, dans ce triangle, indépendamment de l’angle droit, on connoît le côté A E, qui est égal à la projection donnée a b. De plus, si dans le plan vertical on mène par le point a′ d’une horizontale a′ e, qui sera la projection de A E, elle coupera la verticale b′ D, en un point e, qui sera la projection du point E. Ainsi b′ e sera la projection verticale de B E, et sera par conséquent de même longueur qu’elle. Donc, connoissant les deux côtés de l’angle droit, il sera facile de construire le triangle, dont l’hypoténuse donnera la longueur de A B.

La figure 2, étant en perspective, n’a aucun rapport avec les constructions de la méthode des projections : nous allons donner ici la construction de cette première question dans toute sa simplicité.

Figure 3 : Détermination de la longueur d’une droite à partir de son épure
Fig. 3.

Fig. 3. La droite L M étant supposée l’intersection des deux plans de projections, et les droites a b, a″ b″ étant les projections données d’une ligne droite ; pour trouver la longueur de cette droite par le point a″, on mènera l’horizontale indéfinie H e, qui coupera la droite b b″ en un point e, et sur laquelle, à partir de ce point, on portera a b de e en H. On mènera l’hypoténuse H b″, et la longueur de cette hypoténuse sera celle de la droite demandée.

Comme les deux plans de projections sont rectangulaires, l’opération que l’on vient de faire sur un de ces plans pouvoit être faite sur l’autre, et auroit donné le même résultat.

D’après ce qui précède, on voit que si l’on a les deux projections d’un corps terminé par des faces planes, par des arêtes rectilignes, et par des sommets d’angles solides, projections qui se réduisent aux systêmes de celles des arêtes rectilignes, il sera facile d’en conclure la longueur de telle de ses dimensions qu’on voudra : car, ou cette dimension sera parallèle à un des deux plans de projections, ou elle sera en même temps oblique aux deux ; dans le premier cas, la longueur demandée de la dimension sera égale à sa projection ; dans le second, on la déduira de ses deux projections par le procédé que nous venons de décrire.

10. Ce seroit ici le lieu d’indiquer la manière dont se construisent les projections des solides terminés par des plans et des arêtes rectilignes ; mais il n’y a pour cette opération aucune règle générale ; on sent en effet que, selon la manière dont la position des sommets des angles d’un solide est définie, la construction de leurs projections peut être plus ou moins facile, et que la nature de l’opération doit dépendre de celle de la définition. Il en est précisément de cet objet comme de l’algèbre, dans laquelle il n’y a aucun procédé général pour mettre un problême en équations. Dans chaque cas particulier, la marche dépend de la manière dont la relation entre les quantités données et celles qui sont inconnues est exprimée ; et ce n’est que par des exemples variés que l’on peut accoutumer les commençans à saisir ces relations et à les écrire par des équations. Il en est de même pour la géométrie descriptive. Ce sera par des exemples nombreux et par l’usage de la règle et du compas dans nos salles d’exercice, que nous acquerrons l’habitude des constructions, et que nous nous accoutumerons au choix des méthodes les plus simples et les plus élégantes dans chaque cas particulier. Mais aussi, de même qu’en analyse, lorsqu’un problême est mis en équation, il existe des procédés pour traiter ces équations et pour en déduire les valeurs de chaque inconnue ; de même aussi, dans la géométrie descriptive, lorsque les projections sont faites, il existe des méthodes générales pour construire tout ce qui résulte de la forme et de la position respective des corps.

Ce n’est pas sans objet que nous comparons ici la géométrie descriptive à l’algèbre ; ces deux sciences ont les rapports les plus intimes. Il n’y a aucune construction de géométrie descriptive qui ne puisse être traduite en analyse ; et lorsque les questions ne comportent pas plus de trois inconnues, chaque opération analytique peut être regardée comme l’écriture d’un spectacle en géométrie.

Il seroit à desirer que ces deux sciences fussent cultivées ensemble : la géométrie descriptive porteroit dans les opérations analytiques les plus compliquées l’évidence qui est son caractère, et, à son tour, l’analyse porteroit dans la géométrie la généralité qui lui est propre.

11. La convention qui sert de base à la méthode des projections est propre à exprimer la position d’un point dans l’espace, à exprimer celle d’une ligne droite indéfinie ou terminée, et par conséquent à représenter la forme et la position d’un corps terminé par des faces planes, par des arêtes rectilignes et par des sommets d’angles solides, parce que, dans ce cas, le corps est entièrement connu, quand on connoît la position de toutes ses arêtes et celle des sommets de tous ses angles. Mais si le corps étoit terminé, ou par une surface courbe unique, et dont tous les points fussent assujettis à une même loi, comme dans le cas de la sphère, ou par l’assemblage discontinu de plusieurs parties de surfaces courbes différentes, comme dans le cas d’un corps façonné sur le tour ; cette convention non-seulement seroit incommode, impraticable, et n’auroit pas l’avantage de faire image, mais encore elle manqueroit de fécondité et elle seroit insuffisante.

D’abord il est facile de voir que la convention que nous avons faite seroit incommode et même impraticable, si elle étoit seule : car pour exprimer la position de tous les points d’une surface courbe, il faudroit non-seulement que chacun d’eux fût indiqué par sa projection horizontale et par sa projection verticale : mais encore que les deux projections d’un même point fussent liées entre elles, afin qu’on ne fût pas exposé à combiner la projection horizontale d’un certain point avec la projection verticale d’un autre ; et la manière la plus simple de lier entre elles ces deux projections étant de les joindre par une même droite perpendiculaire à la ligne d’intersection des deux plans de projections, on surchargeroit les dessins d’un nombre prodigieux de lignes, qui y jetteroient une confusion d’autant plus grande, qu’on voudroit approcher davantage de l’exactitude. Nous allons faire voir ensuite que cette méthode seroit insuffisante, et qu’elle manqueroit de la fécondité nécessaire.

Parmi le nombre infini de surfaces courbes, différentes, il en existe quelques-unes qui ne s’étendent que dans une partie finie et circonscrite de l’espace, et dont les projections ont une étendue limitée dans toutes les directions ; celle de la sphère, par exemple, est dans ce cas. L’étendue de sa projection sur un plan se réduit à celle d’un cercle de même rayon que la sphère ; et on peut concevoir que le plan sur lequel on doit en faire la projection, ait des dimensions assez grandes pour la recevoir. Mais toutes les surfaces cylindriques sont indéfinies dans une certaine direction, comme la droite qui leur sert de génératrice. Le plan lui-même, qui est la plus simple des surfaces, est indéfini dans deux sens. Enfin il existe un grand nombre de surfaces dont les nappes multipliées s’étendent en même temps dans toutes les régions de l’espace. Or, les plans sur lesquels on exécute les projections ont nécessairement une étendue limitée. Si donc on n’avoit d’autre moyen pour faire connoître la nature d’une surface courbe, que les deux projections de chacun des points par lesquels elle passe, ce moyen ne seroit applicable qu’à ceux des points de la surface qui correspondroient à l’étendue des plans de projections ; tous ceux qui seroient au-delà ne pourroient être ni exprimés ni connus : ainsi la méthode seroit insuffisante. Enfin elle manqueroit de fécondité, parce qu’on ne pourroit en déduire rien de ce qui seroit relatif aux plans tangens de la surface, à ses normales, à ses deux courbures en chaque point, à ses lignes d’inflexion, à ses arêtes de rebroussement, à ses lignes, multiples, à ses points multiples, à toutes les affections enfin qu’il est nécessaire de considérer, dès qu’on veut opérer sur une surface courbe.

Il a donc fallu avoir recours à une convention nouvelle qui fût compatible avec la première, et qui pût la suppléer partout où elle auroit été insuffisante. C’est cette convention nouvelle que nous allons exposer.

12. Il n’y a aucune surface courbe qui ne puisse être regardée comme engendrée par le mouvement d’une ligne courbe, ou constante de forme lorsqu’elle change de position, ou variable en même temps et de forme et de position dans l’espace. Comme cette proposition pourroit être difficile à comprendre à cause de sa généralité, nous allons l’expliquer sur quelques-uns des exemples avec lesquels nous sommes déja familiarisés.

Les surfaces cylindriques peuvent être engendrées de deux manières principales, ou par le mouvement d’une ligne droite qui reste toujours parallèle à une droite donnée pendant qu’elle se meut, en s’appuyant toujours sur une courbe donnée, ou par le mouvement de la courbe qui servoit de conductrice dans le premier cas, et qui se meut de manière que, s’appuyant toujours par le même point sur une droite donnée, tous ses autres points décrivent des lignes parallèles à cette droite. Dans l’une et l’autre de ces deux générations, la ligne génératrice, qui est une droite dans le premier cas, et une courbe quelconque dans le second, est constante de forme elle ne fait que changer de position dans l’espace.

Les surfaces coniques ont de même deux générations principales.

On peut d’abord les regarder comme engendrées par une droite indéfinie qui, étant assujettie à passer toujours par un point donné, se meut de manière qu’elle s’appuie constamment sur une courbe donnée qui la dirige dans son mouvement. Le point unique par lequel passe toujours la droite est le centre de la surface ; c’est improprement qu’on lui a donné le nom de sommet. Dans cette génération, la ligne génératrice est encore constante de forme ; elle ne cesse jamais d’être une ligne droite.

On peut ensuite engendrer les surfaces coniques d’une autre manière, que, pour plus de simplicité, nous n’appliquerons ici qu’au cas de celles qui sont à bases circulaires. Les surfaces peuvent être regardées comme parcourues par la circonférence d’un cercle qui se meut de manière que son plan restant toujours parallèle à lui-même et son centre se trouvant toujours sur la droite dirigée au sommet, dirigée au sommet, son rayon dans chaque instant du mouvement soit proportionnel à la distance de son centre au sommet. On voit que si, dans son mouvement, le plan du cercle tend à s’approcher du sommet de la surface, le rayon du cercle décroît pour devenir nul lorsque le plan passe par le sommet, et que ce rayon change de sens pour croître ensuite indéfiniment, lorsque le plan, après avoir passé par le sommet, s’en écarte de plus en plus. Dans cette seconde génération, non seulement la circonférence du cercle, qui est la courbe génératrice, change de position ; elle change encore de forme à chaque instant de son mouvement, puisqu’elle change de rayon, et par conséquent de courbure et d’étendue.

Citons enfin un troisième exemple.

Une surface de révolution peut être engendrée par le mouvement d’une courbe plane qui tourne autour d’une ligne droite placée d’une manière quelconque dans son plan. Dans cette manière de la considérer, sa courbe génératrice est constante de forme ; elle est seulement variable de position. Mais aussi on peut la regarder comme engendrée par la circonférence d’un cercle qui se meut de manière que son centre étant toujours sur l’axe, et son plan étant toujours perpendiculaire à cet axe, son rayon soit à chaque instant égal à la distance du point où le plan du cercle coupe l’axe, à celui où il coupe une courbe quelconque donnée dans l’espace. Alors la courbe génératrice change en même temps et de forme et de position.

Ces trois exemples doivent suffire pour faire comprendre que toutes les surfaces courbes peuvent être engendrées par le mouvement de certaines lignes courbes, et qu’il n’y en a aucune dont la forme et la position ne puissent être entièrement déterminées par la définition exacte et complète de sa génération. C’est cette nouvelle considération qui forme le complément de la méthode des projections. Nous aurons souvent occasion, par la suite, de nous assurer et de sa simplicité et de sa fécondité.

Ce n’est donc pas en donnant les projections des points individuels par lesquels passe une surface courbe, que l’on en détermine la forme et la position, mais en mettant à portée de construire pour un point quelconque la courbe génératrice, suivant la forme et la position qu’elle doit avoir en passant par ce point. Sur quoi il faut observer, 1o. que chaque surface courbe pouvant être engendrée d’un nombre infini de manières différentes, il est de l’adresse et de la sagacité de celui qui opère, de choisir, parmi toutes les générations possibles, celle qui emploie la courbe la plus simple, et qui exige les considérations les moins pénibles ; 2o. qu’un long usage a appris qu’au lieu de ne considérer pour chaque surface courbe qu’une seule de ses générations, ce qui exigeoit l’étude de la loi du mouvement et celle du changement de forme de sa génération, il est souvent plus simple de considérer en même temps deux générations différentes, et d’indiquer pour chaque point la construction des deux courbes génératrices.

Ainsi dans la géométrie descriptive, pour exprimer la forme et la position d’une surface courbe, il suffit, pour un point quelconque de cette surface, et dont une des projections peut être prise à volonté, de donner la manière de construire les projections horizontales et verticales de deux génératrices différentes qui passent par ce point.

13. Appliquons actuellement ces généralités au plan, qui, de toutes les surfaces, est la plus simple, et celle dont l’emploi est le plus fréquent.

Le plan est engendré par une première droite donnée d’abord de position, et qui se meut de manière que tous ses points décrivent des droites parallèles à une seconde droite donnée. Si la seconde droite est elle-même dans le plan que l’on considère, on peut dire aussi que ce plan est engendré par la seconde droite, qui se meut de manière que tous ses points décrivent des droites parallèles à la première.

On a donc l’idée de la position d’un plan par la considération de deux lignes droites, dont chacune peut être regardée comme sa génératrice. La position de ces deux droites, dans le plan qu’elles peuvent engendrer, est absolument indifférente : il ne s’agit donc, pour la méthode des projections, que de choisir celles qui exigent les constructions les plus simples. C’est pour cela que dans la géométrie descriptive, on indique la position d’un plan en donnant les deux droites suivant lesquelles il coupe les plans de projections. Il est facile de reconnoître que ces deux droites doivent rencontrer en un même point l’intersection des deux plans de projections, et que par conséquent ce point est celui où elles se rencontrent elles-mêmes.

Comme il arrivera très-fréquemment que nous ayons des plans à considérer, pour abréger le langage nous donnerons le nom de traces aux droites selon lesquelles chacun d’eux coupera les plans de projections, et qui serviront à indiquer sa position.

14. Ces préliminaires étant posés, nous allons passer aux solutions de plusieurs questions successives, qui rempliront le double objet de nous exercer à la méthode des projections, et de nous procurer les moyens de faire ensuite de nouveaux progrès dans la géométrie descriptive.

Première question. Étant donné (fig. 4) un point dont les projections soient D, d, et une droite dont les projections soient A B et a b, construire les projections d’une seconde droite menée par le point donné parallèlement à la première ?

Figure 4 : Construction d’une parallèle à une droite donnée par un point donné
Fig. 4.

Solution. Les deux projections horizontales de la droite donnée et de la droite cherchée doivent être parallèles entre elles ; car elles sont les intersections de deux plans verticaux parallèles, par un même plan. Il en est de même des projections verticales des mêmes droites. De plus, la droite demandée devant passer par le point donné, ses projections doivent passer respectivement par celles du même point. Donc, si par le point D on mène E F parallèle à A B, et si par le point d on mène e f parallèle à a b, les droites E F et e f seront les projections demandées.

15. Seconde question. Étant donné (fig. 5) un plan dont les deux traces soient A B, B C, et un point dont les projections soient G, g, construire les traces d’un second plan mené par le point donné parallèlement au premier ?

Figure 5 : Étant donnés un plan et un point, tracé du plan parallèle au premier passant par ce point.
Fig. 5.

Solution. Les traces du plan demandé doivent être parallèles aux traces respectives du plan donné, puisque ces traces, considérées deux à deux, sont les intersections de deux plans parallèles par un même plan. Il ne reste donc plus à trouver, pour chacune d’elles, qu’un seul des points par lesquels elle doit passer. Pour cela, par le point donné, concevons une droite horizontale qui soit dans le plan cherché ; cette droite sera parallèle à la trace A B, et elle coupera le plan vertical en un point, qui sera un de ceux de la trace du plan cherché sur le vertical ; et l’on aura ses deux projections en menant par le point g l’horizontale indéfinie g F, et par le point G la droite G I, parallèle à A B. Si l’on prolonge G I jusqu’à ce qu’elle rencontre l’intersection LM des deux plans de projections en un point I, ce point sera la projection horizontale de l’intersection de la droite horizontale avec le plan vertical. Donc ce point d’intersection se trouvera sur la verticale I F, menée par le point I. Mais il doit aussi se trouver sur g F ; donc il se trouvera au point F d’intersection de ces deux dernières droites. Donc enfin, si par le point F on mène une parallèle à B C, elle sera, sur le plan vertical, la trace du plan cherché ; et si, après avoir prolongé cette trace jusqu’à ce qu’elle rencontre L M en un point E, on mène E D parallèle à A B, on aura la trace du même plan sur le plan horizontal.

Au lieu de concevoir sur le plan cherché une droite horizontale, on auroit pu concevoir une parallèle au plan vertical ; ce qui, par un raisonnement absolument semblable, auroit donné la construction suivante :

On mènera par le point G, et parallèlement à L M, la droite indéfinie G D ; par le point g on mènera g H parallèle à C B ; et on la prolongera jusqu’à ce qu’elle coupe L M en un point H, par lequel on mène H D perpendiculaire à L M : cette dernière coupera G D en un point D, par lequel, si l’on mène une parallèle à A B, on aura une des traces du plan demandé ; et si, après avoir prolongé cette trace jusqu’à ce qu’elle rencontre L M en un point E, on mène E F parallèle à B C, on aura la trace sur le plan vertical.

16. Troisième question. Étant donné (fig. 6) un plan dont les deux traces soient A B, B C, et un point dont les deux projections soient D, d, construire, 1o. les projections de la droite abaissée perpendiculairement du point sur le plan ; 2o. celle du point de rencontre de la droite et du plan ?

Figure 6 : Étant donnés un plan et un point, construction de la normale au plan passant par ce point.
Fig. 6.

Solution. Les perpendiculaires D G, d g, abaissées des points D et d sur les traces respectives du plan, seront les projections indéfinies de la droite demandée ; car, si par la perpendiculaire on conçoit un plan vertical, ce plan coupera le plan horizontal et le plan donné en deux droites qui seront l’une et l’autre perpendiculaires à la commune intersection A B de ces deux plans : or la première de ces droites étant la projection du plan vertical, est aussi celle de la perpendiculaire qu’il renferme ; donc la projection de cette perpendiculaire doit passer par le point D, et être perpendiculaire à A B.

La même démonstration a lieu pour la projection verticale.

Quant au point de rencontre de la perpendiculaire et du plan, il est évident qu’il doit se trouver sur l’intersection de ce plan avec le plan vertical mené par la perpendiculaire ; intersection qui est projetée indéfiniment sur E F. Si l’on avoit la projection verticale f e de cette intersection, elle contiendroit celle du point demandé ; et parce que ce point doit aussi être projeté sur la droite d g, il se trouveroit à l’intersection g des deux droites f e et d g. Il ne reste donc plus à trouver que la droite f e : or l’intersection du plan donné avec le plan vertical qui lui est perpendiculaire, rencontre le plan horizontal au point E, dont on aura la projection verticale e, en abaissant E e perpendiculairement sur L M ; et elle rencontre le plan vertical de projection en un point, dont la projection horizontale est l’intersection de la droite L M avec D G, prolongée, s’il est nécessaire, et dont la projection verticale doit être et sur la verticale F f et sur la trace C H ; elle sera donc au point f de leur intersection.

La projection verticale g du pied de la perpendiculaire étant trouvée, il est facile de construire sa projection horizontale ; car si l’on abaisse sur L M la perpendiculaire indéfinie g G, cette droite contiendra le point demandé : or la droite D F doit aussi le contenir ; donc il sera au point G de l’intersection de ces deux droites.

17. Quatrième question. Étant donnée (fig. 7) une droite dont les deux projections soient A B, a b, et un point dont les deux projections soient D, d, construire les traces du plan mené par le point perpendiculairement à la droite ?

Figure 7 : Étant donnés une droite et un point, tracé du plan perpendiculaire à la droite passant par ce point.
Fig. 7.

Solution. On sait déja, par la question précédente, que les deux traces doivent être perpendiculaires aux projections respectives des deux droites ; il reste à trouver, pour chacune d’elles, un des points par lesquels elle doit passer. Pour cela, si par le point donné on conçoit, dans le plan cherché, une horizontale prolongée jusqu’à la rencontre du plan vertical de projection, on aura sa projection verticale en menant par le point d’une horizontale indéfinie d G, et sa projection horizontale en menant par le point D une perpendiculaire à A B, prolongée jusqu’à ce qu’elle coupe L M en un point H, qui sera la projection horizontale du point de rencontre de l’horizontale, avec le plan vertical de projection. Ce point de rencontre qui doit se trouver dans la verticale H G et dans l’horizontale d G, et par conséquent au point G d’intersection de ces deux droites, sera donc un des points de la trace sur le plan vertical ; donc on aura cette trace en menant par le point G la droite F C perpendiculaire à a b ; donc enfin, si par le point C, où la première trace rencontre L M, on mène C E perpendiculaire à A B, on aura la seconde trace demandée.

S’il étoit question de trouver le point de rencontre du plan avec la droite, on opéreroit exactement comme dans la question précédente.

Enfin, s’il falloit abaisser une perpendiculaire du point donné sur la droite, on construiroit, comme nous venons de le dire, la rencontre de la droite avec le plan mené par le point donné, et qui lui seroit perpendiculaire ; et on auroit, pour chacune des deux projections de la perpendiculaire demandée, deux points par lesquels elle doit passer.

18. Cinquième question. Deux plans étant donnés de position (fig. 8), au moyen de leurs traces A B et A b pour l’un, C D et C d pour l’autre, construire les projections de la droite suivant laquelle ils se coupent ?

Figure 8 : Étant donnés deux plans, tracé de leur intersection.
Fig. 8.

Solution. Tous les points de la trace A B se trouvant sur le premier des deux plans donnés, et tous ceux de la trace C D se trouvant sur le second, le point E d’intersection de ces deux traces est évidemment sur les deux plans ; il est par conséquent un des points de la droite demandée. On reconnoîtra de même que le point F d’intersection des deux traces sur le plan vertical est encore un autre point de cette droite. L’intersection des deux plans est donc placée de manière qu’elle rencontre le plan horizontal en E, et le plan vertical en F. Donc, si l’on projette le point F sur le plan horizontal, ce qu’on fera en abaissant sur L M la perpendiculaire F f, et si l’on mène la droite f E, elle sera la projection horizontale de l’intersection des deux plans. De même, si l’on projette le point E sur le plan vertical en abaissant sur L M la perpendiculaire E e, et si l’on mène la droite e F, elle sera la projection verticale de la même intersection.

19. Sixième question. Deux plans (fig. 9) étant donnés, au moyen des traces A B, A b du premier, et des traces C D, C d du second, construire l’angle qu’ils forment entre eux ?

Figure 9 : Étant donnés deux plans, tracé de l’angle entre eux.
Fig. 9.

Solution. Après avoir construit, comme dans la question précédente, la projection horizontale E f de l’intersection des deux plans ; si l’on conçoit un troisième plan qui leur soit perpendiculaire, et qui soit par conséquent perpendiculaire à leur commune intersection ; ce troisième plan coupera les deux plans donnés en deux droites, qui comprendront entre elles un angle égal à l’angle demandé.

De plus, la trace horizontale de ce troisième plan sera perpendiculaire à la projection E f de l’intersection des deux plans donnés, et elle formera, avec les deux autres droites, un triangle dont l’angle opposé au côté horizontal sera l’angle demandé. Il ne s’agit donc plus que de construire ce triangle.

Or, il est indifférent par quel point de l’intersection des deux premiers plans passe le troisième ; on peut donc prendre sa trace à volonté sur le plan horizontal, pourvu qu’elle soit perpendiculaire à E f. Soit donc menée une droite quelconque G H, perpendiculaire à E f, terminée en G et en H aux traces des deux plans donnés, et qui rencontre E f en un point I, cette droite sera la base du triangle qu’il faut construire. Actuellement concevons que le plan de ce triangle tourne autour de sa base G H comme charnière, pour s’appliquer sur le plan horizontal ; dans ce mouvement, son sommet, qui est d’abord placé sur l’intersection des deux plans, ne sort pas du plan vertical mené par cette intersection, parce que ce plan vertical est perpendiculaire à G H ; et lorsque le plan du triangle est abattu, ce sommet se trouve sur un des points de la droite E f. Ainsi il ne reste plus à trouver que la hauteur du triangle, ou la grandeur de la perpendiculaire abaissée du point I sur l’intersection de deux plans.

Mais cette perpendiculaire est comprise dans le plan vertical mené par E f. Si donc on conçoit que ce plan tourne autour de la verticale f F pour s’appliquer sur le plan vertical de projection, et si l’on porte f E de f en e, f I de f en i, la droite e F sera la grandeur de la partie de l’intersection comprise entre les deux plans de projection ; et si du point l’on abaisse sur cette droite la perpendiculaire i k, elle sera la hauteur du triangle demandé.

Donc enfin portant i k de I en K, et achevant le triangle G K H, l’angle en K sera égal à l’angle formé par les deux plans.

20. Septième question. Deux droites qui se coupent dans l’espace (fig. 10), étant données par leurs projections horizontales A B, A C, et par leurs projections verticales a b, a c, construire l’angle qu’elles forment entre elles ?

Figure 10 : Étant données deux droites, tracé de l’angle qu’elles forment entre elles.
Fig. 10.

Avant de procéder à la solution, nous remarquerons que, puisque les deux droites données sont supposées se couper, le point A de rencontre de leurs projections horizontales, et le point a de rencontre de leurs projections verticales seront les projections du point dans lequel elles se coupent, et seront par conséquent dans la même droite a G A perpendiculaire à L M. Si les deux points A et a n’étoient pas dans une même perpendiculaire à LM, les droites données ne se couperoient pas, et par conséquent ne seroient pas dans un même plan.

Solution. On concevra les deux droites données prolongées jusqu’à ce qu’elles rencontrent le plan horizontal, chacune en un point, et l’on construira ces deux points de rencontre. Pour cela on prolongera les droites a b, a c, jusqu’à ce qu’elles coupent L M en deux points d, e, qui seront les projections verticales de ces deux points de rencontre : par les points d, e, on mènera dans le plan horizontal, et perpendiculairement à L M, deux droites indéfinies d D, e E, qui, devant passer chacune par un de ces points, détermineront leurs positions par leurs intersections D, E avec les projections horizontales respectives A B, A C, prolongées s’il est nécessaire.

Cela fait, si l’on mène la droite D E, cette droite et les deux parties des droites données, comprises entre leur point d’intersection et les points D, E, formeront un triangle, dont l’angle opposé à D E sera l’angle demandé ; ainsi il ne s’agira plus que de construire ce triangle. Pour cela, après avoir abaissé du point A sur D E la perpendiculaire indéfinie A F, si l’on conçoit que le plan du triangle tourne autour de sa base D E comme charnière, jusqu’à ce qu’il soit abattu sur le plan horizontal ; le sommet de ce triangle, pendant son mouvement ne sortira pas du plan vertical mené par A F, et viendra s’appliquer quelque part sur le prolongement de F A en un point H, dont il ne restera plus à trouver que la distance à la base D E.

Or la projection horizontale de cette distance est la droite A F, et la hauteur verticale d’une de ses extrémités au-dessus de l’autre est égale à a G ; donc, en vertu de la fig. 3, si sur LM on porte A F de G en f, et si l’on mène l’hypoténuse a f, cette hypoténuse sera la distance demandée. Donc enfin, si l’on porte a f de F en H, et si par le point H on mène les deux droites H D, H E, le triangle sera construit, et l’angle D H E sera l’angle demandé.

21. Huitième question. Étant données les projections d’une droite et les traces d’un plan, construire l’angle que la droite et le plan forment entre eux ?

Solution. Si par un point pris sur la droite donnée, on conçoit une perpendiculaire au plan donné, l’angle que cette perpendiculaire formera avec la droite donnée, sera le complément de l’angle demandé et il suffira de construire cet angle pour résoudre la question.

Or, si sur les deux projections de la droite, on prend deux points qui soient dans la même perpendiculaire à l’intersection des deux plans de projection, et si par ces deux points on mène des perpendiculaires aux traces respectives du plan donné, on aura les projections horizontales et verticales de la seconde droite. La question sera donc réduite à construire l’angle formé par deux droites qui se coupent, et rentrera dans le cas de la précédente.

22. Lorsqu’on se propose de lever la carte d’un pays, on conçoit ordinairement que les points remarquables soient liés entre eux par des lignes droites qui forment des triangles, et il s’agit ensuite de rapporter ces triangles sur la carte, au moyen d’une échelle plus petite, et de les placer entre eux dans le même ordre que ceux qu’ils représentent. Les opérations qu’il faut faire sur le terrain, consistent principalement dans la mesure des angles et de ces triangles ; et pour que ces angles puissent être rapportés directement sur la carte, ils doivent être chacun dans un plan horizontal, parallèle à celui de la carte. Si le plan de l’angle est oblique à l’horizon, ce n’est plus l’angle lui-même qu’il faut rapporter, c’est sa projection horizontale ; et il est toujours possible de trouver cette projection, lorsqu’après avoir mesuré l’angle lui-même, on a de plus mesuré ceux que ses deux côtés forment avec l’horizon ; ce qui donne lieu à l’opération suivante, qui est connue sous le nom de réduction d’un angle à l’horizon.

Neuvième question. Étant donnés l’angle formé par deux droites, et ceux qu’elles forment l’une et l’autre avec le plan horizontal, construire la projection horizontale du premier de ces angles ?

Figure 11 : Réduction d’un angle à l’horizon.
Fig. 11.

Solution. Soient A (fig. 11) la projection horizontale du sommet de l’angle demandé, et A B celle d’un de ses côtés, de manière qu’il faille construire l’autre côté A E. On concevra que le plan de projection verticale passe par A B ; et ayant mené par le point A une verticale indéfinie A a, on prendra sur elle, à volonté, un point d, que l’on regardera comme la projection verticale du sommet de l’angle observé. Cela fait, si par le point d on mène la droite d B, qui fasse, avec l’horizontale, un angle d B A égal à celui que le premier côté fait avec l’horizon, le point B sera la rencontre de ce côté avec le plan horizontal. De même, si par le point d’on mène la droite d C, qui fasse avec l’horizontale un angle d C A égal à celui que le deuxième côté fait avec l’horizon, et si du point A comme centre avec le rayon A C, on décrit un arc de cercle indéfini C E F, le deuxième côté ne pourra rencontrer le plan horizontal que dans un des points de l’arc C E F. Il ne s’agira donc plus que de trouver la distance de ce point à quelque autre point, comme B.

Or cette dernière distance est dans le plan de l’angle observé. Si donc on mène la droite d D, de manière que l’angle D d B soit égal à l’angle observé, et si on porte d C de d en D, la droite D B sera égale à cette distance.

Donc, si du point B comme centre, et d’un intervalle égal à B D, on décrit un arc de cercle, le point E, où il coupera le premier, sera le point de rencontre du deuxième côté avec le plan horizontal ; donc la droite A E sera la projection horizontale de ce côté, et l’angle B A E, celle de l’angle observé.

Les neuf questions qui précèdent suffisent à peine pour donner une idée de la méthode des projections ; elles ne peuvent en montrer toutes les ressources. Mais à mesure que nous nous éleverons à des considérations plus générales, nous aurons soin de faire les opérations qui seront les plus propres à remplir cet objet.