Gaëtana/Préface

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DÉDICACE


AUX HONNÊTES GENS


DE TOUTES LES OPINIONS


Je ne suis pas un homme habile, le succès de ce drame l’a prouvé.

Si je m’étais exercé dès l’enfance à nager entre deux eaux, je serais bien avec tout le monde. J’inspirerais à tous les partis une indifférence aimable. Je pourrais donner sur le théâtre une pièce bonne ou médiocre, ou même mauvaise, sans trouver aucune opposition. Mais j’aime mieux remonter les courants et casser la glace à coups de tête. Tant pis pour moi et pour Gaëtana !

Si, du moins, par une autre sorte de politique, je m’étais enrôlé dans un parti ! Il y a deux partis en France : l’un qui donne toujours raison au gouvernement, lors même qu’il a tort ; l’autre qui lui donne toujours tort, même lorsqu’il a raison. Le premier compose une majorité peu éclairée, mais énorme et imposante ; le second forme une coalition active, remuante, et qui a remporté plus d’une victoire en quatorze ans. Si j’avais épousé l’opposition, l’opposition m’aurait défendu sans nul doute contre les champions du pouvoir. Si je m’étais inféodé au gouvernement impérial, j’ai lieu de croire que la force régnante m’aurait prêté quelques-uns de ces arguments sans réplique dont elle dispose en temps d’émeute.

Mais j’ai le malheur et l’honneur de n’appartenir qu’à moi-même. Je ne suis d’aucun parti, je ne marche pas sous un drapeau ; j’aime mieux remuer librement les deux bras que de m’avancer en bel ordre de bataille, entre les coudes de mes voisins. La devise des partis et des armées est la même : « On ne raisonne pas sous les armes. » Or, je préfère à tous les bénéfices de l’association le droit d’agir et de penser suivant ma conscience. On peut entraver la liberté d’écrire, par des lois que nous subissons, mais l’homme qui se condamne lui-même à louer ou à blâmer aveuglément, sur un mot d’ordre, ce qui plaît ou déplaît à son parti, commet un suicide moral.

Les partis, masses brutales, prétendent qu’on les serve sans condition. À leurs yeux, tout acte d’indépendance et de discernement n’est que la trahison d’un soldat qui déserte. Es-tu pour l’empereur ? Il faut approuver tout, la paix, la guerre, les traités inattendus, les espérances données, retirées, rendues, suspendues, les libertés sagement comprimées ou noblement rétablies, Novembre et Décembre, l’occupation de Rome et la campagne d’Italie, le ministère Falloux et le ministère Persigny, tous les ministères, tous les ministres, tous les préfets, tous les sous-préfets, tous les maires et Plassiart lui-même, jusqu’au jour où Plassiart est condamné en police correctionnelle ! Si tu oublies un seul de ces devoirs, tu seras un homme peu sûr, un brouillon dangereux, sur qui personne ne peut compter, et qui ne doit compter sur personne. Es-tu contre l’empereur ? Tu appartiens à l’opposition, et tu dois marcher avec elle, quoi qu’elle fasse. Il faut qu’en toute circonstance tu condamnes le gouvernement sans l’entendre. S’il accorde une amnistie à tes plus chers amis, tu flétriras l’amnistie. S’il prend les armes pour l’Italie que tu adores, tu prendras les armes contre lui. S’il discute le pouvoir temporel que tu déplores, tu défendras le pouvoir temporel. S’il relève au dehors la gloire du drapeau français, tu feras cause commune avec les ennemis de la France. Sinon, tu n’es qu’un faux opposant, un ennemi de la liberté, un déserteur, un apostat, un traître !

Cette morale des partis n’est pas la mienne. Je ne l’adopterai jamais, quoi qu’il puisse m’en coûter ; j’aime mieux être sa victime que son complice. Depuis que j’ai appris à tenir une plume, j’ai écrit honnêtement, bêtement si l’on veut, ce qui me semblait juste et vrai. Je me suis donc fait des ennemis dans tous les partis. Comme j’ai le style franc et la dent un peu dure, j’ai soulevé des haines d’autant plus implacables ; mais je ne croyais pas qu’en 1862, dans un pays civilisé, chez un peuple poli, la haine pût se porter à de telles extrémités.

Je comprends la discussion, la lutte, la revanche et même la vengeance, pourvu qu’elle soit loyale. Les hommes que j’ai attaqués dans les journaux avaient des journaux pour se défendre. Ils en ont usé librement. J’ai riposté du mieux que j’ai pu, lorsque la chose en valait la peine ; mais j’aurais cru manquer lâchement à toutes les lois de la guerre si j’avais enrôlé une bande de furieux pour dévaliser M. Veuillot, brûler l’Univers en place publique, ou demander la tête de M. Keller sous les fenêtres de sa maison.

Les armes dont on s’est servi contre moi sont si peu courtoises, que la légende de Gaëtana paraîtra sans doute un conte invraisemblable aux habitants de Bordeaux, de Marseille ou de Strasbourg. Dans Paris même, un grand nombre de citoyens honnêtes refuseraient de croire à cette monstruosité, si elle n’était attestée par les témoignages les plus incontestables.

J’avais écrit un drame, bon ou mauvais, cela importe peu ; d’ailleurs, vous allez le lire. Vingt-cinq ou trente individus ont déclaré, au nom de la jeunesse de France, que la pièce ne serait pas jouée. Ils sont allés en ambassade chez le directeur de l’Odéon ; ils lui ont dit : « Nous ne voulons que du bien à votre théâtre, nous aimons et estimons vos artistes, nous n’avons rien contre la pièce, mais nous ne permettons pas que M. About fasse jouer une pièce à Paris ! »

Ce parti pris s’est manifesté non-seulement par les discours de trois ou quatre petites députations, mais par les sifflets, les cris, les hurlements qui ont précédé le lever du rideau, empêché la représentation quatre jours de suite et lassé finalement la patience du directeur et des artistes. Un ouvrage élaboré sinon avec talent, du moins avec soin, a sombré dans une émeute. Un capital, fruit légitime de sept ou huit mois de labeur, a péri sans profit pour personne. Sous l’empire des lois françaises qui interdisent la confiscation, une cabale avouée, insolente et despotique, a dépouillé violemment un travailleur du produit moral et matériel de ses veilles. Et cela, sous prétexte que l’auteur n’appartenait ni au gouvernement quand même, ni à l’opposition à tout prix !

Le public désintéressé et de bonne foi, les bourgeois honnêtes, tranquilles, bienveillants, qui avaient payé leur place pour entendre et juger une œuvre nouvelle, ont été opprimés par une faction criarde. On leur a dit : « Vous n’entendrez point ! vous ne jugerez pas ! — Et pourquoi ? — Parce que tel est notre bon plaisir. »

Je comprends qu’on déteste un auteur dramatique, surtout s’il a osé écrire librement dans les journaux. On peut lui souhaiter tous les fiasco du monde ; on peut sabrer sa pièce dans les feuilletons ; on peut inspirer au public un grand dégoût de l’entendre et faire la solitude autour de lui. Un drame déserté par la foule meurt de sa belle mort, et l’auteur n’a pas le droit de se plaindre. Mais chasser brutalement les acteurs de la scène et le public de la salle, c’est outre-passer les droits de la haine.

Si la nouvelle morale qu’on a voulu inaugurer à l’Odéon prévalait définitivement sur l’ancienne, tous les artistes seraient exposés à d’étranges accidents. Les prétendus délégués de la jeunesse iraient lacérer un tableau, à l’exposition, lorsqu’ils ne seraient pas de la même opinion que le peintre. Les jeunes ultramontains briseraient à coups de marteau, sous les ombrages du Luxembourg, la statue d’un sculpteur protestant ! Les petits fanatiques de l’opposition mettraient le feu à tous les édifices publics, sous prétexte que l’architecte a reçu une commande du gouvernement !

Sommes-nous bien sûrs qu’ils s’arrêteraient à cette limite ? Le Constitutionnel de dimanche dernier publiait un article que j’ai réimprimé à la fin de cette brochure. On l’a déchiré ou souillé dans tous les cafés de Paris, au nom de la liberté de la presse. Lundi soir, une imposante manifestation a traversé la ville ; mille jeunes héros (mille contre un !) sont venus hurler sous mes fenêtres. Leurs vociférations n’avaient pas un caractère des plus pacifiques, puisqu’ils demandaient simplement ma mort. Ils réclamaient aussi la tête d’un de mes amis. Est-ce parce qu’il a toujours défendu la liberté, comme moi ? ou simplement parce qu’il écrit à l’Opinion nationale ? ou parce qu’il avait dit la veille, avec plus de tristesse que de colère : « Jeunesse ! que de sottises on commet en ton nom ! »

Je n’accuse pas la jeunesse de France, ni même les étudiants des écoles de Paris. Si quelques-uns d’entre eux se sont laissé enrôler dans cette foule hurlante, c’est par légèreté, par amour du bruit, par une certaine démangeaison de se mouvoir et de se montrer. Le tapage a ses enivrements, qui troublent quelquefois les cervelles les plus saines. Un jeune homme qui n’a rien lu, qui sort du collège (et l’on en sort à seize ans aujourd’hui), peut se tromper sans crime. Les illustres maîtres de notre esprit, ceux qui nous enseignaient si éloquemment la distinction du juste et de l’injuste, les Michelet, les Quinet, les Jules Simon ne professent plus au quartier latin. J’entends dire que, loin des cours publics, dans certaines petites conférences intimes, d’autres voix moins fières, mais plus insinuantes, prêchent en faveur du passé que nous combattons. Elles ont pu recruter quelques soldats pour cette glorieuse campagne qui s’ouvrit le 3 janvier devant la rampe de l’Odéon, et se terminait le 6, à minuit, devant la loge de mon concierge.

Mais les véritables meneurs sont les faux étudiants, ces relons du quartier latin qui ne font ni leur droit ni leur médecine, bohèmes de profession, gens de lettres en espérance, braillards d’estaminet et quêteurs de petite popularité. On les écoute parce qu’ils crient, on les admire parce qu’ils se vantent, on espère qu’ils deviendront un jour l’honneur du quartier et que la gloire leur tombera du ciel, toute rôtie. Tandis que nous travaillons à nos pièces et à nos livres, ceux-là nous jugent sans nous lire, nous condamnent sans nous entendre. Quiconque a fait un peu de bruit dans le monde des honnêtes gens est leur ennemi. Il semble que nous leur ayons volé toutes les idées qu’ils n’ont pas eues et tous les ouvrages qu’ils n’ont pas faits. Je me consolerais de la chute de Gaëtana si elle pouvait ouvrir les yeux des vrais étudiants et séparer le corps de l’armée de cette queue traînarde et honteuse.

Déjà quelques jeunes gens des écoles m’ont fait l’honneur de m’écrire pour dégager leur responsabilité de ces turpitudes. L’un d’eux m’envoyait aujourd’hui ces belles paroles que je suis heureux de citer pour l’honneur de la jeunesse : « Un ouvrier de Paris serait chassé de l’atelier s’il détruisait l’ouvrage d’un autre : croyez, monsieur, que les vrais travailleurs de nos écoles sont aussi incapables de commettre un crime de lèse-travail. » Un autre, qui écrit fort bien, ma foi ! quoiqu’il ne se fasse point imprimer dans les petites feuilles de la rive gauche, terminait par ces mots : « Je voudrais pouvoir placarder ma lettre à tous les piliers de l’Odéon, et je trouverais peut-être assez de jeunes gens, de ceux qui ne se laissent pas facilement enrôler dans le troupeau de Panurge, pour signer cette protestation et flétrir, comme il convient, un déni de justice et une lâcheté. »

Je dois dire que la sympathie des honnêtes gens, cette dernière consolation des opprimés, ne m’a pas manqué cette semaine. On prétend que le potier porte envie au potier et que les auteurs dramatiques se réjouissent quelquefois de voir tomber un confrère. Je proteste qu’Émile Augier, Ponsard, Barrière, Doucet, Sardou, Amédée Rolland, Plouvier, Decourcelle, Charles Edmond, Hector Crémieux, Ludovic Halévy, Théodore de Banville, MM. de Courcy père et fils, Édouard Martin, Delacour, Siraudin, Raymond Deslandes, et vingt autres, ont défendu ma pièce à la première représentation comme si elle eût été la leur. Ceux qui n’assistaient point à cette destruction m’ont écrit le lendemain ou sont accourus chez moi, comme Dumas fils, par exemple, qui est venu à Paris pour m’embrasser. Je me réjouis de n’avoir pas été assommé lundi soir et de pouvoir remercier ces braves cœurs de leur courageuse amitié.

Je n’avais pas la prétention de trouver dans mes confrères de la presse une sympathie universelle, ni même une impartialité absolue. Les petits moniteurs de la Bohème, non plus que l’Union et la Gazette de France, ne pouvaient se prononcer en ma faveur sans tirer sur leurs propres troupes. Mais là encore j’ai obtenu plus de justice que je ne devais en espérer. Non-seulement Théophile Gautier, Émile Perrin, Sarcey, Fiorentino, Saint-Victor, et dix autres m’ont traité avec amitié ou du moins avec bienveillance ; mais la critique la plus hostile s’est presque partout montrée loyale. Un seul journal, le Temps, m’a lancé le coup de pied de M. Ulbach. Je regrette, non pas pour moi, que cet ancien poëte légitimiste ait manqué une si belle occasion de se conduire noblement. Il se serait montré sous un jour nouveau, et aurait peut-être obtenu chez les honnêtes gens une popularité qui lui manque. Quel plaisir ou quel profit trouvait-il à nier une cabale si évidente ? Dans quel intérêt a-t-il insinué que je m’étais fait siffler moi-même ? Ce n’est pas tout d’être méchant, envieux et hargneux, il faut l’être à propos et avec un peu d’esprit. Lorsque j’ai publié Tolla, il y a déjà bien des années, M. Ulbach, qui m’avait vu petit garçon au collége, a fait les efforts les plus généreux pour me décourager d’écrire. Il était dans son droit : j’avais réussi ; lui, non. Les beaux vers légitimistes de Gloriana se promenaient sur les quais de la Seine comme des ombres au bord du Styx. L’envie du poëte incompris était excusable, sinon légitime ; mais aujourd’hui M. Ulbach a publié avec un bruit éclatant divers opuscules dont le nom m’échappe ; son bagage littéraire est d’un certain poids, car sa prose pèse double. Il écrit dans deux journaux chaque semaine ; il donne la main droite aux républicains dans le Temps, et la gauche aux orléanistes dans le Courrier du Dimanche. Gloriana même, par un singulier revirement des choses d’ici-bas, Gloriana fait prime sur le quai de l’Institut. On veut lire ces vers ; quelques explorateurs audacieux se plaisent à remonter jusqu’aux sources légitimistes de ce torrent orléaniste ou républicain. Pourquoi donc M. Ulbach, au lieu de se contenter de ses propres succès, paraît-il jalouser les chutes d’autrui ?

À cent mille lieues du théâtre et du journal, dans la bourgeoisie parisienne et provinciale, l’exécution sommaire de Gaëtana m’a fait de nombreux amis. Les Français aiment la justice, au fond de l’âme, et ils réagissent volontiers contre la violence. Plus d’un, qui était disposé à me juger sévèrement la semaine dernière, me regarde aujourd’hui d’un œil plus bienveillant. J’ai vu des magistrats, des notaires, des industriels, des commerçants, des artistes, des hommes de toute profession et de toute opinion, et même un ancien ministre de la République, apporter leur carte à ma porte avec un petit mot de protestation. Ô haine ! voilà de tes méprises ! Ceux que tu abaisses seront élevés.

Et maintenant, faut-il l’avouer ? ce genre de succès m’inquiète un peu beaucoup ; car enfin je connais la pièce que vous allez lire. Je sais que si elle ne mérite pas tout le mal que mes ennemis en ont dit sans l’entendre, elle mérite encore moins tout le bien que mes amis en pensent avant de l’avoir lue. La cabale ne m’a pas prévenu assez tôt. J’aurais fait un bout de toilette si j’avais su que ces messieurs voulaient me mettre sur un piédestal. Si l’on m’avait dit que Gaëtana serait sifflée plus violemment qu’Hernani, j’y aurais mis trois ans de ma vie et j’aurais supplié les dieux de m’inspirer un chef-d’œuvre. Mais non, ce n’est qu’un drame comme vous en avez entendu plusieurs, et voilà ce qui me fâche. Vous y trouverez, je pense, du bon et du mauvais. Je vous recommande humblement le deuxième et le quatrième acte ; méfiez-vous du cinquième : je n’ai jamais été content de celui-là. Si les cabales étaient plus intelligentes, on aurait attendu, pour siffler, la fin du cinquième acte.

Quelques critiques vous ont assuré que j’avais découpé avec des ciseaux une nouvelle de Charles de Bernard intitulée l’Innocence d’un forçat. On dit même que j’ai dépaysé l’action, comme les voleurs démarquent le linge. Vous jugerez cette question à loisir. L’Innocence d’un forçat fait, partie d’un charmant volume de nouvelles intitulé l’Écueil.

La couleur italienne que j’ai cherché à donner à mon style n’est pas un déguisement. Je me suis appliqué à penser en italien, et cela ne m’a pas été difficile, car je suis un peu Italien par le cœur. Birbone n’est ni un Français costumé en lazzarone, ni un personnage des vieilles comédies, rajeuni pour les besoins de la pièce. C’est l’enfant du pavé de Naples, tel qu’il naissait et grandissait à l’ombre des Bourbons. Il est crédule, effronté, cynique, courageux à ses heures, capable de tous les crimes et de quelques belles actions. Car les races fortes et généreuses conservent toujours un peu de bon dans le fond de l’âme, quelle que soit l’éducation qu’on leur donne. M. del Grido n’est ni un Othello ni un Arnolphe ; c’est un vieux marchand riche, amoureux, jaloux, irascible, doucereux, tantôt vulgaire jusqu’à la grossièreté, tantôt ampoulé jusqu’au lyrisme. J’ai cherché à rendre partout dans mon style ce mélange de poésie et de trivialité qui donne une couleur particulière à la vie et au langage des Italiens. Gaëtana est une petite fille de seize ans, ignorante comme toutes les Italiennes qui sortent du couvent, mais honnête, aimante et courageuse. Que de jeunes femmes à Naples et à Rome sont taillées sur ce patron ! Timides et presque nulles dans la vie monotone de tous les jours, elles s’éveillent en une minute à tous les sentiments, à toutes les idées et même, s’il le faut, à tous les héroïsmes. Mais vous allez faire sa connaissance, et, si elle ne vous inspire aucune sympathie, telle qu’elle est, c’est que j’aurai mis la main sur une poupée, croyant trouver une femme de chair et de sang. Le comte Pericoli est un type assez répandu dans les grandes villes de la péninsule. J’ai vu beaucoup de ses pareils traîner leur désœuvrement à Rome sur le Pincio, et attendre mélancoliquement le passage d’une dame en voiture. Ces beaux endormis ne s’éveillaient jadis qu’au nom d’amour ; le mot qui les éveille aujourd’hui, c’est patrie. Martinoli, Capricana et cette vieille bête de Cardillo sont aussi Napolitains que j’ai pu les faire. Le peuple de Naples les reconnaîtra, si jamais ce drame, exilé de l’Odéon, trouve l’hospitalité en Italie. Déjà quelques Italiens m’ont défendu à la première représentation : je les remercie de leur courageuse et intelligente amitié.

EDMOND ABOUT.