Galehaut, sire des Îles Lointaines/26

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Plon-Nourrit et Cie (2p. 189-191).


XXVI


Peu après, les barons que Galehaut avait mandés à Sorehaut commencèrent d’arriver, et quand le jour fixé fut venu, Galehaut prit Lancelot à part et lui offrit de partir avec lui pour reconquérir le royaume de Benoïc et venger sur le roi Claudas de la Terre déserte la mort de son père et la grande douleur de sa mère.

— Sire, répondit Lancelot, je ne puis rendre hommage à personne, non pas même au roi Artus : madame la reine m’en a fait grande défense. Et, à cause de cela, je ne me peinerai guère à conquérir mon héritage, car il me faudrait le tenir de lui.

— Ha, je connais bien votre cœur ! Vous aimeriez mieux renoncer à la seigneurie du monde que vivre loin de madame ! Mais jamais je ne porterai couronne de roi que vous n’en ayez une.

Là-dessus, ils allèrent dans la salle où on leur fit grande joie ; et il y avait là vingt-huit rois et cent dix princes qui tous, le soir venu, mangèrent avec Galehaut, leur seigneur lige. Le lendemain, après que la messe eut été chantée, le sire des Îles lointaines les réunit et leur dit qu’il les avait mandés parce qu’il comptait aller vivre à la cour du roi Artus.

— Mes terres sont larges, grandes et dispersées : aussi me faut-il chercher un prud’homme, ancien et loyal, haïssant le tort et aimant la droiture, pour lui en confier la baillie. Je vous demande conseil, n’étant pas sage assez et ne pouvant connaître ce que sait chacun de vous. Choisissez un homme net de convoitise. Cependant que vous parlerez ensemble, j’attendrai dehors.

Il sortit avec Lancelot, et les barons se mirent d’accord pour élire le roi Baudemagu de Gorre.

— Beau doux ami, lui dit Galehaut quand il en fut averti, je vous revêts de la baillie de ma terre. Et vous tous, seigneurs, qui êtes mes hommes liges, je vous commande par la foi que vous me devez de lui obéir et de l’aider contre tous, hors contre moi. Et, s’il m’advenait de trépasser, il laisserait ma terre à Galehaudin, mon neveu et mon filleul.

On apporta les saints ; le roi Baudemagu jura qu’il se conduirait loyalement envers Galehaut et son peuple, et tous les barons qu’ils se comporteraient de même envers lui et qu’ils ne réclameraient pas l’héritage de Galehaut, mais qu’ils l’assureraient à Galehaudin.