Gandhi dans le Journal de Genève, décembre 1931

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Gandhi sera lundi à Villeneuve[1]

On mande de Londres que Gandhi quittera la capitale britannique samedi matin et se rendra en Suisse, à Villeneuve, où il sera l’hôte de Romain Rolland. Il s’arrêtera en cours de route à Paris, où il compte arriver le 5, à 16 h. Gandhi n’est pas encore exactement fixé sur le temps qu’il passera dans la capitale française. Il s’est borné à déclarer de nouveau que si rien ne venait modifier son projet, il comptait, être lundi, à 17 h., à Villeneuve.

GRANDE-BRETAGNE

Clôture de la Table ronde[2]

LES PRÉDICTIONS DE GANDHI
L’AJOURNEMENT « SINE DIE »


Notre correspondant de Londres nous téléphonait mardi soir :

Les nouvelles du Bengale parvenaient à Londres tandis que siégeait encore la conférence de la Table Ronde, qui n’a levé sa seconde séance plénière qu’à 2 h. 15 mardi matin, après quinze heures de discours. En l’apprenant, Gandhi déclara à la Conférence :

Les nations n’ont jamais obtenu leurs libertés que par des sacrifices et par le sang. Je n’ai aucune sympathie pour les terroristes, mais s’il le fallait, les masses des Indes auraient recours à la violence.

Appelez cela comme vous le voudrez, c’est l’indépendance complète que nous voulons. Je ne tiens pas à rompre les liens qui unissent l’Inde et la Grande-Bretagne, mais ces liens doivent être basés sur la liberté. Vous avez à combattre le terrorisme par la terreur parce que vous n’avez pas voulu lire les mots tracés sur le mur. Je vous avertis de ne pas trop abuser de la patience du peuple le plus patient du monde.

C’est sous le coup du malaise résultant de la nouvelle de lundi et de la réplique de Gandhi que la conférence s’est réunie mardi matin pour sa séance de clôture, dans le salon de la reine Anne au palais St-James.

Au milieu d’un profond silence, le premier ministre a lu un message du roi disant notamment :

Je ne méconnais pas les difficultés qui se sont fait jour et je vous prie de ne pas vous laisser décourager. J’espère que les grandes communautés hindoues poursuivront leur œuvre de coopération et de discussion pacifique.

M. Mac Donald a fait ensuite l’exposé de la politique du gouvernement à l’égard de l’Inde.

Le gouvernement britannique, a-t-il dit, doit réaffirmer sa foi en une fédération pan-hindoue comme offrant la seule solution du problème constitutionnel de l’Inde. Je regrette que par suite de l’impossibilité de trancher l’importante question de la sauvegarde des minorités sous un gouvernement central responsable, la conférence n’ait pu discuter efficacement.

Le gouvernement va désigner quatre comités composés de représentants de la Grande-Bretagne et des Indes, sous la présidence de personnalités britanniques, telle que lord Sankey, pour continuer aux Indes l’étude des problèmes laissés en suspens par les deux conférences de la Table Ronde.

Le premier ministre ayant parlé, M. Gandhi a été chargé de lui adresser les remerciements d’usage. Il l’a fait de bonne grace, mais il a ajouté :

J’étudierai votre déclaration une, deux, trois fois, aussi souvent qu’il sera nécessaire, pour en découvrir le sens caché, si elle en a un. Si j’aboutis à cette conclusion qu’il ne nous est plus possible de suivre la même route, nous en prendrons notre parti en ce qui nous concerne.

M. Mac Donald a levé son maillet et, en frappant un coup sonore sur la table, a prononcé l’ajournement sine die de la conférence. Ainsi se termine la seconde conférence de la Table Ronde qui devait façonner l’édifice constitutionnel de l’Inde. Elle s’achève en pleine incertitude. Un débat sur l’Inde s’ouvrira mercredi à la Chambre des communes.

L’opinion de M. Gandhi[3]


Dans un discours qu’il a prononcé mardi, M. Gandhi a déclaré ne pas avoir tenu les propos que, sur la foi de nouvelles venues de Londres, nous avions rapportés. D’après les renseignements que nous avions reçus, M. Gandhi se serait exprimé en ces termes à la conférence de la Table ronde : « Je n’ai aucune sympathie pour les terroristes mais, s’il le fallait, les masses des Indes auraient recours à la violence. Appelez cela comme vous le voudrez, c’est l’indépendance complète que nous voulons. »

Au vu du démenti donné par M. Gandhi, nous avons demandé à Londres des explications.

Notre correspondant confirme intégralement sa communication. M. Gandhi s’est exprimé dans les termes ci-dessus non seulement à la Table ronde mais devant la presse, ce qui a été enregistré par les journaux anglais.



Gandhi s’arrêtera à Paris[4]


Notre correspondant de Paris nous téléphonait jeudi soir :

On annonce que Gandhi prononcera à Paris un discours lors du séjour de quelques heures qu’il fera dans la capitale de la France. Il arrivera à Paris samedi à 17 h. et prendra la parole le soir même à Magic-City, au cours d’un meeting public. Il fera d’abord une courte déclaration en français, puis s’exprimera plus longuement en anglais. Cette réunion attirera certainement un grand nombre de curieux désireux de connaitre le personnage dont on parle tant.

Comme le Journal de Genève l’a dit, le lendemain dimanche M. Gandhi quittera Paris pour se rendre chez Romain Rolland, à Villeneuve, où il s’arrêterait une quinzaine de jours avant d’aller s’embarquer pour les Indes. Il passerait, dit-on, par Genève.



Gandhi est parti pour Rome[5]

De Villeneuve, le 11 décembre :

Gandhi a quitté Villeneuve vendredi à 14 h. 37 par le direct Lausanne-Milan, dans un wagon de troisième classe qui lui avait été réservé. Il se rend à Rome, où il compte être reçu par le pape et M. Mussolini.

Mercredi, les enfants des écoles et la chorale de Villeneuve sont allés chanter des hymnes patriotiques devant la villa que le mahatma habitait.



  1. Extrait du Journal de Genève du 3 décembre 1931.
  2. Extrait du Journal de Genève du 3 décembre 1931.
  3. Extrait du journal de Genève du 4 décembre 1931
  4. Extrait du Journal de Genève du 4 décembre 1931
  5. Extrait du Journal de Genève du 12 décembre 1931