Garden-party élyséenne
PAUL, frère de Colette, rapin. 22 ans | MM. | Stephen. |
JEAN RENAUD, sous-lieutenant d’infanterie, 24 ans | Rodier. | |
UN JEUNE HOMME, tenue de Garden-Party, boutonnière fleurie, canne | Brousse. | |
COLETTE, élève de la Légion d’Honneur à Saint-Denis. 18 ans, orpheline | Mlles | Lifraud. |
LUCIENNE, nouvelle élève à la Légion d’Honneur à Saint-Denis, 17 ans, orpheline | Fillacier | |
UNE JEUNE FILLE, toilette claire, très élégante, ombrelle, gants | Farnès | |
Invités du Garden-Party |
Un coin du parc de l’Élysée. Massifs de verdure, pelouses, corbeilles
fleuries. Sièges de jardin disposés dans le fond, sous les ombrages.
– À gauche, un banc, sous un marronnier, au premier plan.
On entend dans le lointain la musique militaire qui alterne avec l’orchestre du grand bal installé à l’intérieur des salons.
Scène 1
Elles portent l’uniforme de la maison de la Légion d’honneur. – Robes noires, tabliers noirs à bavettes, cols de lingerie plats, corsages unis, ceinturés et traversés de cordons de couleurs. – Elles arrivent lentement en se confiant leurs impressions. Dans le fond on aperçoit une jeune fille et un jeune homme. Tous deux s’avancent sur la scène lentement en chuchotant.
J’admire ce Garden-Party de l’Élysée
Et je ne me sens pas du tout dépaysée. –
Un duo d’amoureux, ne les dérangeons pas.
Permettez-moi de vous escorter quelques pas.
Voici le Gouverneur dans notre voisinage,
Si vous me présentiez, c’est un gros personnage.
Pourquoi faire ?
Qui sait, présentez-moi toujours.
Non, vous lui serviriez votre dernier discours.
Et Perrin ?
Parce que vous l’aurez bombardé d’un « cher maître ».
M’aurez-vous une place à ce gala d’Auteuil ?
Oui, si vous m’avancez à l’ombre ce fauteuil.
Il vaut mieux s’éloigner.
Qu’avez-vous à me dire ?
Rien que de sérieux, mon monocle m’inspire.
Ouf ! … Quel parc enchanteur !
Quelque amertume à voir ce luxe étourdissant.
Tout ce monde me plaît qui s’aborde, s’agite,
S’assied, parle, sourit…
Cette fête m’irrite !
Non… !
Tout en noir, sans chapeau, sans ombrelle, sans gant.
On est de la maison de Saint-Denis, ma chère.
Moi, dans ce beau palais, je me sens étrangère,
Notre médiocrité n’a que faire en ces lieux.
J’aimais notre uniforme, il me semble odieux.
Je ne saurais danser dans ma robe montante
J’étoufferais, et toi ?
De danser, mais… goûtons si nous ne dansons pas.
Mon appétit s’aiguise à faire les cents pas.
As-tu quelque chagrin ?
Tu ne peux me comprendre.
Songe à Paul, à Renaud qui viendront nous surprendre.
Je suis jalouse… là !
C’est mal.
Mais… s’ils ne venaient pas…
Toi, jalouse, vraiment !
J’aurais moins de soucis. Près de ces jeunes filles,
Sous leurs chapeaux fleuris, pimpantes et gentilles,
Nous, nous sommes, veux-tu que je dise le mot,
… Ridicules, crois-moi !
Là, le grand Chancelier, il passe, et nous salue.
Ah… tu vois, tu rougis. Ta lettre l’as-tu lue ?
Ma lettre ? J’oubliais, elle est sans intérêt !
Suis-je indiscrète ?
Oh ! non, je n’ai point de secret.
D’où vient-elle ? de qui ? Tu connais l’écriture ?
J’ignore tout à fait.
Ce serait amusant. Déchiffrons le billet.
Je devine que c’est…
Paris, quatre juillet
Un affreux prospectus.
Tu n’es pas psychologue.
Qui ne reçoit par jour, au moins un catalogue !
Ouvre-la. Si c’était un avis très urgent.
Un baptême, un décès, une affaire d’argent ?
Les lettres d’aujourd’hui n’ont aucune importance.
Ce n’est plus un plaisir, c’est une pénitence
De les lire. On écrit pour rien, à tout propos.
Je ne lis mon courrier, qu’à mon heure, en repos.
Donc, laissons cette lettre et parlons d’autre chose.
Je ne te comprends pas, tu peux être la cause
D’ennuis graves.
Tant pis !
À la foule et restons près de la pièce d’eau.
Sauront-ils nous trouver ?
Viens jusqu’à ces corbeilles.
Si loin de la pelouse ?
Oh ! ces fleurs, des merveilles !
Bast !… l’amour avisé les guidera vers nous.
Vois… deux Orientaux, drapés dans leurs burnous.
Ils sont muets !…
Ils sont joyeux à leur manière.
De fréquenter ici voyons, n’es-tu pas fière ?
Je suis triste à mourir.
Moi, je me réjouis que le chef de l’État
Nous invite chez lui. C’est une faveur rare,
Dont ta timidité mal à propos s’effare.
J’admire ses salons enrichis de splendeurs,
J’y rencontre des rois et des ambassadeurs,
Ministres, députés, officiers de hauts grades,
Académiciens…
Que ce monde n’est pas vain, artificiel…
Tout Paris s’y retrouve…
Oh !
La maison militaire est en grande tenue.
Et la réception superbe continue.
On annonce toujours !
Devant la Présidente était donc bien réglé !
Sans doute.
Nos compagnes venaient à la suite. Il me semble
Que tous les invités nous suivaient du regard,
Pour nous voir saluer, ma chère, avec quel art !
On sentait qu’au début nous manquions d’assurance
Lorsqu’en baissant les yeux, j’ai fait la révérence
Je te vis t’incliner et ton sage maintien
Me ravit. Je pensais : Comme Lucienne est bien !
Aux tons de l’Étiquette, aux lois du Protocole,
Elle se convertit ! En deux mots, je raffole
De ma douce Lucienne et j’accours… patatras !
Voilà que tu me dis : « Ça ne m’amuse pas ! »
Et nos deux cavaliers ?
Surveillons le perron…
Rien ne ressemble moins à de l’oisiveté
Qu’une fête mondaine en pleine activité.
Une ruche au travail qui bourdonne et qui roule,
De gauche à droite, allant et tanguant, c’est la foule.
Les invités, entre eux, échangent un tribut
De politesses, puis, chacun poursuit son but…
Chut… ce sont encore eux…
Un ministre a toujours un poste pour son gendre.
C’est demain, le concours, je voudrais votre appui
Trop de timidité bien des fois, m’ayant nui…
Je n’ai d’espoir qu’en vous !
Suivez ce bon conseil…
Chère mademoiselle !
Je ne fais pas le bien autant que je voudrais
Mais pour vous, tout me dit que je réussirais.
Scène II
Pour le tant protéger faut-il qu’elle l’adore !
C’est peut-être un roman d’amour qui vient d’éclore !
Pourquoi vais-je penser aux amis disparus
Qui sont partis joyeux, qu’on ne reverra plus !
À rêvasser ainsi, je deviendrais morose
Mais le petit Servin est ici, je suppose…
Le fils du Député ?…
A voulu qu’il allât périr au Sénégal…
Si jeune… à vingt-cinq ans… Et Frank ?…
Sous-Préfet…
Et Bernard ?
Il avait des chagrins d’amour.
Que d’absents, c’est affreux, c’est pire que la guerre.
Pour même résultat, c’est une autre manière.
Quels tristes souvenirs !
Que l’Océan nous prend, à tous les malchanceux,
Qui quittent leur pays, désertent leurs familles,
À tous les vieux garçons qui font les vieilles filles,
C’est la conclusion, oui, c’est bête à crier
Faute de jeunes gens ne pas se marier !
Prenons le voile, alors !
La chose est impossible.
Mais…
Qu’on t’en empêcherait.
Qui ?
Il ferme ces jours-ci, cloître, abbaye, couvent…
…
Et les nonnes par ordre, ont quitté leurs cornettes.
Ainsi mère Saint-Jean, sœur Marthe…
Des sornettes !
Vont sur les boulevards en costume tailleur,
Ombrelle et chapeau rond.
Quitte cet air railleur.
Ombrelle et chapeau rond, en vêtement laïque,
Elles sont aussi bien que nous, c’est très comique.
En costume tailleur !! Sœur Sainte-Marthe aussi !
Il faut bien s’habiller et vivre Dieu merci !
Tu vois, ne donne pas dans le genre mystique.
Le vent ne souffle plus du côté romantique.
Pense à mon frère Paul, tu l’aimes bien ?
Je n’ai point de fortune assez ronde, à quoi bon !
Négligeons ce détail, sans dot, on nous courtise
Pour nous même.
À moins que ce ne soit pour occuper le temps.
Car ces messieurs sont tous vaniteux, inconstants.
Eh ! Les femmes sont bien frivoles et coquettes,
L’un vaut l’autre…
Oh ! regarde !
Au loin ces épaulettes…
Le profil de Renaud.
Et Paul qui n’est pas là.
Et je l’aime depuis tantôt trois ans, voilà.
Toi, tu doutes de Paul, ce Paul qui me ressemble,
C’est tout à fait injuste. Examinons ensemble :
Pourquoi Paul viendrait-il si souvent au parloir
Pour te causer à peine, à peine t’entrevoir.
S’il n’éprouvait pour toi…
Il vient par habitude.
Il vient par amour… Oh ! j’en ai la certitude.
Je voudrais pénétrer son cœur et son cerveau.
Lire dans sa pensée et savoir ce que vaut
L’amitié que depuis trois ans il me témoigne !
Il t’entoure de soins.
Je le sais, il me soigne.
Comme une jeune sœur… une cousine… et non
Comme la femme à qui l’on doit donner son nom.
De ces deux sentiments, dis-moi la différence
À quel moment précis ?…
L’amour cesse, voilà… je n’en sais pas plus long,
C’est confus et très simple. On aime un brun, un blond,
Il est grand ou petit, on l’aime ! Le mystère
Impénétrable, c’est que le ciel et la terre
Réunis ne sauraient rompre l’enchantement.
L’amour vrai, l’amour pur, c’est le subtil aimant,
Qui dirige nos cœurs.
Ton amour et le mien ainsi qu’un feu qui couve
Sont nés sournoisement, un dimanche de mai.
C’est cela.
Le grand ami Renaud.
Ils nous intéressaient chacun à leur manière.
Nous avions tant de joie à parler d’eux, souvent.
— C’était fête, en venant nous surprendre au couvent,
Ils avaient apporté des fleurs fraîches coupées…
La veille, nous jouiions encore à nos poupées !
Des roses de jardin qu’ils cachaient prudemment,
L’un dans son pardessus…
L’autre dans son dolman.
Qu’ils étaient fous !
Et nous ?…
Nous fûmes si touchées
Que nous avons gardé les roses desséchées !
Depuis, pas de distance et de jour et de nuit,
Son image vivante à tout heure me suit.
C’était là ton secret !…
Veux-tu que je te lise…
Tout bas…
Cette chanson que je t’avais promise.
Nous sommes seules… lis, j’ai le cœur indulgent.
C’est que ton air moqueur n’est guère encourageant.
Des vers écrits sur lui ?
Bien sûr.
Prends la parole.
Attention… Mon cœur…
Va donc, petite folle.
Mon cœur est déchiré !
Une peine secrète
Dont j’ai souvent pleuré
Me trouble et m’inquiète.
Seul, un devin dirait
Si mon Jean Renaud m’aime.
Sa voix le trahirait
S’il le savait lui-même.
De mon front radieux
La jeunesse l’attire,
Lorsque parlent mes yeux,
Que ne peut-il y lire !
Son nom en lettres d’or
Flotte dans ma pensée,
J’ai fait ce rêve encor :
« Être sa fiancée ! »
Il n’est mots caressants
Que sa lèvre ne dise,
Mots toujours languissants,
D’une phrase imprécise.
Timide, il n’a pas su
Bégayer le mot tendre,
Et notre espoir déçu
Rougit sans se comprendre.
Alors, sa main étreint
Ma petite main blanche,
En un rire contraint,
Ma tristesse s’épanche.
Je me tais et j’attends.
Le ciel est mon oracle.
Ô Nature ! ô Printemps !
Fais pour nous un miracle !
Mais c’est bien, c’est très bien… et… ces vers de six pieds
Sont bien écrits par toi, sans être copiés.
Je n’aurais jamais cru.
C’est chose assez facile.
Ce n’est pas un pastiche ?…
Oh ! non, c’est une Idylle.
Les miracles, vois-tu, ne sont plus de nos jours.
Trop tard, je n’y crois plus.
Il en suffirait d’un pour arranger les choses,
Brune aux papillons noirs…
Rien ne s’arrange.
Et si tu gagnais un gros lot.
On ne gagne jamais, m’a dit un camelot.
Ta lettre ! Si c’était un des Bons de la Presse…
On les tirait hier…
L’émotion m’oppresse !
Un numéro gagnant déposé dans ce pli,
À ton nom et l’heureux présage est accompli.
Ta lettre ?
Déchirons !
C’est un Bon de la Presse !
Le mien que grand’maman gardait. Elle m’adresse
La liste des gagnants… Je n’en crois pas mes yeux.
Vois, toi-même, ce chiffre est bien exact !
Grands dieux !
Comparons ! Trois zéros suivis de neuf cent trente…
C’est parfait, joli lot ! Trois mille francs de rente.
Es-tu sûre ?
À peu près.
Vraisemblable et de plus favorable aux amours,
Je ne t’espérais pas. Merci, ma bonne étoile,
Je m’achète un château, je vais mettre à la voile.
Nous partons. Je t’emmène au paradis hindou.
Nous ferons un voyage immense n’importe où…
Je donnerai…
Quoi donc ?
Tu veux que j’énumére…
Aux pauvres, cent louis, des cadeaux à grand’mère,
Des dons à tous ! car j’ai le cœur reconnaissant !…
Permets.
Tu m’aimes, n’est-ce pas ? Ah ! que c’est bon de vivre !
Si nous allions toucher mon lot… Qui veut me suivre ?
Les bureaux sont fermés, prends plutôt le parti
D’assister décemment à ce Garden-Party,
Demain, il sera temps, à ton aise, respire…
Et quand Paul sera là, ne va pas tout lui dire…
Sois fine.
Pour qu’il prenne, à m’entendre, une aimable leçon.
À moins qu’il soit si doux, si généreux, si tendre.
Et qu’il tombe à tes pieds avant de te comprendre.
À quoi penses-tu donc ? Ton front se rembrunit,
Tout notre enchantement est-il sitôt fini ?
Je pense que j’ai tort d’aimer… je me raisonne.
Je dis que mon bonheur ne doit nuire à personne.
Comment ?
À mon sort est lié, je dois m’en souvenir.
Bienheureuse déjà qu’une vieille parente
S’accommode avec nous, d’une modeste rente.
Sa fortune très mince, aux deux nôtres se joint,
Et ce petit pécule arrive fort à point.
Nous vivons tous les trois. Paul travaille, il est libre.
Si nous nous séparons, adieu tout l’équilibre
De ce faible budget. Les termes du loyer
Sont un trop lourd fardeau qu’ils ne sauraient payer
Tous deux, sans mon secours.
protèges ?
Toi seule leEt puis, c’est le tailleur, les modèles, que sais-je ?
Mille petits détails qu’exige une maison.
Je vis à Saint-Denis. Simple combinaison.
J’y peux rester sans frais, longtemps pensionnaire
Et tant que j’y serai…
Ta vie est exemplaire.
Je lui laisse l’appoint de mes revenus, soit
Mille et quelques cents francs.
Je t’admire…
De passer l’examen pour son titre d’élève
Aux Beaux-Arts.
Beaucoup sont retoqués, je comprends ton souci.
C’était sa volonté ?
Il a de beaux succès ; oh ! surtout, en peinture.
Il réussira.
Puis-je lui dire : Paul, je vais me marier.
Un parti se présente et ma foi… je te quitte.
Renonce à tes projets… pas demain, tout de suite.
Que tu sois rond-de-cuir, gendarme ou charlatan,
Moi, je prends un mari… tu dois être content !
Ce serait dur… mais toi… ce touchant sacrifice…
Tu vois, je n’en ai pas attrapé la jaunisse.
Ma vie est ainsi faite, y puis-je rien changer ?
Quand le destin me donne un être à protéger,
Je songerais à moi… ce serait arbitraire.
Non, non, c’est un devoir, sois certaine, au contraire,
Que j’en fais le vrai but de ma vie et gaîment,
Je le suivrai.
Bien sûr… comme un enterrement.
Tiens, tiens, tiens, ce bosquet propice les attire.
Il ne la quitte pas.
Et je la vois sourire.
Il implore, il arrive à ses fins.
C’est permis.
Que de remercîments.
Mais… je garde mon nom, Edith de Villefeuille
Tant que papa sera muni d’un portefeuille.
Ils ne se marient plus.
C’est une indignité !
C’est sage et très prudent.
Il est fort dépité.
Mais c’est Paul, il nous cherche, il fait piteuse mine.
Sans nous apercevoir, au soleil, il piétine.
Il se retourne… il vient… il a l’air radieux.
Triomphant. Le bonheur est écrit dans ses yeux.
Scène III
Embrasse-moi, ma sœur, j’ai fait un héritage.
Je viens de conquérir ma bourse de voyage.
Dis-tu vrai ?
Aux amitiés qu’on a dans un jury, l’atout,
Vois-tu, c’est le monsieur chic qui vous recommande,
Plus il est influent et plus la chance est grande.
Ton concours était bon ?
C’est l’atout qui l’emporte et ce n’est pas plus mal.
Félicite-moi donc !
Ton triomphe me grise.
Vous ne me dîtes rien ?
Nous avons tant de joie…
De vous dire que palme et laurier sont à vous.
Renaud n’est pas ici ? Petite sœur Colette,
Il me faut à l’instant t’embrasser à pincette.
Au milieu de ce parc, tu n’es pas sérieux.
Je cours chercher Renaud.
Encore un, sur les yeux.
Scène IV
Il saura t’embrasser !
Colette, tout s’arrange, il n’y a plus d’obstacle
À ton amour, au mien. Paul sera mon mari
Et Jean Renaud le tien ; j’en fais bien le pari.
Mais c’est loin tout cela !
D’abord, qu’on nous fiance
Ah ! tu vois, à ces mots, tu reprends confiance,
Et nous nous marions, en chœur, le même jour.
Dans six mois.
Oui, le temps qu’ils nous fassent la cour.
Pas de faste inutile, hein, soyons économes.
Des invités ?
Comme je suis très riche et que nous serons sœurs,
Moi seule, je paîrai tous les gros fournisseurs.
Pour les appartements, les meubles ?
Nous nous installerons chez eux, dame !… en maîtresse !
Scène V
Votre humble serviteur !
trop tôt.
Ah !… ce n’est pasNous eûmes en chemin, un accident d’auto.
Vrai ?
Défaite honorable… Inutile de feindre.
Mais d’arriver si tard, sommes-nous pas à plaindre !
Voyez ce temps perdu…
Vite, acceptez mon bras.
On ne sait si l’on doit vous croire, scélérats ?
Car nous nous morfondions, seules, en votre absence.
Il ne faut pas, tout haut, dire ce que l’on pense.
Nous allons mériter votre absolution.
Vous nous suivez ?
Par le flanc droit, conversion.
Les couples amoureux, tous, s’ils voulaient m’en croire,
Puisqu’on dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire,
Devraient vivre en province, obscurs, presque ignorés.
Sans fortune, comment faire ?
Paris ne compte pas, voyez-vous, quand on s’aime.
Être à soi, rien qu’à soi, mais c’est le bonheur même,
Sans trop d’ambition que de s’appartenir.
Dans le passé, dans le présent, dans l’avenir.
Nous ne nous quitterons jamais, c’est pour la vie,
Depuis plus de trois ans que je vous ai suivie,
J’ai fait bien des projets.
J’écoute et je vous crois.
À quoi bon des calculs et des règles de trois !
Faut-il donc tant d’argent pour se mettre en ménage.
N’en demandons pas trop. Faire un beau mariage
C’est prendre un bon mari, je serai celui-là.
Pour un bel officier, l’avenir que voilà
Trop modeste, aurait peu de quoi vous satisfaire.
Je suis pauvre et n’ai point la dot réglementaire,
Résignons-nous.
De rester tous les deux, vous fille et moi, garçon.
Je prétends m’insurger contre la loi barbare,
Je veux me marier, si c’est un goût bizarre
Blâmez-moi.
Mes amis, êtes-vous du complot ?
Nous en sommes, Lucienne a gagné le gros lot.
Vous…
Soyez attentifs, au sujet que j’aborde !
Tu demandes sa main, c’est bien je te l’accorde.
Ne rougis pas, Lucienne, il fera ton bonheur
Enfin, je serai donc demoiselle d’honneur.
Avec Renaud ?
Sans doute et suivant votre exemple…
Je vous choisis pour femme.
Et nos rêves d’amour ainsi réalisés
Tout émus du plaisir enchanteur de ces fêtes
Et de l’accueil flatteur que ce soir vous nous faites
Nous vous offrons à tous des gerbes de baisers.