Les Œuvres de François Rabelais (Éditions Marty-Laveaux)/Gargantua/22

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Texte établi par Charles Marty-LaveauxAlphonse Lemerre (Tome Ip. 80-84).

Les jeux de Gargantua.

Chapitre XXII.



Puis, tout lordement grignotant d’un transon de graces, se lavoit les mains de vin frais, s’escuroit les dens avec un pied de porc et devisoit joyeusement avec ses gens. Puis, le verd estendu, l’on desployoit force chartes, force dez, et renfort de tabliers. Là jouoyt :

Au flux, à la condemnade, à la prime, à la charte virade, à la vole, au maucontent, à la pille, au lansquenet, à la triumphe, au cocu, à la picardie, à qui a si parle, au cent, à pille, nade, jocque, fore, à l’espinay, a mariaige, à la malheureuse, au gay, au fourby, à l’opinion, à passe dix, à qui faict l’ung faict l’aultre, à trente et ung, à la sequence, à pair et sequence, au luettes, à troys cens, au tarau, au malheureux, à coquinbert, qui gaigne perd, au beliné, au pies, au torment, à la corne, à la ronfle, au beuf violé, au glic, à la cheveche, aux honneurs, à je te pinse sans rire, à la mourre, à picoter, aux eschetz, à deferrer l’asne, au renard, à laiau tru, au marelles, au bourry, bourryzou, au vasches, à je m’assis, à la blanche, à la barbe d’oribus, à la chance, à la bousquine, à trois dez, à tire la broche, au tables, à la boutte foyre, à la nicnocque, à compere, prestez moy vostre sac, au lourche, à la renette, à la couille de belier, au barignin, à boute hors, au trictrac, à figues de Marseille, à toutes tables, à la mousque, au tables rabatues, à l’archer tru, au reniguebieu, à escorcher le renard, au forcé, à la ramasse, au dames, au croc madame, à la babou, à vendre l’avoine, à primus secundus, à souffler le charbon, au pied du cousteau, au responsailles, au clefz, au juge vif et juge mort, au franc du carreau, à tirer les fers du four, à pair ou non, au fault villain, à croix ou pille, au cailleteaux, au martres, au bossu aulican, au pingres, à Sainct Trouvé, a la bille, à pinse morille, au savatier, au poirier, au hybou, à pimpompet, au dorelot du lievre, au triori, à la tirelitantaine, au cercle, à cochonnet va devant, a la truye, à ventre contre ventre, à Sainct Cosme, je te viens adorer, aux combes, à la vergette, à escharbot le brun, au palet, à je vous prens sans verd, au j’en suis, à bien et beau s’en va Quaresme, à Foucquet, au quilles, au chesne forchu, au rapeau, au chevau fondu, à la boulle plate, à la queue au loup, au vireton, à pet en gueulle, au picqu’à Rome, à Guillemin ballie my ma lance, à rouchemerde, à la brandelle, à Angenart, au treseau, à la courte boulle, au bouleau, à la griesche, à la mousche, à la recoquillette, à la migne, migne beuf, au cassepot, au propous, à mon talent, à neuf mains, à la pyrouète, au chapifou, au jonchées, au pontz cheuz, au court baston, à Colin bridé, au pyrevollet, à la grolle, à clinemuzete, au cocquantin, au picquet, à Colin Maillard, à la blancque, à myrelimofle, au furon, à mouschart, à la seguette, au crapault, au chastelet, à la crosse, à la rengée, au piston, à la foussette, au bille boucquet, au ronflart, au roynes, à la trompe, au mestiers, au moyne, à teste à teste bechevel, au tenebry, au pinot, à l’esbahy, à male mort, à la soulle, aux croquinolles, à la navette, à laver la coiffe Madame, à fessart, au belusteau, au ballay, à semer l’avoyne, à briffault, à la cutte cache, au molinet, à la maille, bourse en cul, à defendo, au nid de la bondrée, à la virevouste, au passavant, à la bacule, à.la figue, au laboureur, au petarrades, à la cheveche, à pille moustarde, au escoublettes enraigées, à cambos, à la beste morte, a la recheute, à monte, monte l’eschelette, au picandeau, au pourceau mory, à croqueteste, à cul sallé, à la grolle, au pigonnet, à la grue, au tiers, à taille coup, à la bourrée, au nazardes, au sault du buisson, aux allouettes, à croyzet, aux chinquenaudes.

Après avoir bien joué, sessé, passé et beluté temps, convenoit boire quelque peu, — c’estoient unze peguadz pour homme, — et, soubdain après bancqueter, c’estoit sus un beau banc ou en beau plein lict s’estendre et dormir deux ou troys heures, sans mal penser ny mal dire.

Luy esveillé, secouoit un peu les aureilles. Ce pendent estoit apporté vin frais ; là beuvoyt mieulx que jamais.

Ponocrates luy remonstroit que c’estoit mauvaise diete ainsi boyre apres dormir.

«  C’est (respondist Gargantua) la vraye vie des Peres, car de ma nature je dors sallé, et le dormir m’a valu autant de jambon. »

Puis commençoit estudier quelque peu, et patenostres en avant, pour lesquelles mieulx en forme expedier montoit sus une vieille mulle, laquelle avoit servy neuf Roys. Ainsi marmotant de la bouche et dodelinant de la teste, alloit veoir prendre quelque connil aux filletz.

Au retour se transportoit en la cuysine pour sçavoir quel roust estoit en broche.

Et souppoit très bien, par ma conscience ! et voluntiers convioit quelques beuveurs de ses voisins, avec lesquelz, beuvant d’autant, comptoient des vieux jusques es nouveaulx. Entre aultres avoit pour domesticques les seigneurs du Fou, de Gourville, de Grignault et de Marigny.

Après soupper venoient en place les beaux Evangiles de boys, c’est à dire force tabliers, ou le beau flux. Un, deux, troys, ou à toutes restes pour abreger, ou bien alloient voit les garses d’entour, et petitz bancquetz parmy, collations et arriere collations. Puis dormoit sans desbrider jusques au lendemain huict heures.