Gaspard de la nuit (éd. 1895)/Harlem
I
HARLEM
- Quand d’Amsterdam le coq d’or chantera,
- La poule d’or de Harlem pondera.
- Les Centuries de Nostradamus.
Harlem, cette admirable bambochade
qui résume l’école flamande, Harlem peint
par Jean Breughel, Peeter Neef, David
Téniers et Paul Rembrandt ;
Et le canal où l’eau bleue tremble, et l’église où le vitrage d’or flamboie, et le stoël[1] où sèche le linge au soleil, et les toits, verts de houblon ;
Et les cigognes qui battent des ailes autour de l’horloge de la ville, tendant le col du haut des airs et recevant dans leur bec les gouttes de pluie ;
Et l’insouciant bourguemestre qui caresse de la main son menton double, et l’amoureux fleuriste qui maigrit, l’œil attaché à une tulipe ;
Et la bohémienne qui se pâme sur sa mandoline, et le vieillard qui joue du Rommelpot[2], et l’enfant qui enfle une vessie ;
Et les buveurs qui fument dans l’estaminet borgne, et la servante de l’hôtellerie qui accroche à la fenêtre un faisan mort.