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Gaspard de la nuit (éd. 1920)/À M. Sainte-Beuve

La bibliothèque libre.
A M. Sainte-Beuve
Gaspard de la nuitMercure de France (p. 185-188).



Ici finit le sixième et dernier
Livre des Fantaisies
De Gaspard
De la
Nuit


À M. SAINTE-BEUVE


Je prierai les lecteurs de ce mien labeur qu’ils veuillent prendre en bonne part tout ce que j’y ai écrit.
Mémoires du Sire de Joinville.


L’homme est un balancier qui frappe une monnaie à son coin. Le quadruple porte l’empreinte de l’empereur, la médaille, du pape, le jeton, du fou.

Je marque mon jeton à ce jeu de la vie où nous perdons coup sur coup et où le diable, pour en finir, rafle joueurs, dés et tapis vert.

L’empereur dicte ses ordres à ses capitaines, le pape adresse des bulles à la chrétienté, et le fou écrit un livre.

Mon livre, le voilà tel que je l’ai fait et tel qu’on doit le lire, avant que les commentateurs ne l’obscurcissent de leurs éclaircissements.

Mais ce ne sont point ces pages souffreteuses, humble labeur ignoré des jours présents, qui ajouteront quelque lustre à la renommée poétique des jours passés.

Et l’églantine du ménestrel sera fanée, que fleurira toujours la giroflée, chaque printemps, aux gothiques fenêtres des châteaux et des monastères.


Paris, 20 septembre 1836.